En être ou ne pas en être
peinture Gérard Garouste
Phrase de Shakespeare reprise et transformée par Proust. ni l’un ni l’autre ou et à la fois l’un et l’autre pourrait être la réponse presque obligée en tant qu’artiste. Position extrêmement difficile à tenir puisque elle implique de se tenir en même temps au cœur de la tragédie et à sa marge. Ou pour résumer plus encore , de trouver cet équilibre, souvent précaire, entre tragédie et humour. Et c’est de cette nécessité de simultanéité et de la quête perpétuelle qu’elle implique dans la définition talmudique d’être en chemin à l’intérieur de cette double contrainte qu’il se donne ou subit , qui l’entraînera dans l’expérience de l’œuvre. Ensuite en être ou ne pas en être à propos de qui ou de quoi ouvre un champs vaste de possibilités. Un questionnement omniprésent, une mise en abîme de la question elle-même. Et que l’on résumerait ou tenterait de résoudre trop simplement ou rapidement par le terme d’identité ou l’éclairage classique de la logique d’Aristote. En être et en même temps ne pas en être se trouve au delà du principe de contradiction habituel. Mais familier cependant pour tout étudiant du Talmud. Étrangement tu retrouves cette démarche chez le peintre Gérard Garouste dans la dernière partie de son œuvre, bien que les prémisses de celle-ci s’y devinent depuis longtemps en amont. D’ailleurs tu peux imaginer toute la souffrance traversée de s’extraire d’une famille antisémite avérée, ce sentiment de trahison que cela implique pour être ( toutes proportions gardées et plus modestement) passé par de tels affres autrefois. Et étonnamment de reconnaître cette souffrance tienne chez Proust comme chez Garouste t’inciterait presque d’en être, d’éprouver ce soulagement de constater que tu n’as pas été seul à traverser la tragédie. Sauf que ces deux là se sont enfoncés dans l’œuvre comme solution biffant toutes les autres ce qui pour toi est une déduction qui vient si tardivement. Le fait d’enseigner la peinture fut une échappatoire rassurante, parfois odieusement confortable ne servant souvent qu’à repousser le moment de te mettre vraiment au travail, à l’étude, de pénétrer de plain-pied sur le chemin d’être en chemin Ensuite évidemment tu peux encore trouver une sorte de soulagement douteux à te rappeler que tu n’es ni Proust pas plus que Garouste, que tu n’es qu’un pauvre type parmi tant d’autres qui a loupé le coche et de te marteler cent fois la journée que tu t’en fous, tu sais très bien que tu te mens effrontément désormais. Et alors quoi as-tu vraiment encore un choix ?
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}