Des lits et des barques

Ophélie de Millais.

Nerval sans doute y est-t’il pour quelque chose en raison d’Aurélia inachevée ou la troublante Ophelia allongée sur le lit de la rivière les yeux mi-clos. L’Egypte pharaonique et ses graffitis funéraires aussi ne manquent pas à l’appel. Et bien sûr ton père qui ne se lève que par pure obligation professionnelle, qui, tant qu’il le peut, reste allongé comme un potentat romain sur le canapé du salon, ou bien le week-end entier dans son lit à lire ses romans policiers. La recension des images et leur accumulation progressive à propos du lit et de la station couchée remonte certainement à des vies plus qu’antérieures, des existences antédiluviennes, peut-être au-delà encore des 200 000 ans, date convenue d’une énième période glaciaire. Et simultanément à des connaissances acquises au travers d’univers parallèles, chipées au plus profond du tunnel du néant, ici où là-bas, dans l’immense réservoir d’une bibliothèque akashique. Dans un lieu, un espace, où nulle temporalité ni ponctuation cardinale ne sauraient être considérés autrement qu’à l’instar de vétilles.

Et qu’une idée de navigation en découle par association puisque on s’embarque ainsi vers la frontière entre veille et sommeil, cette rêverie. Des lits comme des barques oui mais la navigation n’est ni côtière ni hauturière. Pas de sextant ni d’horizon. Il n’y a pas de cap à décider.Il suffit de sauter le pas, de s’abandonner à la verticalité originelle d’un axe -certainement imaginaire, donc aussi réel que le réel, et qui parfois prodigue l’impression d’une lévitation ou tout l’inverse, une incursion dans la noirceur des pires cauchemars.

Cependant c’est la frontière qui fascine et non ce qui advient au-delà. Tentative de résolution de l’insoluble entre matière et âme, entre conscience comme définition biochimique de savants imbus de leur science et cette ubiquité magistrale dont la contrepartie est ton absence en tant que pion dans un espace-temps. La frontière entre veille et sommeil et l’obole à Charon. Ta disparition. Une répétition au sens théâtral. A chaque fois que tu t’allonges sur un lit c’est sûr que c’est pour t’éteindre et tester ainsi le mourir. Pour tenter de percevoir un au-delà de toi-même. Et encore aujourd’hui tu t’allonges toujours dans le lit dans cette barque pour voguer dans l’immanence.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener