Toute la nuit fut marquée par le sceau du lit. J’ai dressé mentalement l’inventaire de tous les lits où j’ai dormi. Une pagaille. Des lits doubles en bois massif, des paillasses, des lits de camp. Mais le seul lien, c’est la sensation d’être allongé. Elle n’a pas changé. Elle était là, intacte, malgré les métamorphoses du corps. Un corps en sécurité, mais pour un temps limité. Une sécurité fabriquée par le fait de s’allonger, de se glisser sous une couverture. Peu importe le textile : c’est l’enfance qui a inventé cette illusion. Elle s’est déplacée de lit en lit, tout au long de la vie. Même partagée, cette chaleur était une invention. Un refuge. Comme on se réfugie seul sous ses draps glacés pour les réchauffer de son propre feu. Un genre de dérivation.
Un lit unique, qui traverse l’existence, étalé de tout son long dans cet étrange voyage