Donne ton avis
J’ai travaillé dans les sondages, vous savez ces gens qui vous appellent par téléphone pour vous demander votre opinion sur à peu près tout et n’importe quoi… du coup je crois que ça m’a énormément appris à la fois sur les sondages comme sur les opinions en général.
C’est un outil diabolique le téléphone vous savez parce que vous avez un accès direct à l’oreille de quelqu’un, n’importe qui dans le cadre des sondages. Et vous utilisez au début votre voix pour qu’elle entre dans cette oreille. Ce n’est pas toujours une chose facile comme on pourrait le penser. Parce qu’on ne sait rien de la personne au bout du fil on ne sait pas comment la première phrase que l’on va dire va être reçue.
Si vous dites Bonjour je suis Patrick et je viens vous sonder avez vous un moment à m’accordez souvent vous obtenez un non merci plus ou moins poli ou bien un clic car on vient tout simplement de vous raccrocher au nez. Il faut être plus malin que ça.
C’est ce qu’on ce dit quand on débute. On écoute comment s’y prennent les autres autour ça peut donner des pistes pour devenir plus rusé.
J’ai connu un type juste à la droite qui parlait aux gens avec une voix qui n’était pas la sienne, il parlait avec des mots savants un peu comme le fond les politiciens quand ils veulent embrouiller les gens. Les gens lui répondaient au début mais apparemment ils lâchaient avant la fin du sondage. Les questions c’est une chose vous savez mais vous ne pouvez pas discuter répondre en réfléchissant en même temps à ce que vous dites, c’est seulement oui ou non ou encore sur une échelle ou très bien c’est très bien et très mauvais c’est très mauvais vous répondriez quoi ? Ou sur une échelle de 1 a 5 ou de 1 a 10 …. Et quand ça répond autre chose on ne peut pas le rentrer dans l’ordinateur il faut relancer la question jusqu’à ce que la personne comprenne qu’en fait elle n’a pas d’autre choix que de répondre sur ce que vous lui proposez de répondre.
Côté sondé c’est tout un poème. Eux aussi veulent faire les malins, alors ils essaient de donner des exemples, racontent leurs vies, tentent de faire de l’humour mais toi t’es sondeur tu n’as pas le temps d’écouter tout ça au début tu tentes de le faire comprendre poliment avec des pincettes mais au bout de 100 coups de fil tu te rends compte que c’est une diablerie comme si au bout du compte tu pouvais comprendre toute une population par catégorie d’âge et de sexe et la façon dont chacune et chacun par catégorie et sexe arrive à te ressortir plus ou moins les mêmes souvenirs les mêmes remarques, le même type de blague. À la fin tu n’a plus qu’un interlocuteur une sorte de monstre protéiforme genre hydre de Lerne tu raccroches tu recompose tu retombes sur une nouvelle oreille de l’hydre sur les mêmes conneries que raconte la voix de l’hydre pour ne pas répondre simplement aux question pour essayer de ne pas vouloir comprendre les règles.
Bon ça change une vie ce genre de boulot, c’est à ça probablement que je voulais en venir. Les gens qui n’ont pas fait ce genre de job ne peuvent avoir le recul nécessaire sur la notion d’opinion celle que l’on demande comme celle qui est donnée avec toutes les entourloupettes que je viens de citer.
Personnellement j’évite de donner le moindre avis sauf si vraiment j’y suis acculé, mais je le fais en pro je dis oui non tres bien tres mauvais 4sur 5, 8 sur 10 et je raccroche sans rien dire je sais que c’est un travail de demander leur avis aux gens un travail difficile dont on ne sort pas indemne.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}