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apparition, disparition, sidération
samedi 24 mai 2025
La nuit du 23 au 24 mai, en relisant un texte, quelque chose ne va plus. Il ne me convient plus. Je le récris. Plusieurs fois. Je le comprime. Puis je laisse. Je vais me faire un café.
Je m’étais focalisé sur le mot disparition. Et c’est alors que le mot apparition surgit. Par accident. En regardant un couvercle de sauteuse posé sur l’égouttoir, près de l’évier. Objet banal, usuel, auquel je ne prêtais pas attention — jusqu’à cet instant où il apparaît. Non plus comme un ustensile, mais comme un objet inconnu. Un objet soudain doué d’un potentiel d’observation infini, presque inexpliqué. Il est là. Et je le vois pour la première fois.
De là, tout un cheminement mental se déplie. Et soudain, le mot sidération s’impose. J’en cherche l’origine. Elle vient du ciel. Des étoiles. La sidération, c’est ce qui nous frappe au passage d’un astre — une lumière, un éclat, un danger. Et, presque immédiatement, j’associe : funeste. Pourquoi funeste ? Je cherche : funus, les funérailles. Donc, funeste : ce qui annonce, entoure, ou provoque la mort.
Je me dis alors qu’il y a toujours, partout, quelque chose qui apparaît et quelque chose qui disparaît. Et que ces deux mouvements — apparition et disparition — nous sidèrent. Nous figent. Non pas qu’on “y pense” au sens rationnel. Mais qu’une mémoire collective, linguistique, inconsciente, vient se glisser là. La langue porte cela. Comme un réceptacle. Un long souvenir partagé.
La langue est d’abord une œuvre collective.
Mais la sidération, elle, est singulière. Elle est nôtre. Elle est mienne.
Alors peut-être que la langue, la société, les formes, les récits existent pour ça : pour nous en sortir. Pour ne pas rester figés. Pour recommencer à bouger.