Comment trouver un sens au tableau ?

Je peins l’insensé car il n’existe pas, il ne peut exister. Car tout ce qui nait sur le tableau si désordonné soit-il, je prends pour hypothèse que c’est une création. Et que pour moi créer a un sens de toutes façons même si moi je ne comprends pas ce sens.

Donc je peins les choses les plus insensées possibles, le désordre, le déséquilibre, le disharmonieux pour me convaincre que mon hypothèse est juste, tout simplement.

Cependant cette observation me donne du fil à retordre.

Quelle est la différence entre l’imagination, l’affabulation et le délire ? Qui sont trois termes de degrés différents sur l’échelle de la création.

Et bien je crois qu’ils n’existent vraiment que dans un espace collectif, dans un égrégore au sein duquel tout le monde s’entend plus ou moins pour qualifier une chose, un événement, une sensation, une pensée.

Cependant si je suis seul face au tableau ces trois mots ne veulent plus rien dire. Je ne vois qu’une création constituée de taches de couleurs, de formes, de lignes qui pour le moment reste muette.

C’est à dire que je crée quelque chose qui n’entretient pas de relation avec cette partie de moi qui me fait dire justement que je suis moi dans un espace collectif.

Ce que j’attends alors du tableau c’est qu’il me livre son sens dans une intimité. Par télépathie en langage clair et cordial.

Que l’information me parvienne sous la forme d’une émotion.

Je peins toujours dans ce sens là qui semble être le sens inverse de nombreux peintres lorsqu’ils évoquent leur processus créatif.

Car beaucoup semblent savoir ce qu’ils veulent peindre, car ils ont d’abord une émotion qu’ils désirent peindre pour la partager.

Je n’arrive pas à faire cela. Parce que peindre une émotion pour moi représenterait peindre quelque chose de mort, qui n’existe déjà plus, ce serait comme peindre une ruine, un vestige, un lien avec une nostalgie souvent insupportable.

Et puis j’ai toujours la sensation d’une erreur de position comme si je me fiais à un GPS détraqué. J’ai vécu ça à mes débuts de peintre où je peignais des fantômes.

Je suis pour la vie. Je ne peux et veux peindre que le vivant. C’est à dire l’émotion qui surgit de cet insensé que je tente maladroitement de décrire par des mots.

j’essaie de sortir du programme habituel, de mon spectacle, de ma projection, de mon cinéma perpétuel.

De changer le film si possible.

Mais revenons à cette notion d’insensé.

Accepter que quoique ce soit existe sous cette forme reviendrait à dire qu’il existe un hasard, et que nous ne sommes finalement que les jouets d’un tel hasard.

Quelque chose de très ancien en moi me préserve ou m’empêche d’y croire. Je me suis toujours battu contre cette vision pessimiste en explorant d’ailleurs moi-même toutes les versions les plus pessimistes possibles pour les éprouver.

Aucune de ces visions les plus pessimistes ne tient face au moindre rayon de soleil, à la fragrance du jasmin, au sourire d’un petit enfant.

Toujours au fond des gouffres j’ai été secouru par le chant d’un oiseau qui m’a ouvert le cœur.

Cela semble tellement naïf pour la plupart des gens à qui je l’ai dit.

Tout le monde a son petit avis sur l’imagination l’affabulation et le délire n’est-ce pas. Surtout si on ne mets pas les mains dans le cambouis.

J’écris l’insensé aussi probablement. Et pour les mêmes raisons que je le peins.

Pour respirer car s’il faut vraiment trouver un sens à tout pourquoi pas celui-là ?

huile sur toile 80x80 cm 2020

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener