réecriture
Zeus le regarde de haut, ce petit garçon, cet Ulysse qui lève le poing et bredouille. Roi des dieux, oui, mais à cet instant seulement un père démuni. Comment ? Je t’ai donné le vin, le souffle, le pain et le sang, et tu me provoques ? Tu me charges de tes maux ? La confusion lui tombe dessus comme un orage. Tu vas voir, nabot. Tu ne rentreras pas chez toi : tu erreras sur la mer vineuse, tu apprendras à vivre. Et Zeus retourne à ses inoccupations de dieu. Athéna passe, sortie toute armée du crâne de son père : Ulysse, qu’as-tu dans la peau ? Elle l’admire et tient déjà l’outil d’une vengeance simple, une affaire de fille contre un père. Le petit garçon repart avec ses compagnons : ils rament, la poix colle aux doigts, l’embrun sale les lèvres, la corde échauffe les paumes. Escales, monstres, magiciennes, morts et survivants selon l’humeur des vents. Un jour, les sirènes. Attachez-moi au mât, crie Ulysse, je veux écouter. On bourre les oreilles de cire, on serre les nœuds ; la houle cogne le bordage, le chant monte, fil coupant, tantôt miel tantôt fer. Il tire sur les liens jusqu’au sang et rit malgré lui. Là, Zeus ne peut rien. Quelque chose s’ouvre dans la tête du garçon : le sublime vient en désordre, et c’est très bien ainsi. On dit que les sirènes se sont jetées des falaises après qu’il les a entendues. On dit moins que l’Olympe a vacillé, un instant. Ce qu’on ne dit pas du tout : un père, même roi des dieux, n’empêche pas un enfant d’entendre.