Et ce n’est pas tout, j’ai aussi un côté fleur bleue
Fusain d’après un tableau vu sur internet
Je suis bon public. Une part de moi se laisse séduire extrêmement facilement par les niaiseries télévisuelles. C’est d’ailleurs pourquoi j’évite de regarder la télévision. Sinon, si j’allume le poste et m’assois sur le canapé, patatrac, Chantal Goya se transforme en Vierge Marie, et je déborde de compassion pour toutes les victimes des guerres, de la famine, de la connerie humaine dans le monde.
A un tel point que des fois je pleure, je ne vous mens pas.
Un jour je me baladais quai de Seine en lorgnant les boites des bouquinistes et je tombe sur un petit livre de l’écrivain Panait Istrati . Rassurez vous si vous ne connaissez pas, personne ne connait plus Panaït Israti.
Et c’est bien dommage.
Je crois que le titre du roman était Kira Kiralina. Je m’étais arrêté pour feuilleter, lire quelques lignes de la préface écrite par Romain Roland qui félicitait l’auteur, d’origine roumaine d’avoir osé écrire tout ça en français s’il vous plait.
Bon il est vrai que c’est sans doute moins dur pour un roumain d’apprendre le français que pour un chinois. On a longtemps parlé français en Roumanie, je l’ai découvert plus tard. Mais l’effort me paru tellement stupéfiant à l’époque que je payais le marchand en tirant une croix sur ma beuverie du soir, puis j’allais m’installer au jardin du Luxembourg pour dévorer le bouquin.
J’ai toujours eu un appétit d’ogre que ce soit pour les livres, les femmes, la nourriture, le savoir en général. A un tel point que j’en suis toujours plus ou moins honteux par ces temps de disette, de restrictions de tout acabit, de paupérisation têtue.
Je suis capable d’avaler sans la moindre vergogne, tout ce qui passe à ma portée. jusqu’à ce le fond de la casserole soit vide, ou la dernière page tournée, ou bien qu’on me claque la porte au nez en disant pouce j’en peux plus.
C’est comme ça, c’est ma nature, qui puis-je ? J’ai essayé plusieurs fois de faire des régimes, de pratiquer toutes sortes d’abstinences plus ou moins imbéciles, rien n’y fait.
Donc je lis Panait Istrati, et je pleure comme un con devant le jet d’eau et le Sénat.
Pourquoi je pleure ? Parce que dans ce livre il y a une histoire d’amour impossible évidemment. Mais pas que. Il y a surtout une humanité incroyable qui se dégage de tout le bouquin, à chaque ligne. Une humanité que je ne trouve pas dans Paris à cette époque là.
La littérature parisienne ne se préoccupe que de son nombril en général c’est bien connu. C’est plutôt traité de façon chirurgicale, on pourrait parler même d’obstétrique. Des mecs qui passent leur temps à se demander si la taille de leur pénis est correcte en gros ou si leur prostate n’est pas un peu défaillante ... bref
Moi j’étais plutôt littérature américaine, j’adorais qu’on me raconte des histoires, de vraies histoires. Et ils ne manquent pas du tout d’imagination outre atlantique, ils ont en même temps l’imagination et la naïveté de penser que çà puisse plaire au public. Gonflés les mecs.
Bref tout ça pour dire que j’ai d’un coté aussi la dent assez dure pour les branleurs ça s’est vrai aussi je ne mens toujours pas.
Panaït Istrati est tout sauf un branleur , c’est même un putain d’écrivain et je ne comprends absolument pas pourquoi on ne réédite pas son œuvre toute entière. Qu’on le promeuve.
Les éditeurs ont mollement essayé de le rééditer en 2020, un livre ou deux pour voir mais visiblement ça n’accroche pas en France.
C’est aussi là que l’on comprends combien les temps sont devenus durs pour tout le monde. On aurait bien besoin de bonnes histoires pas trop intellos avec des émotions humaines basiques afin qu’on puisse s’épancher de temps en temps, maintenir en vie notre petit coté fleur bleue, ce qui permettrait de ne pas le gâcher en chialant devant Chantal Goya ou Dorothée.
A coté de ça j’ai dessiné au fusain d’après un modèle trouvé sur internet ; un visage de vieille femme un peu triste et hautaine.
Je ne sais pas pourquoi j’ai adoré ce modèle. Mais si on se met à tout vouloir décortiquer, on n’écrit pas des histoires, on fait de la psychanalyse n’est -ce pas ...
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}