Cette idée
Cette idée de toi que j’ai gardée comme une braise
qui me brulait et me réchauffait pendant que je marchais
je ne sais plus ce que j’en ai fait
ce que je n’ai pas fait
Pour l’oublier profondément
si profondément qu’elle se transforme
en mon cœur et mon souffle
pour que je ne puisse plus dire elle m’appartient.
Elle est juste une idée
qui va son chemin parallèle au mien
Et que je crois rencontrer encore
parfois comme une inconnue séduisante.
au hasard de la rue.
Cette idée de toi je ne l’ai plus.
Je l’ai usée à force de m’en rappeler
je l’ai souillée et sublimée
Tant et tant qu’elle s’est dissoute dans le présent
et rend parfois ce présent amer ou sucré
comme ce café noir qui toujours m’accompagne
et ces cigarettes parfois insupportables.
Cette idée de toi ce n’est pas mon idée
ce n’est qu’une trace laissée par d’autres
et que j’ai relevée comme un chasseur
dont le but est de tuer
d’achever.
Ce chasseur n’a pour arme que l’inachevé
qui ne tire que des balles à blanc
parce que c’est trop dur de tuer
parce qu’on s’enfuit toujours dans la pensée
les émotions pour ne pas voir la réalité.
Cette idée est un meurtre prémédité
un contrat qu’à la naissance j’ai signé
avant même de savoir parler.
Cette idée j’ai beau tenter de m’en rappeler
je ne m’en rappelle plus
ce n’est pas ma mémoire
ce ne l’a jamais été
Elle vient du Nord
emprisonnée dans l’ambre
comme un être fossile
une patience qui vient de loin
du fond de la mer baltique.
Cette idée m’a un jour donné une dignité
puis me l’a ôtée.
Et je me suis retrouvé nu
abandonné comme un coquillage
déserté.
Cette idée c’est juste ce son
ce vent qui souffle
cette musique qui m’emporte tout entier vers toi.
Pour continuer
Carnets | avril 2021
Prendre le temps
Encore une réflexion de Michel Butor que je rumine depuis quelques jours et qui correspond tout à coup à une clef permettant d'ouvrir une issue à l'aporie des jours qui filent et qui semblent m'échapper continuellement. Prendre le temps d'écrire ou peindre c'est ,en gros, tout ce que j'ai mis en place pour contrer la fuite du temps. Pour lutter contre cette obsession d'anéantissement toujours présente, de plus en plus présente. Autrefois c'était le sexe. Mais d'une façon totalement inconsciente, irraisonnée, irraisonnable. Comme un engloutissement désordonné à grands renforts de sensations et d'ébats et qui à son terme laisse un vide semblable à tout ce que l'on peut imaginer du néant. Une défaite de l'intellect au profit de la pulsion. Cet élan vers cet autre anonyme. Dont la nécessité d'anonymat me permettait de devenir anonyme en quelque sorte à moi-même. Tout en mettant le doigt sur cette "vérité" d'être bien plus soi dans cet anonymat que travesti dans une identité. Un élan vers l'indifférencié qui à chaque fois était déçu, fabriquant contre mon grès la différence, me la révélant en creux. Le grain d'une peau, la cartographie d'une odeur, la sensation désagréable d'une caresse trop adroite, une chevelure rêche, une vulve trop large, des signes avant coureurs du dépérissement de la chair, vergetures, tâche de vieillesse , rides et ridules, une fois passées toute la littérature fumeuse et sentimentaliste que je pouvais m'inventer pour traverser les dégouts de façon héroïque, tombaient en quenouille quand je me retrouvais seul dans les rues à marcher vers mes gourbis. C'était survivre sur la fréquence de urgence, épouser la courbe de la course du temps, passer avec celle ci sous le niveau de l'amer pour m'enfoncer dans les ténèbres de la perte totale d'identité, dans le refus d'identité. Vers la mort ni plus ni moins. Chercher avidement en vain la fameuse voie étroite. Jamais avant d'atteindre la cinquantaine l'écriture ou la peinture ne m'ont apporté ce que m'offrait le sexe. Cette gravité tragique qui accompagnait celui ci, malgré tout l'humour que je pouvais parvenir à déployer dans la séduction, était cette lourde charge que je m'accrochais au cou pour me lancer du haut de tous les sens, vers un fleuve sombre charriant toutes les souillures de la ville. Un Gange personnel, entouré de brasier sur lequel flotte toujours une odeur de chair brûlée. Cette sensation d'être tout à coup en retard lorsque je me suis réveillé soudain au mois de janvier de cette année là, me foudroya. Comme dans la chanson de Brel : on se croit mèche on n'est que suif. Ce n'est qu'à partir de ce constat d'avoir perdu mon temps, de m'être fait floué, que je me suis demandé comment prendre mon temps. Ce n'est qu'à partir de là que j'ai aussi pris conscience que peindre est une façon de recréer quelque chose d'oublié, où qu'on n'a pas su voir ni comprendre. Et ce malgré toutes les informations, tous les mots d'ordre transmis par la famille l'école, l'église l'armée, l'entreprise. Ce n'est qu'en expérimentant moi même ce paradoxe que j'ai pu poser des couleurs et des lignes dessus, puis parallèlement peu à peu, laisser les mots les phrases remonter du centre de la terre comme ces pierres qui se métamorphosent du grossier vers le précieux. On sait pertinemment tout cela depuis toujours. Je n'inventerai rien en l'écrivant une fois de plus. On sait tout un tas de choses au fond de nous, mais leur utilité ne nous sert de rien tant que le temps n'est pas venu, voilà aussi ce que j'ai découvert en toute modestie. D'ailleurs cette découverte il se pourrait bien que je puisse la nommer modestie tout simplement. Prendre le temps c'est devenir modeste. Cela n'a l'air de rien évidemment quand on réside dans une idée d'importance, il faut du temps pour en saisir toute la subtilité. Ca s'éprouve comme la fadeur d'une soupe, la morue mal dessalée, et la douceur exagérée d'un loukoum. Huile sur papier 15x15 Avril 2021 Patrick Blanchon|couper{180}
Carnets | avril 2021
Nuit blanche
A minuit je me réveille et en prime je pète la forme. Un café, deux cafés et hop je vais barbouiller deux trois choses dans l'atelier pour me mettre en jambes. Et puis je me souviens que quelqu'un a posté un commentaire sur Facebook à propos de ce livre que j'avais publié l'année passée. Mais vous comprenez je ne commande rien sur Amazone. Je n'aime pas Amazone, je conchie Amazone.. ( bon là c'est moi qui brode un peu... ) Du coup je me suis dit que j'allais m'attaquer à une montagne, la remise en forme de mon site d'artiste que j'ai laissé pourrir consciencieusement depuis des mois, et qu'en plus j'allais créer une page spécifique sur laquelle mes milliers de "fanas" amazonophobes pourraient enfin jouir de l'acquisition de cet œuf plus vraiment très frais du jour... excusez du peu. Mieux vaut tard que jamais. C'est ma devise. Donc après avoir sué, tempêté, râlé ça y est c'est fait. En espérant que tout fonctionne, mais bien sur vous me direz si vous vous y collez. D'ailleurs je suis en train de préparer un second tome qui devrait sortir durant cet été. Peut-être que je ferai même des promos ... arf rien que d'y penser ça me met déjà les poils. Bonne journée ! propos sur la peinture|couper{180}
Carnets | avril 2021
Cheval
Mon premier meilleur ami, et sans doute l'unique c'est un cheval. Et curieusement lorsque je pense à la sincérité, à celle que l'on croit nécessaire, obligatoire pour écrire Je revois encore mon cheval Il est noir comme celui de Zorro Et son nom c'est le mensonge. Sauf que je ne l'ai pas peint en noir à menteur, menteur et demi. illustration dessin Patrick Blanchon Avril 2021|couper{180}