Vide-grenier

6h du matin j’accompagne mon épouse à Saint-Clair du Rhône pour installer son stand au vide-greniers. Pendant que je fais la queue devant le parking j’allume la radio, France Culture une émission d’Alain Veinstein, une rediffusion de 2020. L’invité est Bernard Dufour qui a écrit un bouquin. Un journal qu’il a transformé en bouquin. L’homme m’est presque aussitôt antipathique. Ce qui est souvent le signe d’une résonnance avec des éléments personnels qui me sont honteux, intolérables. Il évoque la mort de sa seconde femme décédée d’un cancer. Se plaint qu’il ne puisse plus partager avec elle l’usage d’une vie sexuelle ou érotique, une vie "agitée" en raison de la chimiothérapie. Bien que je puisse tout à fait comprendre les tenants et aboutissants de sa plainte le fait de la rendre publique me gène. Et aussi me renvoie à Paris dans les années 90. De ce que j’avais à l’époque détesté ou refoulé quant à toute une population d’artistes réputés extrêmement fascinés par leur activité sexuelle. En plus c’était pour la plupart de vieux tromblons, ce qui donnait à ce genre de propos un aspect fortement libidineux- forcément dérangeant parce que ridicule- sous couvert de l’Art évidemment. Je repense à ces années, celles de la trentaine et me revient presque aussitôt ce malaise entre la découverte surprenante d’un coté puritain ou pudibond chez moi alors que je ne m’étais jamais gêné jusque là. Ce reflet d’une dépendance à la libido chez les vieux alors que je suis désormais devenu presque vieux aussi. C’est à dire à l’époque la crainte qu’on ne puisse donc jamais s’en défaire, qu’elle serait collée pour toujours à soi, aussi ridicule grotesque que cela puisse paraitre. J’ai écouté un morceau de l’émission, puis arrivé à destination j’ai déchargé les cartons avec mon épouse en laissant tourner le moteur en raison d’un problème de charbons toujours irrésolu. Il faisait froid, c’était encore la nuit. Nous étions garés à la porte C du grand gymnase où j’ai lu sur les murs sur une affiche, qu’une association d’archers existait. L’idée m’a soudain traversé de me renseigner. Toujours eu cette envie de tirer à l’arc. En photographie appuyer sur le bouton pile poil au bon moment m’obsédait. En peinture décocher la touche qui tue, c’est à dire qui sitôt qu’on la pose efface le peintre et fait surgir le tableau. En écriture dire ce que j’ai à dire en allant droit au but et découvrir que j’avais autre chose à dire que ce que je croyais avoir à dire. Puis le retour par la petite route départementale, toujours de nuit, la traversée de villages morts, de rues vides, de grandes étendues de pénombres, les champs alentours. Et enfin l’arrivée au parking à la même place qu’occupait le véhicule avant que nous partions.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener