L’horreur

— Quelle horreur ! elle dit en voyant un cafard se carapater sur le papier peint. Et j’ai vu alors son vrai visage si je peux dire.
Tout fut déformé en une nano seconde, le maquillage, le rouge à lèvres, les faux-cils et les vrais, le blush, tout ça ne fut plus qu’une bouillie de visage comme dans un film de science fiction où, tout à coup, l’extraterrestre n’a plus assez de jus pour maintenir une apparence convenable.

J’ai rigolé, bêtement j’ai rigolé et elle a du me considérer totalement timbré à ce moment précisément.

C’est dommage car elle s’était mise vraiment sur son 31 pour venir me voir. Plus que sexy, désirable et émouvante.

Et ce parfum qui envahit encore la pièce, ce parfum que j’ai aussitôt détesté maintenant que j’y repense car il contredisait déjà tout le cinéma incessant que je m’étais fait sur elle. Ma mise en train personnelle si l’on veut.

Des fleurs, un bouquet de glaïeuls, imposant, et des gâteaux qui devaient venir d’une pâtisserie prestigieuse, achevèrent de me conforter dans mon horreur personnelle, sans que je ne me départisse cependant du sourire.

Alors que quelques instants plus tôt j’imaginais ses vêtements au sol, éparpillés dans la chambre et le contact de ma main sale sur sa peau claire , toute cette configuration nouvelle du réel abattit tout sur son passage.

Son entrée victorieuse, le petit bruit des pattes du cafard sur le papier peint, les glaïeuls, le parfum et cette bouillie de visage et surtout le Quelle horreur !

C’est vrai que j’étais pauvre, au trente sixième dessous à l’époque, que j’étais jeune et con. Mais tout de même ce n’était quand même pas une raison.

Elle avait réveillé une honte ancienne que je possédais sans même le savoir, son entrée déclencha la bombe à retardement de ma colère. Celle héritée de génération en génération et que les hommes ne cessent de se transmettre vis à vis des femmes.

Et moi qui me croyais costaud. Plus costaud que ces hommes justement elle me mit le nez dans le caca tout de go.

Soudain son horreur devint mienne. Non pas à cause d’un insecte qui courrait sur le papier peint, mais parce qu’à ce moment là je devins comme par magie cet insecte lui-même. Face à elle, j’avais beau lutter pour essayer de l’amoindrir, de l’avilir de toutes mes forces, en faire une pute ou une salope dans mon imaginaire, je me rendais parfaitement compte que je me gourrais.

Mais pour sauver ma peau il fallait que je persiste dans l’erreur, rejoindre toute la cohorte des démons car le combat, mon combat se situait probablement plus dans cet enfer que dans le paradis si aisément accessible qu’elle me présentait, que j’imaginais qu’elle voulait me présenter surtout.

Car en fait nous aurions pu épuiser le désir à cet instant précisément au centre même de nos horreurs réelles ou imaginaires. Juste un bon coup et ciao à la revoyure ou pas.

Mais moi j’étais de la race des radins sans même le savoir. Je confondais coup de queue et placement en bourse, je n’étais au final pas mieux ni meilleur que tout ce que j’avais tellement détesté dans ma vie. Cette prise de conscience c’était cela l’horreur véritable et en y repensant je pourrais avaler tous les cafards grillés de la Goutte d’Or que ça ne me refilerait pas certainement pas tant la nausée.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener