A chaque nouvelle exposition se représente le problème de se présenter. C’est un probleme aujourdhui qui n’existait pas hier. Hier aucune difficulté ne se présentait pour dire Je suis ceci Je suis cela. Aujourd’hui c’est devenu un problème parce que je n’arrive pas à être tout simplement ce que je suis face aux gens. C’est à dire que tout le monde vient dans cette salle pour voir mes peintures et ça ne suffit pas. Ils veulent en plus que je parle que je dise qui suis et pourquoi ceci pourquoi cela. Je ne suis pas fou, juste un peu lache, c’est a dire assez gentil avec les gens en général. Ils me demandent et, si je le peux, bien sur que je leur donne ce qu’ils demandent. je leur donne même de bon coeur. J’ai ainsi beaucoup de discours très bien rodés que je peux débiter en mode automtique tout en faisant ce qu’il faut pour que ça ne ressemble pas à quelque chose d’automatique. C’est en cela que je suis à la fois gentil et làche. Pour ne pas blesser les gens. Mais en fait je me blesse moi même souvent en pratiquant cet exercice. Pas gravement, juste de petites égratignures. Je m’identifie momentanement à ce personnage de peintre que beaucoup desirent connaitre. Mais en fait même si je fournissait tous les détails autobiogrgiques possibles de ma vie ils ne la connaitraient pas plus. Ils interpreteraient leur propre histoire à partir des éléments vrais ou faux que je leur fournirais . Je dis vrai et faux parce que je ne sais même plus moi même ce qui est vrai ou faux, voilà une vérité. Parce que dans le fond je ne m’identifie pas à moi-même, à ce recit de moi-même. Je suis resté cet enfant qui bondissait dans les escaliers en empruntant des personnages vus dans des feuilletons télé. Je n’y croyais que pour jouer un moment à être ces personnages. Et puis une fois le jeu terminé je redevenais cet enfant qui ne s’identifie à rien et le fait trés sérieusement. C’est à dire en opposant un refus catégorique aux identifications ordinaires. Ainsi je ne peux dire que j’ai été un écolier, un bon ou un mauvais élève. J’ai traversé ma scolarité dans un refus global d’adhérer à toute identification possible, imaginable. Mieux que cela, j’ai traversé ma vie entière ainsi. Et même quand j’étais gai, quand j’étais triste, riche, pauvre, je ne m’identifais pas à ces émotions. Je crois qu’un instinct de liberté et aussi ce recul incroyable que crée l’humour m’auront toujours accompagné dans ce refus de m’identifier à qui ou quoique ce soit.
Et maintenant que je me suis presenté à vous, je vous propose que nous partagions cet excellent rosé avant qu’il ne se réchauffe.