Il n’y a pas de petite exposition, même si parfois, suivant le temps, la température, la digestion ou l’abus de cigarettes, il m’arrive de l’oublier. J’avais déjà écrit un billet à ce propos que j’ai relu tout en réfléchissant à cette exposition qui vient de s’achever ce week-end dans le village où j’habite.

C’est vrai qu’à priori, je n’accordais pas vraiment d’importance à cette exposition, qui ne nécessitait pas d’effort exagéré, et dont je pensais aussi qu’elle n’attirerait pas vraiment de public dans ce coin perdu de l’Isère.

J’avais simplement fait une sélection des œuvres de Voyages Intérieurs, encore une fois, plus ramassée, car le local est de taille modeste. Il y avait aussi un impératif de luminosité interne des toiles que j’avais pris en compte en remarquant l’éclairage, car celui-ci était chiche, diffusé par des spots encastrés dans le faux plafond.

J’ai donc choisi de prendre ou de rejeter en fonction de ces critères principalement. Sinon, la logistique est déjà en place : textes, blablas, CV, documents PDF divers et mon livre Propos sur la peinture, dont le stock s’écoule doucement, sans précipitation exagérée non plus. (Je mets un lien pour les curieux·ses, on ne sait jamais, ça ne mange pas de pain.)

Bref, je suis encore d’accord avec moi-même sur le fait qu’il n’y a pas de « petite » exposition, car j’ai été agréablement surpris par la qualité des échanges avec les visiteurs lors des quelques permanences que mon emploi du temps chargé m’a permis d’assurer.

Du côté de mon épouse, le bilan est assez positif, d’après ce qu’elle m’a remonté. Peut-être de nouvelles inscriptions aux cours, notamment. Des propositions d’expositions également dans d’autres lieux de la région. Et puis, tout de même, quelques toiles vendues, principalement de petits formats.

J’avais même posé quelques vieux tableaux en solde, en indiquant avec une pancarte « vide atelier » à moindre prix, mais personne ne s’est rué dessus. Comme quoi, proposer des soldes est aussi un bon indicateur du type de public qui passe. Un ami m’a même dit que j’avais mis des prix tellement bas qu’il n’en avait pas acheté pour que je puisse ne pas m’en séparer et revenir sur ma position dans d’autres lieux à venir.

Ce qui, évidemment, me fait revenir sur le problème du prix des œuvres. Enfin, problème qui n’en est plus un vraiment désormais. Car mes prix sont fixés sur l’indice de ma frustration à voir partir les toiles susdites. Pour certaines, j’ai tellement peu de frustration qu’il ne me reste juste la notion du temps passé et du matériel pour ne pas les donner.

Gaston est venu et m’a encore parlé de ses maladies pendant un bon moment et de ses séances d’auto-hypnose, que j’appellerais plutôt une méthode Coué. Il m’a pris deux petites toiles, ce qui fera donc trois œuvres en tout puisque nous avons échangé l’une avec un de ses collages qui m’avait bien plu lors de sa dernière expo.

Ces amis peintres, des localités voisines de la mienne, ne se prennent pas la tête. Ils sont en retraite pour la plupart, et ce n’est donc pas l’argent qui les fait courir les lieux d’expo. Ce que je trouve très sain à les fréquenter. Ils ne pratiquent pas des prix exorbitants, échangent entre eux de bons plans, donnent parfois des avis critiques des uns sur les autres, mais tout cela reste globalement bon enfant, pas méchant pour deux ronds. Depuis que j’ai lâché Facebook et Instagram, je me suis rapproché d’eux, je crois. Car le bon sens veut qu’il semble inutile de vouloir constituer un réseau virtuel lorsqu’on n’est même pas fichu d’en constituer un réel, authentique, avec de vrais gens.

J’ai de moins en moins envie de fournir d’efforts pour faire des courbettes et des ronds de jambe. Du coup, je me rends rarement dans les manifestations autour de chez moi. Je reviens à l’état quasi sauvage.

Je ne peux pas dire que je n’apprécie pas les gens, ce n’est pas cela. S’ils se taisent la plupart du temps, ça se passe très bien. D’ailleurs, moi-même vis-à-vis de moi-même, je remarque aussi cela : quand je ne me parle pas trop, ça va nettement mieux. Je ne sais pas si c’est conjoncturel ou bien si j’ai pris un nouveau tournant, réellement, celui de l’économie de paroles pour me diriger vers plus d’action, plus de faire dans mon atelier principalement.

En tout cas, je tiens le siège. Je l’occupe toute la journée sans broncher. Parfois, je peins, d’autres fois je balaie. D’autres fois encore, j’effectue des recherches dans mes innombrables boîtes et cartons pour faire du tri surtout, encore que je ne jette jamais rien. Mais je les mets de côté, je fabrique des tas dans les tas, j’étudie ma frustration à les imaginer hors de l’atelier. Je place des prix à mon temps passé, que je considère souvent comme autant de temps perdu, certainement à tort, pour garder tout de même en moi une vraie douleur lorsque toutes les autres se seront dissipées et que je me croirai sage, tiré d’affaire ou sur mon lit de mort.

La température semble remonter légèrement, ce qui me fait parfois penser au printemps, surtout le matin lorsque j’entends les premiers oiseaux chanter et le coq au loin. Des déchirures de temps soudaines me replongent dans une sorte de bain de jouvence, même si j’ai passé une nuit blanche.

Le printemps, chaque année supplémentaire qui passe, renforce l’espoir d’y parvenir en pas trop mauvais état, d’en profiter encore éperdument.