Une erreur d’Edouard Levé.

visionné il y a deux jours une vidéo sur la réception d’un bouquin. "Inédits" d’Edouard Levé. Ce que j’en conserve en mémoire tourne en boucle depuis lors. Sorte de tâche de fond. Si tu veux faire un roman tu te plantes. Phrase que je trouve à l’instant même où je l’entends parfaitement exacte vu mes tentatives avortées dans ce domaine. Maintenant ce que j’en comprends est peut-être différent. Comparer ce que l’on comprend, revenir à la source et réfléchir. Comparer à l’intention de celui qui émet cette phrase. A sa vision personnelle de ce qu’est -pour lui- le terme littérature. Et aussi prendre en compte une notoriété, un parcours, des preuves qui l’autorisent à imposer cette vision. Se comparer à cela est une ineptie à priori. Et puis toujours l’idée d’écrire pour le "populaire" que l’écriture soit abordable comme la peinture le serait dans mon esprit. Ou dans ma volonté bizarre parfois qu’elle le soit. Alors que tout compte fait si je regarde assez froidement qui je suis je n’ai pas grand-chose de "populaire" justement. Et donc je me demande si certains ne sont pas tentés d’apparaitre ce qu’ils ne sont pas, c’est à dire vouloir écrire des fictions, des romans pour avoir l’air. Peut-être est-ce un peu ce qui serait reproché à Edouard Levé ici. C’est que n’est pas populaire qui veut seulement l’être. Un London, un Mark Twain, un Dickens, peuvent être classés dans cette catégorie des écrivains populaires. Voire Maupassant, En fait tous les écrivains qui ont écrit des histoires pour gagner de l’argent et se nourrir, Balzac aussi écrivain populaire. Zola sans doute moins, étrangement, à part quelques uns de ses ouvrages les plus connus. Mais ils ont quelque chose de plus que ce qu’on pourrait appeler populaire aujourd’hui. Ils ne prennent pas le peuple pour un ramassis de crétins. Leurs récits si simples sont-ils en apparence, partent d’une pensée souvent profonde, et d’une expérience vécue. Alors que la fiction pour la fiction n’est souvent qu’un jeu d’esprit sans vraiment beaucoup de substance. Je me souviens par exemple avoir mis du temps à lire Calvino autrefois, et bon nombre d’auteurs du même genre—Notamment Borges. Trop intello, trop philosophique, trop ludique. Carver me correspondait beaucoup plus dans le genre populo. Oui mais justement c’est tout le contraire du populo Carver. Sauf qu’il s’appuie sur le réel. Grande différence avec la création de pays étranges, fantastiques, de villes improbables. Donc si tu veux écrire un roman ne cherche pas à écrire un roman. Ecris des textes au jour le jour, appuie toi sur la réalité. Prends des notes, exerce-toi à composer des listes de mots, à prendre une locution et l’épuiser. Travaille le fragment. Et ensuite relève les manches et pose-toi la question de savoir comment assembler tout cela. Grande chance que tu tombes sur un roman déjà écrit sans le savoir. Ou du moins son corps, sa substance, sa trace. Que ça devienne ensuite publiable est une toute autre paire de manche, mais ne pars plus bille en tête à vouloir écrire "un roman". Ne commets plus cette erreur. Et pas la peine pour autant de te rendre vers les olibrius de l’olipo, ni de t’agenouiller devant Perec toute déférence gardée vis à vis de son travail. Reste toi.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}