Enseigner

Gumery Adolphe Ernest (1834-1871) Jeune femme devant une porte.

— Enseignez moi la peinture s’il vous plait.

Je la regarde, elle se tient sur le seuil de l’atelier, une silhouette fragile et nerveuse, une brindille.

Puis ses yeux. Et là j’entends : baisez-moi le plus fort le plus intensément possible s’il vous plait.

Je suis cinglé c’est évident. J’essaie de le cacher le plus souvent possible, mais de temps à autre je rechute.

C’est à dire qu’enseigner et ensemencer ce n’est pas vraiment loin, cette histoire de socle, de labour, l’importance des reins quand on doit tenir debout toute la journée, et aussi cette odeur de terre meuble je veux dire.

Eventrer le sol en premier lieu.

En y allant de bon cœur si possible. En total abruti dans un abrutissement complet.

Enseigner et baiser, dans le sens aussi de s’agenouiller d’embrasser la motte, de s’en foutre plein la bouche. Connaitre le gout des terres, leurs composants, l’argile, le calcaire, l’humus, le sable.

Carotter en passant afin d’établir de vagues pourcentages. supputer à quelle distance celle-ci se tient de la terre franche, propice aux plus beaux , au plus aimables et affolants jardinets.

Le désir d’enseigner se confond avec celui de baiser, on ne le dit pas assez.

Ce serait encore trop mal pris.

Vous vous rendez compte de ce que vous dites un peu ? Et les enfants alors ?

J’allume une cigarette. J’exhale la fumée, les yeux résistent, ne clignent pas.

Entrez donc, mettez vous à l’aise. Il fait froid, voulez-vous un café ?

Et puis j’oublie.

Je tartine mon désir, un beau glacis mêlé d’eau, d’attention bienveillante. Quelle belle transparence !

La patience et le sang-froid, premières qualités d’un enseignant.

On ne se pose pas assez de question sur les cellules notamment. Celles de la peau, l’épithélium, et encore moins sur l’énergie mise en branle pour les fabriquer. Et sur celles du sperme en passant, absolument pas.

On se masturbe à longueur de journée, mentalement ou pas sans vergogne aucune, sans prendre le moment de se poser la question de l’énergie ni de combien ça coute.

Quelle énergie il faut pour maintenir à flot les bourses, et celle pour conserver en angle aigu le bâton

On pense que tout cela fait partie de l’abondance, que c’est éternel, inépuisable, on gaspille.

Pas moi.

Je ne gaspille rien du tout. J’entretiens.

C’est aussi cela qu’il convient d’enseigner, conserver et maintenir le désir quelque soit la situation extérieure.

— Donc alors... Voudriez-vous donc bien me baiser s’il vous plait. Ou m’enseigner quoique ce soit ? C’est une invite en bonne et due forme sur laquelle il ne faut pas se gourrer.

Du moins si on veut un chiffre d’affaire stable, conserver ses élèves, ne pas tout donner d’un coup n’importe comment.

Parfois c’est regrettable, on voudrait bien mais on ne peut point.

C’est comme ça.

(Précision importante : Ce récit est une fiction je tiens à le préciser, ne vous faites aucune illusion si, par le plus grand hasard, vous venez prendre des cours chez moi. Je ne passe pas à l’acte de cette façon là. Je sais d’avance que certaines trouveront cela dommage et je vous prie donc de bien vouloir m’en excuser par avance. Et puis pour vous consoler, au besoin, la peinture, la vraie, commence souvent dans la déception, donc aucune raison de vous inquiéter, tout est normal)

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener