L’unité de la haine.

Enluminure • Crédits : Wikimedia Commons

— Imagine ta dépouille, préfère-tu finir en momie en te racornissant comme un vieux parchemin ou bien en te ramollissant dans l’humide comme une poire pourrie ? Me demande Hildegarde avec sa voix qui tire un peu trop vers les aigus pour être honnête.

Je lève les yeux et la regarde se pavaner dans sa robe de bure. Elle est désirable ainsi. Je veux dire que ma seule envie est de la culbuter là immédiatement, ne serait-ce que pour qu’elle se taise, qu’elle ne pose plus ce genre de question épouvantable.

La tringler pour qu’elle se mette à gémir ou hurler, à griffer ou mordre. Qu’elle soit la plus bête des bêtes et qu’elle me relègue par ce fait à mon état d’animal dans le même temps.

Hildegarde m’entretient de la mort et moi je bande. Voilà l’homme.

La haine, la répulsion, la femme et la peinture, l’écriture. Tout cela ne forme t’il pas une belle promesse, un festin, une dévoration ?

Avec comme objectif le fantasme de la satiété. D’une paix aussi précaire qu’illusoire.

Il faut combien de minutes pour que les bourses se remplissent à nouveau ? Pour que l’agacement reprenne ? Pour que l’on réinvente la faim, l’avidité ?

Meta position.

Deux vibrations face à face. Une qui ondule et l’autre dont le désir est vertical. Qui cherchent à s’emboiter, à ne faire plus qu’une.

— Déverse ta haine Hildegarde je dis. Tu peux y aller de tout ton saoul. Et je resterai là face à toi, je ne te toucherai pas, je resterai là assis à te regarder sans bouger je ne ferai qu’écouter.

Elle rit.

Puis elle agrippe une chaise dans l’atelier et s’assoit à califourchon. Une position totalement impudique, comme pour tester si ce que je dis est ce que je pense vraiment.

— tu peux bien te masturber Hildegarde, ça ne changera rien, je ne bougerais pas d’un iota.

Elle remonte encore plus sa robe de bure en me fixant. Effrontée.

Me voici scié en deux. Bouillant et gelé en même temps.

— Et si on le faisait ensemble dit-elle, si on se masturbait face à face ?

Si on allait vraiment au bout de cette chose ?

—Il faudrait que l’on parvienne à la beauté de la chose je réponds. Et puisque je viens de l’énoncer c’est comme si c’était déjà fait dans l’instant où je l’énonce pour toi comme pour moi. Et c’est déjà du passé.

Le seul fait de l’exprimer nous permet d’être arrivé au but et d’en mesurer le rayonnement.

Le fait d’entrevoir le but et la fatigue de l’échec nous calme immédiatement.

Nous voici soudain étrangement paisibles.

Cette énergie formidable, animale, est comme un gaz qui cherche de l’espace, dont le seul impératif est l’espace.

Cette énergie me dit Hildegarde c’est la conscience. Et ce qui la comprime comme ce qui la dilate n’est rien d’autre que tout ce que nous pouvons inventer comme prétexte ou objet pour explorer l’emprisonnement et l’évasion. Puis parvenir à la seule conclusion plausible.

La conscience se fabrique ses propres désirs, ses propres empêchements sans cesse animée par la nécessité de l’infini. C’est à dire l’amour, une création de chaque instant dans un seul et perpétuel instant.

— Mais la faim existe dans cette dimension je dis. Parfois je me demande si la sagesse, ou le simple bon sens ne consiste pas à l’assouvir tout bonnement.

— Que tu l’assouvisses ou pas ça ne change rien me dit Hildegarde. C’est juste une occasion à chaque fois renouvelée d’expérimenter la joie, le plaisir, la douleur et la dépression.

C’est exactement comme pour la peinture. Tu te remplis, puis tu te vides et il en va de même pour le tableau. tu peux passer ainsi de femme en femme comme de toile en toile seulement poussé par la pulsion du vide et du plein. Comme un animal finalement.

— Je ne considère pas le mot animal comme péjoratif, je dis

—Mais tu as déjà choisi d’être humain tu ne te souviens plus ? réplique t’elle aussitôt.

Ce que tu nommes la haine c’est la peur de perdre ta mémoire animale végétale, minérale, toutes ces existences par lesquelles l’esprit a transité pour parvenir à s’étudier à se créer.

Ce que tu nommes la haine c’est le temps que tu as du créer en même temps pour explorer ce que signifie pour toi être humain. Comme certainement tu as éprouvé la même haine, la même répulsion, le même amour lorsque tu passais d’un règne à l’autre.

Car plus l’esprit évolue ainsi plus il se découvre seul. C’est pourquoi on trouve les pierres et les os en plus grand nombre que tout autre chose sur cette terre, et très peu d’êtres humains vraiment humains.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener