Extrait de Cocteau sur les peintres
dessin de Cocteau
et notamment Picasso
« L’audace chez le peintre est presque toujours confondue avec une fougue du pinceau. Baudelaire lui-même s’y laisse prendre et décerne à Delacroix les audaces que dissimulait Ingres. Sous une apparence académique, fort trompeuse, Ingres déforme, décante, organise, bascule à la renverse les cous des femmes comme des goitres, murmure d’une voix grave, au lieu de déclamer, et récolte que la jeunesse de son époque se trompe de porte, et qu’il lui faudra attendre que les cubistes le découvrent.
Le cubisme a été le classicisme s’opposant au romantisme des Fauves. En 1953, Picasso, dans Guerre et Paix, a marié le lyrisme et le calme, Le Bain turc d’Ingres et L’Entrée des croisés à Constantinople de Delacroix.
Qu’a-t-il fait ce Picasso pour déranger les jeunes peintres ? Il s’est imposé comme un dogme que le bien fait dénoncerait une recherche d’esthétique, une inélégance de l’esprit. Ainsi ouvre-t-il une fausse porte aux paresseux qui ne le gênent pas et la ferme-t-il à ses contradicteurs qu’on prendra pour esthètes et retardataires. Car il referme toutes les portes qu’il ouvre. Le suivre c’est se cogner. Peindre sur la porte c’est être accusé de platitude.
« Une figure mal faite de Picasso résulte d’innombrables figures bien faites qu’il efface, corrige, recouvre et qui ne lui servent que de base. À l’encontre de toutes les écoles il semble achever son travail par une ébauche. Son entreprise destructive est constructive en ce sens qu’on ne saurait construire du neuf sans détruire ce qui est. Il donne l’espoir, s’il désespère. Il prouve que l’individualisme ne se trouve pas en danger de mort et que nous ne marchons pas vers un avenir de termites. Bien des cornes le menacent, mais il leur oppose une prodigieuse agilité de torero. Les écoles nous enseignent à partir de l’infini pour atteindre au fini.
Picasso fait la route inverse. Il va du fini vers l’infini. Un objet infini. Une figure infinie. C’est ce non-fini, cet in-fini qui nous intriguent et nous attachent. La mise au point de ses lorgnettes d’approche se fixe au flou. Mais comme ce flou s’exprime avec précision, il intrigue encore davantage. En outre, chaque détail du tableau semble obéir à des distances différentes entre l’œil et ce qu’il regarde. Picasso m’a raconté qu’il avait vu en Avignon, sur la place du château des Papes, un vieux peintre, à moitié aveugle, qui peignait le château. Sa femme, debout à côté de lui, observait le château avec des jumelles et le lui décrivait. Il peignait d’après sa femme. Picasso dit souvent que la peinture est un métier d’aveugle. Il peint, non ce qu’il voit, mais ce qu’il en éprouve, ce qu’il se raconte de ce qu’il a vu. Cela communique\à ses toiles une puissance imaginative incomparable."
Extrait de
Démarche d’un poète
Jean Cocteau
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}