Le vide et le plein

Quelques semaines que je me cantonne à la réalisation de petits formats. Comme il faut quelques contraintes j’ai décidé au début de ne pas utiliser de bleu et de ne travailler qu’avec de l’ocre, du vermillon du noir et du blanc.

Mon idée était de travailler à la fois la composition et la nuance des couleurs de façon à ce que ces petits formats soient attractifs vus de loin. Que l’on ait envie de s’approcher d’eux. J’avais donc la contrainte et le but, ce n’était pas si mal. Ensuite je pourrais disserter durant des heures et de façon psychanalytique évidemment sur les formes, sur ce que tout cela représente ou ne représente pas, cela n’a pas grand intérêt.

Une chose que j’ai retenue c’est que plus le format est petit plus le rapport entre vide et plein est important à trouver.

Cependant le plaisir de découvrir toutes ces couleurs, toutes ces nuances et de les apposer les unes à coté des autres m’aura fait oublier cette dernière contrainte.

Finalement la peinture ressemble beaucoup à l’écriture.

Ca ne sert pas à grand chose d’avoir beaucoup de matières beaucoup d’idées et de toutes les étaler en même temps.

A trop vouloir en dire on finit par ne plus rien dire du tout.

Cela me laisse un sale gout dans la bouche.

Mais en même temps il y a là matière à réflexion et à travailler d’autant plus.

Supprimer tout ce qui n’est pas essentiel demande de savoir au préalable ce qui l’est vraiment.

Peut-être que tout ce désordre, ce coté brouillon dans lequel je ne cesse jamais de m’engager dans tout travail de peinture ou d’écriture n’est que la répétition perpétuelle d’une recherche d’essentiel.

Cependant je m’arrête souvent avant de l’avoir découvert cet essentiel comme si je ne voulais au bout du compte pas le voir. Comme s’il allait me flanquer, sitôt aperçu, sur une mauvaise piste. Comme si soudain j’allais surtout perdre tout plaisir de désordonner le monde.

Le plaisir du désordre et l’austérité de l’essentiel.. ce serait donc ainsi que je vois les choses ?

Alors que la plupart des personnes me diront que c’est tout l’inverse bien sur ...

Cet équilibre du vide et du plein c’est aussi celui que je m’inventerais alors entre ordre et désordre, entre s’exprimer et ne rien dire.

En rephotographiant ces tableaux avec un bon appareil et en utilisant un logiciel de traitement d’images je les redécouvre tout à coup. J’effectue des sélections, des recadrages dans cette parole ininterrompue que représente la peinture.

Cela pourrait très bien être un vrai travail que de partir de ces fragments pour réaliser de grands formats.

Je suis sur un fil en plein vent au dessus des gouffres. Je vacille perpétuellement dans cette quête d’un équilibre qui au bout du compte me procurerait cette confiance que j’imagine nécessaire pour effectuer le pas suivant... Et bien sur , et évidemment, dans une sensation de confort ou de sécurité qui, sitôt qu’elle advient, me parait être une lâcheté de plus et que je m’emploie à détruire aussitôt.

Le recours à la dispersion c’est le champs de bataille sur lequel tous les possibles tombent les uns après les autres fauchés par ce combat entre confort et risque pour ne pas s’arrêter à la facilité tout en ne cessant pas de l’explorer.

Parce qu’il y a des choses qui semblent faciles et qui ne le sont pas du tout et qui rendent le difficile soudain plus supportable, car on le comprend comme refuge.

Au bout du compte les deux se rejoignent- facile et difficile-, vide et plein etc. Ils se rejoignent mais ne se confondent pas. Il y a un écart parfois tellement infime que l’on peut s’y tromper, se maudire, ou s’encenser bêtement.

Ceci expliquant cela entre les montées de confiance en soi intempestives et les dépressions qui ne tardent jamais à les suivre.

Evidemment pénétrer dans la vacuité, l’impermanence serait une sinécure. Pas de doute que la lévitation arriverait en bonus, cet upsell comme disent les vendeurs de soupe qui veulent bourrer le panier de la ménagère.

Là aussi il y aurait beaucoup à dire sur les besoins véritables et les désirs imaginaires. Surtout sur cette obsession de vouloir être autre par le fait non pas d’être mais d’avoir.

Un grand fil en travers du grand Canyon, des vents qui font rage, du ciel et des gouffres et je suis là en plein milieu prêt à chuter à tout instant sans même le recours d’un balancier. Je m’y suis engagé à bras nu, avec ma bite et mon couteau. C’est surement d’une ineptie totale et ça risque de bien mal finir si je me mets à y penser.

Il y a déjà eut tous ces jours à s’enfoncer dans le gras du quotidien à faire des jobs de merde, à vivre une vie de merde, et le mot merde me monte naturellement, tout ça juste parce que je ne me sentais pas d’accord, parce que je croyais que j’étais différent, et surement je pensais aussi que j’avais totalement raison envers vents et marées de m’accrocher à cette idée de m’exprimer.

L’envie d’être comme tout le monde me terrasse à chaque fois de la même façon.

L’envie d’être comme tout me monde arrive sur son char armée d’une lance et je suis à poil face à elle, cette salope , sur le champs de bataille.

Des milliers de fois je suis parvenu à m’écarter au bon moment lorsqu’elle me fonçait dessus. Une fois ou deux peut-être j’ai réussi à la déstabiliser mais pas vraiment à la vaincre une bonne fois pour toutes.

Pas faute d’avoir rêvé à ces nuées de corbeaux qui la becquèteraient par lambeaux.

Je ne suis pas Prométhée faut que je me rentre ça dans le crâne aucun vautour à l’horizon, Je ne le suis plus.

Dans mes pires moments, je ne suis plus qu’un sombre idiot, une sorte de débile mental ou un gamin qui ne parvient plus à se relever tant il a finit par s’infliger lui même des coups pour se sentir vivant dans le territoire des morts.

Je vais ranger ça dans récits de fiction. Ce genre de choses qui me traversent et par lesquelles je me laisse traverser sans trop broncher. Je n’ai absolument aucune idée sur la teneur de ce genre de propos. Est ce du lard ou du cochon ? Du vide ou du plein ? du vrai ou du faux ?

Je me contente juste de l’écrire tel que ça vient au cas où ça puisse servir un de ces quatre à moi ou à quiconque peu importe.

C’est un petit format comme ceux que je peins avec souvent beaucoup trop de choses. Mais dont l’agrandissement d’un fragment réservera peut-être une ou deux surprises voilà tout simplement ce que je me dis.

Et peut-être aussi que ça me permet d’avancer d’un pas de plus pour aujourd’hui sur ce putain de fil

on ne sait jamais.

Fragment huile sur toile 2021 Patrick Blanchon

Pour continuer

Carnets | avril 2021

Prendre le temps

Encore une réflexion de Michel Butor que je rumine depuis quelques jours et qui correspond tout à coup à une clef permettant d'ouvrir une issue à l'aporie des jours qui filent et qui semblent m'échapper continuellement. Prendre le temps d'écrire ou peindre c'est ,en gros, tout ce que j'ai mis en place pour contrer la fuite du temps. Pour lutter contre cette obsession d'anéantissement toujours présente, de plus en plus présente. Autrefois c'était le sexe. Mais d'une façon totalement inconsciente, irraisonnée, irraisonnable. Comme un engloutissement désordonné à grands renforts de sensations et d'ébats et qui à son terme laisse un vide semblable à tout ce que l'on peut imaginer du néant. Une défaite de l'intellect au profit de la pulsion. Cet élan vers cet autre anonyme. Dont la nécessité d'anonymat me permettait de devenir anonyme en quelque sorte à moi-même. Tout en mettant le doigt sur cette "vérité" d'être bien plus soi dans cet anonymat que travesti dans une identité. Un élan vers l'indifférencié qui à chaque fois était déçu, fabriquant contre mon grès la différence, me la révélant en creux. Le grain d'une peau, la cartographie d'une odeur, la sensation désagréable d'une caresse trop adroite, une chevelure rêche, une vulve trop large, des signes avant coureurs du dépérissement de la chair, vergetures, tâche de vieillesse , rides et ridules, une fois passées toute la littérature fumeuse et sentimentaliste que je pouvais m'inventer pour traverser les dégouts de façon héroïque, tombaient en quenouille quand je me retrouvais seul dans les rues à marcher vers mes gourbis. C'était survivre sur la fréquence de urgence, épouser la courbe de la course du temps, passer avec celle ci sous le niveau de l'amer pour m'enfoncer dans les ténèbres de la perte totale d'identité, dans le refus d'identité. Vers la mort ni plus ni moins. Chercher avidement en vain la fameuse voie étroite. Jamais avant d'atteindre la cinquantaine l'écriture ou la peinture ne m'ont apporté ce que m'offrait le sexe. Cette gravité tragique qui accompagnait celui ci, malgré tout l'humour que je pouvais parvenir à déployer dans la séduction, était cette lourde charge que je m'accrochais au cou pour me lancer du haut de tous les sens, vers un fleuve sombre charriant toutes les souillures de la ville. Un Gange personnel, entouré de brasier sur lequel flotte toujours une odeur de chair brûlée. Cette sensation d'être tout à coup en retard lorsque je me suis réveillé soudain au mois de janvier de cette année là, me foudroya. Comme dans la chanson de Brel : on se croit mèche on n'est que suif. Ce n'est qu'à partir de ce constat d'avoir perdu mon temps, de m'être fait floué, que je me suis demandé comment prendre mon temps. Ce n'est qu'à partir de là que j'ai aussi pris conscience que peindre est une façon de recréer quelque chose d'oublié, où qu'on n'a pas su voir ni comprendre. Et ce malgré toutes les informations, tous les mots d'ordre transmis par la famille l'école, l'église l'armée, l'entreprise. Ce n'est qu'en expérimentant moi même ce paradoxe que j'ai pu poser des couleurs et des lignes dessus, puis parallèlement peu à peu, laisser les mots les phrases remonter du centre de la terre comme ces pierres qui se métamorphosent du grossier vers le précieux. On sait pertinemment tout cela depuis toujours. Je n'inventerai rien en l'écrivant une fois de plus. On sait tout un tas de choses au fond de nous, mais leur utilité ne nous sert de rien tant que le temps n'est pas venu, voilà aussi ce que j'ai découvert en toute modestie. D'ailleurs cette découverte il se pourrait bien que je puisse la nommer modestie tout simplement. Prendre le temps c'est devenir modeste. Cela n'a l'air de rien évidemment quand on réside dans une idée d'importance, il faut du temps pour en saisir toute la subtilité. Ca s'éprouve comme la fadeur d'une soupe, la morue mal dessalée, et la douceur exagérée d'un loukoum. Huile sur papier 15x15 Avril 2021 Patrick Blanchon|couper{180}

Carnets | avril 2021

Nuit blanche

A minuit je me réveille et en prime je pète la forme. Un café, deux cafés et hop je vais barbouiller deux trois choses dans l'atelier pour me mettre en jambes. Et puis je me souviens que quelqu'un a posté un commentaire sur Facebook à propos de ce livre que j'avais publié l'année passée. Mais vous comprenez je ne commande rien sur Amazone. Je n'aime pas Amazone, je conchie Amazone.. ( bon là c'est moi qui brode un peu... ) Du coup je me suis dit que j'allais m'attaquer à une montagne, la remise en forme de mon site d'artiste que j'ai laissé pourrir consciencieusement depuis des mois, et qu'en plus j'allais créer une page spécifique sur laquelle mes milliers de "fanas" amazonophobes pourraient enfin jouir de l'acquisition de cet œuf plus vraiment très frais du jour... excusez du peu. Mieux vaut tard que jamais. C'est ma devise. Donc après avoir sué, tempêté, râlé ça y est c'est fait. En espérant que tout fonctionne, mais bien sur vous me direz si vous vous y collez. D'ailleurs je suis en train de préparer un second tome qui devrait sortir durant cet été. Peut-être que je ferai même des promos ... arf rien que d'y penser ça me met déjà les poils. Bonne journée ! propos sur la peinture|couper{180}

Carnets | avril 2021

Cheval

Mon premier meilleur ami, et sans doute l'unique c'est un cheval. Et curieusement lorsque je pense à la sincérité, à celle que l'on croit nécessaire, obligatoire pour écrire Je revois encore mon cheval Il est noir comme celui de Zorro Et son nom c'est le mensonge. Sauf que je ne l'ai pas peint en noir à menteur, menteur et demi. illustration dessin Patrick Blanchon Avril 2021|couper{180}