Écrire dans le peu

tache jaune sur fond bleu ( collection privée)

avant le peu il y a le beaucoup pour dire

ça ne veut rien dire. ça commence comme ça. il ou elle a dit ça ne veut rien dire.quelque chose à été dit, il y a de ça très longtemps, mais ça ne voulait rien dire. C’est ce qu’ils ont dit. Dire autre chose à partir de ça c’est difficile. quand on dit quelque chose et que ça ne veut rien dire c’est difficile d’en rajouter. on doit digérer ça. c’est violent. on est en colère. on est triste. on sent que quelque chose d’important s’est passé. que ce quelque chose est encore dans le présent. son écho ne s’en va plus. l’écho persiste. ça ne veut rien dire est ce quelque chose qui est en train de se passer continuellement et contre quoi on a du mal à résister. Il faudrait pouvoir se taire, dans le silence total peut-être que l’écho diminue. On espère qu’il disparaisse. Mais non, il ne disparaît pas. il est toujours là. il arrive qu’on on soit pris de remords de regret, dans le silence. parfois on se sent mal dans le silence aussi. on découvre la honte d’avoir dit quelque chose qui ne veut rien dire. et la violence persiste elle étouffe. la conclusion est qu’on se dit peut-être ils ont raison qu’on n’avait peut-être rien à dire dans le fond. On a juste dit quelque chose pour dire quelque chose voilà tout. On l’a dit comme on pouvait, c’est un effort de dire. c’est fatiguant de dire. dire comme ça pour en être. mais on se rend compte que si on voulait en être c’est bien parce qu’au tout début on n’en est pas. on veut en être parce qu’on éprouve la sensation bizarre troublante, malheureuse de ne pas en être. on se retrouve tout à coup dans cette urgence de vouloir à tout prix en être. et à tout prix c’est dire des choses qui ne veulent rien dire pour dire au moins ça à défaut de toute autre chose. Pour essayer de s’en sortir et d’en être enfin, c’est difficile aussi. on imagine que l’on aurait pu dire autre chose. ça aurait peut-être tout changé. mais non c’est trop tard car ce qui est dit est dit. on a dit quelque chose qui ne voulait rien dire.ils ont dit mais ce que tu dis est rien, tu es rien. et c’est à partir de ce moment précis que l’on se retrouve dans cet espace, dans le peu à dire. Mais même ce peu est difficile à dire. on n’ose plus le dire. On n’ose plus rien dire. on s’accroche à ce peu qui reste, on le garde pour soi pour ne pas qu’il disparaisse, et soi avec.

le peu est un espace étroit. La contrainte fabrique cet espace. Une contrainte choisie ou non choisie aide à cette découverte qu’est l’espace du peu. Dans cet espace il est difficile de s’exprimer. il est difficile de trouver les mots. Les mots ne veulent plus dire ce qu’ils disaient avant que l’on pénètre dans le peu. On se rend compte d’un peu avant le peu. , mais c’était un peu que l’on ignorait, on ne savait pas, on croyait que le peu c’était du beaucoup.Ce beaucoup soudain ne veut plus rien dire. On se rend compte que ce que l’on pensait être beaucoup est une illusion, le beaucoup est sans doute du peu que l’on évite de voir. Puis une fois qu’on le sait, une fois que l’on est dans le peu, on ne peut plus s’en échapper. Bien sûr on voudrait s’en échapper, c’est le réflexe habituel, on connaît la musique. On s’échappe du peu en imaginant le beaucoup. Mais on ne peut plus, on a compris. On est face à la peur. On ne sait pas quoi faire non plus de cette peur. On aimerait retrouver d’anciennes bravoures, mais on sait ce qu’elles valent. On n’y croit plus beaucoup.une fois dans le peu, une fois qu’on est bien sûr qu’on y est, on fait avec lCe qu’on nomme le peu est peut-être dû même ordre que ce qu’autrefois on nommait le beaucoup. Le peu et le beaucoup sont peut-être des mots dont on se sert faute d’autres mots. On s’accroche à des mots comme à des bouées quand on est en plein naufrage.

essai d’un poème dans le peu

le peu et le beaucoup 

se nomment aussi 

désir et peur 

un couple parmi les couples 

danse le tango

dans un concours idiot 

le dernier debout 

crevé mais 

toujours souple 

et souriant 

désignons le vainqueur 

petit quart d’heure de gloire 

acclamons les danseurs 

entre poire et fromage 

ah ça il ne l’ont pas volé

le prix gagné 

un pathétique hommage 

l’offrande ultime des nerfs 

à la grande foire 

aux esclaves 

dommage ou misère 

vertigos

à gogo

ou peut-être le dire ainsi

un espace tout petit 

presque intolérable, 

se plier en quatre pour y entrer. 

On y étouffe. On y suffoque. On se plaint beaucoup. 

Au debut.

c’est un corps.

le peu à dire 

c’est le corps 

qui se découvre 

c’est le corps nu

qui se réfugie 

quand il a peur 

s’habille se dissimule 

honteux 

dans le beaucoup.

aujourd’hui ce peu à dire

Post-scriptum

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Pour continuer

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener