Mai 2025
1er mai — Lancement de la version trois du site. En ligne. Pas tout à fait au point mais à ce stade, la quête de la perfection relevait de la divagation technique. Le principe : organiser la navigation selon des thématiques. Il reste deux mille articles à trier, réécrire. Je bosse, donc, ce qui tombe bien : les vacances m’ennuient. Viscéralement. J’ai développé une forme d’indifférence aux voyages. J’y vais à reculons, puis je m’emmure dans un mutisme. La plupart des discussions sont des monologues alternés. Je préfère faire le mien ici.
2 mai — Revu Twin Peaks. Pas tant une histoire qu’une atmosphère. Une contamination. Une lente hystérie. Le sexe est là, partout, mais à côté. Un rictus, jamais un souffle. Une sorte de porno triste. Ce n’est pas que Twin Peaks soit toxique en soi. C’est que la vision qu’elle propose du monde est elle-même parasitée. Le bien, le mal, ça se superpose, ça se confond. Le spectateur est piégé entre le soupçon et l’attente. Une paranoïa modérée. Mais continue. On regarde encore un épisode. Et on se réveille avec cette impression que quelque chose a été colonisé. Une beauté stérile, un rêve froid. Les plateformes de diffusion fonctionnent comme des armes douces de destruction massive des imaginaires singuliers. L’imagination se ratatine. On devient personnage secondaire d’un feuilleton global.
4 mai — Rien écrit depuis deux jours. Avalé par le code. Puis ce message de D. : ça finirait en juin. J’ai pensé à L’Âge de cristal. De mon côté, la trouille de devenir "marteau". Cette certitude, revenue ce matin : celle d’être exactement à la lisière — entre l’idiotie et le génie. Castaneda dit qu’en récapitulant on peut rejoindre le point où l’énergie de vivre s’est figée. Je n’ai jamais douté que cette phrase dise vrai. Récapituler, c’est écrire. Saisir une trace d’une souffrance traversée. L’amour me manque. Ce manque est devenu un trou noir. Et pourtant, m’offrirait-on tout l’amour du monde que je ne saurais quoi en faire. Hier, dans la cour, je fixais une fleur bordeaux. Elle grandissait. Devenait gigantesque. Mon propre trou noir, matérialisé sous forme végétale.
5 mai — Depuis que j’ai de nouvelles lunettes, j’ai plus de mal à lire. Lunettes au rabais. Cette nuit, j’ai même roulé dessus. Durant trois ans, je me suis contenté de simples loupes achetées partout. J’éprouve une colère de tous les instants à comprendre à quel point je vieillis mal. Parfois, je me dis qu’il faudrait que je trouve la fameuse pilule rose. Puis un ricanement me flanque au sol. Il faudra aller jusqu’au bout du film. Ce qui est une grosse différence par rapport à il y a encore un an. Parfois, je pourrais écrire des histoires romantiques, amusantes. Mais non, je n’éprouve aucune envie de divertir.
6 mai — Est-ce un je ou un jeu. île est peau cible qu’il soit possible d’écrire de la soie de soi ça va de soi. Revenir à une fiente ou fente. Tu prends la langue au mot. Tu la fends phonétiquement, tu l’écorches, afin qu’elle dise ce qu’elle ne voulait pas dire. L’île devient une peau à viser, la cible mouvante du sujet. Ça va de soi, soie de soi. La fiente : résidu, rejet. La fente : lieu d’émergence, de déchirure. L’écriture sort par là — par la fissure, pas par la règle. La merde et l’être dans la lettre.
7 mai — La forme poétique, je ne sais pas vraiment ce qu’elle est. J’en retiens une musique, un rythme, d’une manière intuitive. Mieux vaut ne pas trop s’engager dans cette quête. Le binaire : pour ou contre. Je reviens à la sonorité. Prenez un marteau-piqueur : ajoutez-lui quelques arrangements, et il pourrait finir dans un top cinquante. Quand je vivais dans cette rue bruyante du 11e, j’ai décidé de céder au bruit plutôt qu’à la chaleur. Peu à peu, je m’y suis habitué. J’ai commencé à discerner des rythmes. La forme est ce que l’on fabrique par nécessité, jamais par loisir.
8 mai —
→ Texte sur le don : "La conscience du don est déjà une forme de retour. Le véritable don ne devrait pas passer par la conscience. On ne devrait pas prendre conscience de ce que l’on donne. Toute gratitude annule le don. C’est là tout le paradoxe lorsque j’écris. Consulter les statistiques de visite n’est pas anodin : c’est vérifier si la bouteille lancée à la mer a touché une rive. Derrida dirait que cette recherche d’écho prouve l’impossibilité d’un don littéraire absolument gratuit. Se poser en écrivain désintéressé, c’est vouloir le beurre et l’argent du beurre. L’écriture reste ancrée, souillée dans et par l’hémoglobine du monde."
9 mai — Il est difficile de parler de ce journal sans retomber sur les traces d’un propos déjà tenu. Difficile de contourner la question des religions, et plus encore le catholicisme. Hier soir, ce vacarme pour un nouveau pape. J’ai compté : huit papes en soixante-cinq ans. Le double pour quelqu’un né en 1900. Les papes sont devenus des figures obsolètes, consommables, soumis à la dégradation programmée. Comment croire en Dieu, aujourd’hui. Après Auschwitz, après Gaza, après l’Ukraine. Cette effusion diffuse, j’ai pensé au mot tendreté. Comme la viande qu’on frappe pour la rendre plus souple. L’écran diffusait cette clameur qui m’a suivi comme un caniche déglingué. Et j’ai ressenti la compassion. Compassion et tristesse. Moi qui ne suis pas croyant pour deux sous.
10 mai — L’effort me dégoûte. Non pas tout effort, mais l’exigé. Ce qui vient d’ailleurs, qui pèse. Un effort venant de l’extérieur. Ce n’est pas que je sois réfractaire au mouvement. C’est que l’effort intérieur me coûte tant qu’il ne me reste rien pour l’extérieur. Je m’oppose doucement. Pas de violence apparente. Mais en dedans, c’est la dévastation. La colère ne prend pas la forme de l’éclat. Elle monte sans qu’on la sente venir, reste coincée entre la cage thoracique et la gorge. Je ne crie pas. Mais la retenue finit par coûter plus cher que l’explosion. Ce silence est ce qui pèse le plus. À force de contenir, je me disloque.
11 mai — La pensée m’a cueilli en pleine poitrine. Plus on est libre, plus on a de responsabilités. L’idée était là, en descendant l’escalier. À mesure qu’elle se déployait, l’étau se resserrait. Un bruit étrange, un glapissement venu de loin. Un for intérieur. Peut-être un bunker. Qui est enfermé dans ce bunker ? Le reflet m’a renvoyé le visage de mon père. Il me hurlait dessus, mais c’était un cri sans voix. Quelque chose frappait contre la porte. J’ai collé mon oreille. Des pleurs d’enfants mêlés à un grondement rauque. La Bête du Gévaudan. J’ai ouvert la porte. Rien. Le vide. Une béance muette. La liberté m’a submergé, avec une violence renouvelée. J’étais libre, terriblement libre. La vie nouvelle était là. Plus rude, moins joyeuse.
12 mai — Peut-on s’en passer, et à quel prix. La famille, l’école, l’entreprise, l’église. Du début à la fin, ce même mouvement. Chaque fois que je ressens l’attrait pour l’un de ces groupes, cela finit mal. Cette joie initiale d’être accepté. Puis le désenchantement. À la chorale déjà, je déchantais. Chanter faux, chanter fort : un acte presque instinctif. Ne pas me fondre. Refuser d’être ce mouton docile. La voix du mauvais larron. Moi, du chagrin, j’ai fait une joie. Du rire solitaire, un graal. De la folie, une sagesse. Aller seul, résolument. Une fois que tu as accepté cette solitude, tu peux traverser tous les groupes sans que rien ne t’atteigne.
13 mai — L’agacement qui surgit aussitôt que je lis cet auteur est chaque jour une épreuve. C’est cet agacement qu’il faut traverser quotidiennement. Mais une fois que c’est fait, on peut accéder au texte. Chaud et froid. Ces textes tournent autour de la même chose : une débâcle contemplée lentement. Et faire quelque chose de cette contemplation. Voir le monde continuer comme il le fait toujours ajoute une dimension surréaliste. La boulangerie du coin est toujours ouverte, sauf le lundi. Ce que l’on note dans un carnet est toujours un peu décevant. Bien des événements ont sombré dans l’oubli. Le carnet est un défouloir, une gymnastique musculaire. Tracer sa route sans trop savoir pourquoi.
14 mai —
→ "Le bon vieux temps" : texte sur la conversation qui revient toujours vers le passé. "Avant, c’était quand même autre chose." On se met à parler des lieux d’avant, des objets disparus, des habitudes perdues. Ce bon vieux temps, c’est une manière de résister au sentiment d’inutilité. On s’y accroche parce que le présent fatigue. Cette enceinte de ressentiment est aussi une manière de tenir la nuit à distance. On bâtit ce mur ensemble. À l’intérieur, le ressentiment grandit. Qu’est-ce qui finira par naître de cette enceinte ? Une révolte ? Quelque chose d’indicible qui nous emportera peut-être. On veille ce foyer fragile, persuadés que tant qu’il reste enfermé, on a encore un semblant de contrôle.
15 mai — S. ronflait. J’essayais de me concentrer sur Knausgaard. La tension s’installait dans ma nuque. Peut-être que l’agacement n’était pas vraiment dû au ronflement mais à ce passage du livre qui résonnait trop. Je me suis levé, j’ai migré vers la chambre d’amis. Réveillé à 4h. Ce matin, la fatigue avait une texture particulière. Cette lourdeur me rappelait les jours où je me levais à cinq heures pour attraper le bus. Ces boulots d’intérim. Je ne voulais pas être fatigué intellectuellement. J’écrivais le soir. La journée, c’était les bras, les jambes. La vraie vie commençait le soir. Cette raideur est l’héritage de cette époque. La trace de cette résistance farouche à m’engager dans n’importe quel projet de vie.
16 mai —
→ Long texte narratif sur une journée ordinaire : nouvelles lunettes, poils blancs, fenêtre oscillo-battante, attroupement devant l’épicerie turque, barrières, document administratif (travaux de remise en état sous trois mois, sinon démolition), cours de peinture au foyer Henri Barbusse, Dacia encombrée par le bric-à-brac du vide-grenier de S., réservoir dans l’orange, béret rouge oublié dans un sac plastique, médailles, mot de Bigeard. Le plombier arrive. Cinq minutes. "J’aurais dû être plombier." Les élèves du jeudi récupèrent leurs toiles. Fin de cycle. Pas d’explication. Pas d’excuse.
17 mai — En décidant d’abolir toute hiérarchie d’importance entre les éléments narratifs, je me retrouvai projeté vingt ans en arrière. Ce que je pratiquais avec l’écriture n’était pas si différent de ce que je faisais avec la peinture. Je vis apparaître un résultat d’une platitude exemplaire. Mais ce jugement appartenait à un moi d’il y a vingt ans. Le moi d’aujourd’hui tempéra. Ce que je percevais comme platitude était en réalité une forme de résistance. En repassant devant l’épicerie turque, je ralentis. Une pétition contre la démolition avait été ajoutée. Au foyer Henri Barbusse, cinq élèves arrivèrent. Exercice du jour : accumulation et gammes de verts. En refermant la porte, je me suis souvenu du prix du beurre, 4,50 €. "Ça n’a pas le goût de beurre." Le système d’irrigation : goutte-à-goutte avec bouteilles percées. Pièces de plastique de qualité médiocre.
18 mai — S. s’est levée de bonne heure pour partir vendre ses bricoles. J’avais travaillé toute la nuit. Vers 4 heures, je me suis endormi. La porte qui s’est refermée m’a apporté une tranquillité, presque une jouissance. Puis la culpabilité. À sept heures, un bruit. La porte d’entrée pas fermée ? Quelqu’un pouvait monter et me poignarder. Enfant, je faisais souvent ce rêve : être poignardé par une ombre. Ce ne pouvait être que la métempsycose. Ou l’imagination. Trop fertile. Ce dimanche pouvait être une bonne journée, à condition de l’accepter. On a toujours le choix. J’ai relu certains textes. J’ai cru y trouver une structure autour de l’idée des fenêtres. Mais aucune progression. Chaque texte restait le même, oscillant. En vérifiant le goutte-à-goutte, toutes les bouteilles étaient vides. À peine 24 heures. "Vous pouvez vous absenter 10 jours." Mon cul.
20 mai — La pensée m’a cueilli : ce n’est pas le fait de vouloir raconter une histoire, c’est de la raconter toujours de la même façon. Si on ne la dit pas telle qu’on s’y attend, l’histoire devient incongrue. J’ai refermé Hors les murs de Jacques Réda. Un peu mieux saisi le texte d’Hervé Micolet. L’angoisse est restée là, de 11 heures à 22 heures. Ce ne peut pas être une langue artificielle. Une langue née du refus de dire les choses comme on les dit toujours. Sitôt que je me déprime, je deviens idiot. L’idiotie est le seul refuge confortable. Le site est désormais coupé du monde. Mal paramétré le script, la Search Console refuse d’indexer. Finalement, être planqué dans le trou du cul du web me va bien. Hors de l’écriture, je n’ai rien à voir avec ce que j’écris. Je suis personne. Pas Ulysse.
21 mai — Levé tôt. Déchargement de la Dacia. Lecture de Compagnon, Un été avec Montaigne. Relecture et publication. Code. Trouvaille : compilations mensuelles possibles. Une seule ligne à insérer. Merci Spip ! Je ne vais pas partager sur les réseaux. Relire d’abord, corriger. Je ne proposerai rien à Minuit. Je n’aimerais pas prendre l’apéro avec les lecteurs de Minuit. À part si Echenoz est là. On pourrait rester assis sans rien dire. À part ça, j’ai vidé le lave-vaisselle. Fait bouillir de l’eau avec de l’acide citrique pour détartrer les mèches rouillées. L’idée de me remettre à peindre est encore nébuleuse. Mais j’ai pris plaisir à faire quatre toiles. N’est-ce pas là le plus important ? Je me suis demandé si j’aurais envie de prendre l’apéro avec moi. Je suis un homme triste. Mon humour vient de cette tristesse. Un humour qui fait fuir.
22 mai — Ce qui distingue la patience de l’obstination. Dans certains domaines. Sans doute, l’intérêt. Ce qui ne m’intéresse pas ne demande ni patience ni obstination. Mais comment ça vient, l’intérêt. Le sport, par exemple. Je n’y vois rien. À part dans Courir, d’Echenoz, sur Zatopek. Peut-être que l’intérêt vient en s’intéressant. Après le dîner, j’ai relu des articles sur La Grange.net. Ce qui m’attire, c’est sa manière de tenir ses carnets. Depuis 2000. En 2001, après le 11 septembre, j’ai jeté tous mes carnets. Un week-end vers Moûtiers. J’avais préparé mon coup. J’ai fait un feu. Cercle de pierres. J’ai déversé les carnets sur les flammes. J’ai essayé d’être attentif à ce que ça me faisait. Toutes ces années à écrire des petites choses. Peut-être y voyais-je un calcul. Un sacrifice. Puis je suis allé chercher du bois. Et nous sommes passés à autre chose. Ce divorce à l’amiable.
23 mai —
→ Trois versions d’un même texte sur la disparition : "Disparaître est d’une facilité déconcertante. Les objets, les êtres, leur mémoire même. Tout s’efface. La stupeur reste. Peut-être la stupeur est-elle la forme même de la disparition. Nous vivons désormais dans un monde de stupeur. Stupéfié, pétrifié : comme la femme de Lot. Elle se retourne et la catastrophe la fige. On reste immobile. Dos au devenir. Dans la stupeur, le temps se fige. Et cette gelée révèle sa fiction. De là, on ne peut plus faire semblant." (+ versions "compression" et variations)
24 mai —
→ Deux textes : "Un texte de carnet devrait pouvoir s’élaborer comme une recette" + texte sur Monet et Toussaint : "Il y a un moment que l’on voudrait saisir. Celui où Claude Monet pousse la porte de son atelier. Toussaint ne parle pas de Monet. Il le regarde. L’art est cette tension vers l’inachevable. Je pense à nos propres ateliers. À ces instants où l’on s’arrête à la porte de quelque chose." (+ version anglaise)
25 mai —
→ Texte à deux voix (français + anglais) : "Une régularité de métronome. Pour le reste, rien n’est régulier. Erratique. Il écrit. Tous les jours. De quatre à huit. Ce matin, le mot maillage. Puis mailler, maillet. Plus l’absurdité le cerne, plus il s’acharne. Abattre le mur entre l’intérieur et l’extérieur. Le corps ne dit pas je. Il dirait le corps. Hier, lors de la marche pour chercher du pain, le corps et le trottoir ne faisaient plus qu’un. Les martinets criaient. Ce qui était senti venait de loin. Des silex. Quelque chose d’avant."
26 mai —
→ Texte sur l’écriture et le site : "Au départ, l’idée était simple. Écrire, publier, recommencer. Ça tenait du réflexe. Je croyais que les textes passeraient. Mais non. Ils s’accumulent. Ils reviennent. Je me suis mis à les reprendre. Le site n’est pas un journal. Plutôt un entrepôt. Ce serait plus simple si les titres n’étaient pas des dates. Je me suis aussi demandé si je risquais de me plagier. C’est une idée étrange. À part ça, nous avons sorti la tête et le pied du lit conjugal. Je suis mauvais bricoleur, mais très lent à jeter. J’ai ce rapport ambigu aux choses. Comme avec les textes." (+ version anglaise)
27 mai —
→ Texte bilingue sur le présent et le rêve : "Le présent impose une pression constante. Tout se plaque. Cette nuit j’ai éraflé un mur dans un rêve gris. J’ai vu une couche de cendres s’effacer. Au fond, une luminosité rouge-or. J’avais enfreint quelque chose. Les ombres me regardent avec des orbites vides. S. commence à ne plus avoir de regard. Le chat n’est qu’un estomac sur pattes. Qui crée de la nouveauté ? Qui rompt ce phénomène de répétition ? J’ouvrirais la fenêtre et je crierais ’Ne sentez-vous donc pas que quelque chose vous suce la moelle ?’ Le casse-croûte des vampires. Tous collaborent depuis la nuit des temps."
28 mai —
→ Texte lovecraftien bilingue : "Je suis enclin à croire qu’il existe un lien entre l’acte d’écrire et l’art de composer du code. Nos propres créations deviennent étrangères sous notre propre regard. Un texte qui me semblait solide devient grossier, faible. Ce n’est pas la fatigue. C’est une loi. Un rythme ancien. Le Kybalion : ’Le balancement du pendule se manifeste en toute chose.’ J’ai pensé à Nyarlathotep. Lovecraft n’a pas écrit ce texte. Il l’a reçu. Cette nuit, j’ai rêvé d’une lettre de Providence..." (+ lettre de Lovecraft en rêve : "Ce que vous décrivez est une loi. Une force cyclique. Nous ne sommes pas des créateurs. Nous sommes des passages. J’ai entrevu ce dieu sans nom. Je l’ai appelé Nyarlathotep. Continuez votre œuvre. Pour accompagner le retour.")
29 mai —
→ Texte bilingue minimaliste : "Tais-toi, me dit-elle. Puis elle entra. Dans ses bras, des glaïeuls. Si simple que toutes mes complexités s’effondrèrent. Elle trouva un vase, commença à arranger les fleurs. La lumière s’infiltrait. Les contours des choses se dissolvèrent. C’était. Un silence d’un autre ordre. Maintenant les fleurs se dressaient dans le vase, et c’était tout ce que je pouvais voir. Elle avait disparu. De la fenêtre montaient les bruits de la rue. Tout ce qui avait été, et tout ce qui viendrait, n’était que silence — un espace blanc entre deux mots."
30 mai — Installer une IA locale. Mistral, 4,1 Go, via Ollama. Avant lui, un modèle plus léger, presque analphabète. Il fallait Docker, WebUI, de la place. J’en manquais. Le plan : reprendre mes dossiers Obsidian, leur demander de m’expliquer ce qu’ils faisaient là. Je me complique la vie. C’est une habitude. Le RAG local. Pour faire tourner un script, une cargaison de dépendances. J’ai tout installé, tout supprimé. Ce temps que j’y passe, c’est de l’évitement. Mais éviter quoi ? Finir ? Ce serait fâcheux. Finir, c’est enterrer. Je m’entraîne. Pour ce qui ne se répète pas. La fatigue est là. Et pourtant, ça continue. Avec moi. Sans moi.
31 mai — Mai s’achève sur un constat bancal. Trop de code, pas assez de mots. Encore moins de couleurs sur la toile. Cette solitude technique. Personne à qui demander. Peut-être que j’aime buter contre les choses. Cette résistance du monde, cette inertie. Et derrière, le fantasme du définitif. Sauf que seule la mort tient ses promesses. Le reste flotte, perpétuellement. Cette instabilité ne m’effraie plus. Mes rêves de grandeur ? Évaporés. Grand peintre, grand écrivain — tout ça s’est dilué. Pourtant, il suffit parfois de s’illusionner suffisamment pour le devenir. Ça demande une naïveté d’enfant. Puis vient l’autre naïveté, celle du second degré, après les années de lucidité. C’est elle qui me pousse à écrire exactement ce que je viens d’écrire.