A quoi ça sert de prendre des notes qu’on ne relit jamais ?
Des fois j’ai envie de relire mes notes, comme des fois j’ai envie d’entrer dans une boulangerie et d’acheter 4 religieuses. Quand j’avale du sucré j’ai une moiteur autour des yeux qui vient systématiquement, je le sais, ça ne m’empêche pas de recommencer. Quand je relis mes notes je les trouve débiles, donc par contre j’évite de les relire. On aime se faire du mal mais pas n’importe comment. Il faut y mettre un minimum de forme, c’est comme pour tout. On apprend ça avec le temps, l’âge, la fatigue aussi probablement. Et puis la mort crée une urgence. On se dit qu’on n’a pas le temps. Que se relire serait un risque de tout détruire, par agacement, par dépit, par cette même folie qui s’empare d’un maître de cérémonie du thé qui d’un coup proche du dernier souffle envoie tout valdinguer dans la cambuse.
Il faudrait s’aimer mieux, mais on ne l’apprend pas à l’école. En tous cas je ne me souviens pas d’avoir vu ça au programme. Surtout dans les écoles catholiques ou j’ai usé mes fonds de culotte. Cette abnégation qu’on nous enseigne, cette antichambre de la culpabilité quasi permanente qui nous suivra, est certainement bien plus profitable. A qui ? Toujours les mêmes depuis la nuits des temps. Soulever ce joug là, le constater déjà n’est pas une sinécure, s’en défaire encore moins.
Alors prendre des notes et ne jamais les relire c’est aussi ça la résistance, c’est se dire que ce qu’on note appartient à un instant T et qu’il n’y a aucune raison de le modifier, d’en tirer un quelconque profit, la haine du profit peut aller jusque là. Ou rien.
Autrefois j’avais cette hantise qu’on puisse tomber sur toutes ces notes et que ça blesse, vexe, déçoive qui les lirait. Qu’on puisse n’avoir plus que ça dans les mains sous le nez quand je ne serai plus là, j’avais peur de cette image laissée derrière moi après ma mort. Des que j’ai commencé à écrire cette peur ne m’a plus quitté. Ça ne m’a pas arrêté pour autant. J’ai persisté malgré ça. C’est comme ce blog dans le fond. Je ne relis jamais, ça s’accumule, et en prime j’ai tout publié comme pour aller encore plus loin que je n’avais jamais été. Pour que cette image dont j’ai toujours eu peur, qui m’effrayait, qui effrayait surtout moi même , je puisse l’amadouer de mon vivant comme si j’étais déjà mort. Ça peut paraître complètement foutraque bien sûr. Les choses sont plus simples, j’entends déjà, que de peine tu t’infliges pour des prunes et tout et tout, et surtout ça ne rapporte rien. Le grand mot est encore une fois lâché, le rapport.
Toujours détesté les rapports et les rapporteurs. Tout ceux qui auraient sans hésiter collaboré avec l’ennemi l’air de rien en dénonçant un ou deux juifs, un tzigane, un communiste. Ils sont plus nombreux qu’on l’imagine encore aujourd’hui. Et eux les notes ils adorent les relire, scrupuleusement en quête de la moindre faille, la plus petite anomalie afin de s’améliorer scientifiquement dans l’élaboration abjecte de leurs rapports dossiers mémento.
Les notes sont elles faites pour ça ? Moi je vois plutôt ça comme un graffiti dans les chiottes, une façon d’exister si on veut par l’opposition, par la rature, le gribouillage, la bite qu’on dessine à la va vite avec sa paire de couilles sur la porte, sur le mur. Ceux tellement propres surtout.
J’ai lu un article hier ou des archéologues étaient tout ébaubis d’avoir découvert une bite et une insulte datant de l’époque romaine sur un bas relief. Voilà une note comme j’aime, qui traverse le temps sans encombre et qui nous enseigne surtout quelque chose d’essentiel. A savoir que dans les temps les plus reculés ce qui comptait déjà c’était de rédiger une note, de dessiner une bite, et puis de continuer sa vie ensuite avec soulagement certainement d’avoir déposé un truc personnel, une crotte un poème un juron, et quelle importance dans ce cas de se demander si oui ou non il faut se relire ? A part peut être pour se souvenir d’une culpabilité ou d’une satisfaction de l’avoir fait. pour mesurer une distance, un progrès vers la liberté d’être soi.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}