attentif

Dans le train 1986

Ils te demandèrent d’être attentif, se plaignirent que tu ne le serais jamais assez ; que ton attention ne se dirigerait jamais assez sur ce qu’ils auraient désiré, aimé, voulu ; mais malgré toute ton incompréhension, puis ta bonne volonté et enfin la peur d’être battu, tu n’y pouvais rien, ton attention résistait de toutes ses forces — si l’on peut accorder à celle-ci une volonté, un désir d’autonomie. Et c’est devenu une norme pour toi pendant longtemps, des années, que celle d’être moqué, rabroué, puni, puis de te culpabiliser à cause de cette carence, cette faute d’attention à cette sphère de préoccupations considérée comme essentielle pour eux. On te traita de nombreux noms, on cru à un handicap, à une tare causée par une défaillance génétique, et la seule thérapie à leur disposition fut la brimade, l’humiliation, les stations prolongées dans des placards à balai, dans l’obscurité de la cave sous la maison, des privations de toutes sortes et qui, au lieu de te remettre dans un droit chemin, provoquèrent tout le contraire. Un cercle vicieux qui dura longtemps, bien après que tu sois parti de la maison, un schéma que tu transportas avec toi et que progressivement tu te mis à examiner puisqu’il parut être, à certains moments de ton existence, ton seul bagage. Ce prisme logé quelque part sur ta zone frontale, et qui arbitre encore aujourd’hui les élans de ton attention vers ce que peu de personnes ne regardent jamais, ce dont ils déclarent ne pas voir, ne pas être intéressés de voir. Le réseau invisible à la plupart, d’un ensemble de coïncidences, susceptible de provoquer des émotions troublantes, un déséquilibre, celui-là même dont naissent des pensées inédites, étonnantes, voire loufoques, à la manière d’un contre-poids. Lorsque tu tombes sur les ouvrages de Carlos Castaneda quelle surprise de constater qu’il existait des gens qui s’étaient intéressés à ce prisme de l’attention. Tu n’étais donc pas tout seul et ce fut un soulagement véritable. La notion de point d’assemblage que Don Juan enseigne au chercheur, au savant imbu de sa science, de son cartésianisme , autant dire victime d’ une ignorance totale de ce réseau d’informations précité , t’a entrainé sur la voie chamanique dont tu ne t’es plus jamais écarté.C’est à dire en résumé, accepter ta différence en tout premier lieu, accepter que ton attention se dirige vers ce vers quoi nul ne la dirige jamais, accepter la solitude infinie qui découle d’une telle acceptation, puis avaler de petites pierres, des petits cailloux, jour après jours pour t’habituer à la souffrance que ces corps étrangers provoquent en pénétrant ton gosier, ton intérieur, jusqu’à ce qu’ils finissent par en faire partie totalement, devenir ton intimité et celle-ci en retour, en échange, devenir la leur.

Post-scriptum

haut

Pour continuer

import

Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

import

technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

import

La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener