« cette faculté de refus doit bien avoir une utilité. il est inconcevable que l’on refuse comme ça tout systèmatiquement sans la moindre raison. »

Quelqu’un essaie de prendre ma défense, mais il s’y prend comme un manche. L’idée qu’il faille des raisons pour tout est stupide. D’ailleurs je crois qu’à un moment je me suis levé, j’ai poussé la porte de la chambre et me suis planté au milieu de la cuisine. Le carrelage sous les pieds était frais et quelqu’un avait mal fermé le robinet de l’évier.

Je les ai regardé, ils étaient tous assis autour de la table de la cuisine. Une bonne partie de la famille. C’est à ce moment là que j’ai ouvert la bouche pour laisser sortir çe qu’elle avait envie de dire.

« Non ! »

L’un après l’autre je les ai regardé dans le blanc de l’oeil et à chaque fois je répètais la même chose

« Non ! « 

Je n’étais pas en colère, je n’éprouvais pas d’émotion, de sensation particulière, j’étais vide comme jamais je n’avais été vide

j’ai ainsi fait le tour complet de la table pour arriver face à mon père

« Non ! « 

et j’ai même pas pu empêcher ce sourire d’arriver sur mon visage.

C’est à ce moment là que ma mère s’est levée et qu’elle a dit « oh mais ça suffit » à elle-même. Puis à moi :

 « Assis, pas bouger, pas penser. « 

La vieille dame à coté d’elle, sa mère, a allumé une disque bleu, la fumée s’est ajoutée à toutes les odeurs de la cuisine, elle pénètrait la couche de peinture, s’infiltrait dans les moellons des murs de la pièce. Le robinet continuait à couler, ploc ploc ploc, quelqu’un a essayé de péter disçrètement en conservant un visage impassible mais ce fut raté on savait tous qui c’était.

j’ai tiré une chaise libre vers moi, je me suis assis et je me suis immobilisé sans penser à rien. Il ne m’a plus resté bientôt que mon non qui s’amusait avec le ploc ploc du robinet qui coulait.

« Non ! ploc ploc Non ! ploc ploc « 

Peu de temps après tout le monde est parti se coucher. Je me suis levé pour aller resserer le robinet et je l’ai dit moi aussi comme pour ne pas le garder en moi.

 « Assis, pas bouger, pas penser ». ça m’a fait rire. puis j’ai dû retourner dormir.