portes

A quoi sert une porte si on ne la voit pas, si on ne voit jamais autre chose que des murs. Et quand bien même la verrait-on, dans quelle mesure aurait-on envie de l’ouvrir pour regarder derrière celle-ci, de se créer encore l’illusion d’une autre pièce, d’un paysage et qui bien sûr seront différents de cette piece dans laquelle on se tient depuis toujours. J’étais exactement dans cet état d’esprit quand je parvins dans cette chambre, en 90, à Suresnes. L’hotel était propret, et les chambres se trouvaient au rez de jardin. Devant la fenêtre il y avait un cerisier japonais, et j’eus la chance, une fois dans ma vie, d’assister à la chute des fleurs de celui-ci. une réelle magnificence. Je crois que tout compte fait ce fut le seul événement remarquable auquel il me fut donné d’assister durant l’année entière que je passais ici, la plupart du temps allongé sur le lit, et tout rideaux fermés. J’exagère un peu, car bien sûr je travaillais, à deux pas de là j’avais dégotté un emploi de chauffeur livreur ; le job n’était pas fatiguant, il suffisait d’avoir un minimum d’obsessions récurrentes, juste de quoi s’inventer une vie intérieure pour patienter dans les bouchons. Mes relations avec le monde se réduisaient guère plus dans la journée qu’à des bonjours bonsoirs avec les employés des quais de déchargement qui réceptionnent mes colis, De temps à autre j’allais boire quelques verres dans un bistrot tenu par des gens louches à une population louche et je m’y sentais assez à l’aise d’autant qu’on ne me demandait jamais rien sinon le minimum, commander ce que je voulais avaler et le payer ensuite. Sinon tout le reste du temps et il y en avait encore beaucoup, je rentrais à l’hôtel, fermais ma porte à double tour, tirais les rideaux et dans la pénombre cherchais le lit à tâtons pour y rester allongé et méditer sur mon néant personnel. Une fois ou deux je reçus des femmes, mais le lit trop étroit et surtout l’absurdité sur laquelle je tombais systématiquement de ne pas savoir quoi leur dire ou quoi faire avec elles, acheva de me convaincre de ne pas réitérer l’expérience. Au bout de quelques mois, je n’avais plus d’effort à fournir pour trouver l’emplacement du lit, ni pour retrouver le chemin de ma chambre en revenant du bistrot aux trois quart ivre, ni pour connaître sur le bout des doigts toutes les astuces pour éviter les bouchons en journée. L’ennui qui jusque là était resté assez latent me surpris de plein fouet au printemps avec la sempiternelle renaissance du monde, l’apparition des tous premiers bourgeons. Et soudain je me demandai pourquoi. Pourquoi mot magique et qu’on ne prononce jamais suffisamment à haute voix vis à vis de soi-même. Je ne me souviens pas de la réponse que je m’étais donnée cette année là, peut-être d’ailleurs ne m’en étais je pas donnée du tout. Comme souvent ce furent des événements indépendants de ma volonté qui m’entraînèrent à quitter ce travail, à quitter cette chambre, et Suresnes vers une autre chambre à Paris. Une soudaine envie d’ailleurs, en résulta. Mais en changeant de chambre, peu de souvenirs vraiment, sauf peut-être le fait d’avoir testé la literie de ce nouveau lit , de m’y être allongé comme par réflexe puis d’être rester sur celui-ci encore toute une année supplémentaire dans une presque pénombre permanente. Donc ouvrir une porte ou la fermer n’est pas vraiment une difficulté fondamentale, mais savoir pourquoi on l’ouvre ou on la referme, ceci est certainement une toute autre histoire.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}