Double Voyage, l’impossible retour
le double voyage c’est un premier texte qui prend sa source dans des impressions de voyage, le souvenir, et un autre qui tente de fournir l’illusion d’être vrai, mais qui ne l’est pas. Il s’agit du 3eme exercice de ce cycle d’atelier d’écriture
Afghanistan 1986
1.
...C’est une hépatite qui m’empêcha définitivement de retourner à Kandahar le vrai but de cet énième périple photographique ; terrassé par de terribles maux d’estomac, les fièvres, les vomissements alors que nous parvenions enfin au sud de Kaboul notre première étape, et ce après plusieurs nuits de marche et de journées de désœuvrement, , je dû tirer un trait sur l’aventure, revenir vers le Pakistan , et bien sûr j’y revins ; médecin du monde confirma le diagnostic posé par J. médecin hindou au dispensaire de Peshawar, une fois que le groupe m’y eut déposé après la passe de Khyber. Enfin un pickup m’emporta et c’est crevé et penaud que l’on me déposa à New Quetta devant les bâtiments de l’organisation médicale internationale ; on m’ausculta encore ; magnifique ictère ! je devais revenir en France de toute urgence pour me faire soigner. Mais je ne retournai plus jamais dans ce pays que j’avais cru connaître avant de partir. Ce que les événements avaient produit comme impact sur la réalité dans laquelle je vivais, quelques mois à peine auparavant, l’avaient balayée et je me retrouvais soudain étranger dans mon pays natal. La contingence seule, avec sa tête de Janus, me tomba sur le paletot presque sitôt que l’avion atterrit à Roissy . Aucune idée de ce que j’allais bien pouvoir faire désormais. Mécaniquement je pris les transports en commun en direction d’Aubervilliers. J’étais comme un de ces rats blancs qui cherche désespérément une sortie dans le labyrinthe où je m’étais fourré de toute évidence tout seul ; il n’y avait pas d’issue, j’allais devoir reprendre ma vie d’avant mais cette fois fois dépourvu de tout espoir. C’était comme d’avoir à rechausser des chaussures usées jusqu’à la corde, enfiler des vêtements devenus trop étroits. En ouvrant la boîte à lettres un torrent de factures, de lettres de relances, d’avis recommandés me tomba sur les pieds. Puis, une fois parvenu sur le seuil de l’appartement, j’introduisis le clef dans la serrure, poussai la porte puis tentai vainement d’allumer la lumière car on m’avait coupé l’électricité. En effectuant mentalement le tour des personnes que j’aurais pu appeler, leur demander un peu d’aide, une puissance hostile me l’interdît aussitôt, non seulement la ligne téléphonique était coupée elle aussi mais surtout je su que je me retrouverais désormais, pour une durée indéterminée, ligoté à mes propres responsabilités. Kandahar s’évanouit alors pour de bon comme ont coutume de s’évanouir les mirages, et la réalité resserra un peu plus son étau : le retour vers cette forme d’invulnérabilité à la naïveté propres à la jeunesse, même en rêve, s’avérèrent impossible.
2.
... En aveugle, les mains en avant je fis plusieurs fois le tour de la cellule dans laquelle je m’étais enfermé quelques mois plus tôt. Bien sûr il ne s’agissait pas d’une cellule véritable, d’une cellule vulgaire, celle-ci je l’avais construite patiemment et de toutes pièces, une cellule uniquement constituée de rêves, d’espoirs, de buts à atteindre au bout de quoi se trouverait la gloire sinon rien. Devenir un grand photographe était ce but lointain que je m’étais fixé sans trop y croire, parce que tout simplement il faut bien un but. J’avais ainsi suivi les méandres d’une route étrange, une route parallèle à toute réalité, espérant qu’à un moment où l’autre la loi géométrique mentirait, que ces deux routes se rejoindraient. Mais c’est par cette cellule qu’elles passent ces routes sans même se toucher sans jamais se toucher, on peut les voir distinctement tout à coup du plus profond de l’obscurité mais ce n’est plus possible de poser un pied sur l’une comme sur l’autre, et ce malgré l’exiguïté des lieux. Étrange moment que celui de voir un but que l’on s’est inventé, auquel on n’a jamais cru vraiment, disparaître. J’imagine que cela fait partie de ces moments importants d’une vie à marquer d’une pierre blanche. Alors, comme toute issue vers l’extérieur était devenu dérisoire, et je crois bien que ce fut là un réel soulagement, je tentais d’autres types d’évasions, tous aussi périlleux qu’insignifiants, et, à bien y réfléchir il semble que ce sentiment d’insignifiance soit lié à la puissance que l’on s’obstine à entretenir avec le désir de s’évader, à cette tension que produit sur les neurones tout l’imaginaire d’un ailleurs comme au refus catégorique d’être ici bien sagement et de réunir assez de courage pour y demeurer.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}