Chambre d’hôtel meublée au minimum : un lit, une table, une chaise, une armoire. La fenêtre donne sur la rue, le bruit monte en continu, sans creux, comme si la pièce avait perdu ses murs. Je peine à trouver mes repères, c’est de l’ailleurs posé dans un autre ailleurs, et ça tape sur ce que j’appelle encore mon identité. Ça commence par la colère, tourne à la déprime, glisse vers une forme d’acceptation molle, puis la résignation, et au bout du compte je sens revenir mes vieilles ruses. Je décide d’essayer autre chose : accueillir le bruit comme il vient, sans le classer, accueillir cet endroit comme un familier que je ne connais pas encore. Me rappeler que l’intention, ici, c’est de vivre, pas juste de tenir le coup. Alors je porte l’attention sur chaque morceau du décor, un par un, comme si je remontais un puzzle. La table ne veut rien dire. Le lit ne veut rien dire. La fenêtre, le flux de voitures, les talons sur le trottoir, tout ça ne raconte rien par soi-même. Mes pensées non plus. Elles passent, elles commentent, elles s’énervent, et elles ne veulent rien dire de définitif. Je reviens à ce travail simple : répéter l’attention pour ne pas lâcher l’intention, revenir à ce qui est là, même si ça reste pauvre et bruyant. Un matin, sans annonce particulière, tout s’aligne un peu : les objets sont à leur place, le vacarme ne m’attaque plus, il fait juste partie du décor. Je ferme la porte derrière moi et je descends dans la rue. La chambre devient un épisode de plus, et je continue mon chemin.