lieux dans lesquels je parle ou pas.
train vers Lahore 1986
A l’église quand tu y allais tu ne parlais pas. Tu chantais quand il fallait chanter. Mais en pension à Saint-Stanislas, et bien que tu chantas la plupart du temps assez correctement, tu te mis alors à chanter faux. Tu voulais déranger quelque chose. Et cela tu t’en souviens n’était pas pour te faire remarquer c’était plus profond que ça. Viscéral A la cérémonie funèbre de ta mère, quelques minutes avant l’incinération, on t’a proposé de parler, de dire quelques mots mais il n’y avait que ton épouse ton père et ton frère plus les employés des pompes funèbres. Tu as décidé que c’était grotesque juste à l’instant d’essayer d’ouvrir la bouche quand tu fus monté sur la petite estrade face au microphone. Tu as regardé l’assemblée puis tu as baissé la tête, tu as capitulé vaincu par le ridicule. Une des seules fois dans ta vie où tu n’auras pas osé y plonger tout entier. Sur ta chaîne Youtube tu as beaucoup parlé mais avec le recul tu n’as jamais pris le temps de réécouter ce que tu as dit. Sans doute parce que toute parole est liée à un instant et qu’une fois l’instant passé cette parole devient morte, qu’il n’y a plus de raison valable de s’y intéresser. Comme si cette parole dans le fond n’avait fait que te traverser qu’elle ne t’appartenait pas. Par contre tu aimes écouter les vidéos de François Bon, tu les réécoutes avec plaisir. Et surtout tu y découvres au fur et à mesure des informations que tu n’avais semble t’il pas entendues à la première écoute. Il y a ainsi des émissions que tu écoutes en boucle et d’autres réalisées par d’autres créateurs de contenu dont les bras t’en tombent des les premiers minutes. Est-ce que commenter c’est parler. Peut-être. Tu ne parviens plus à commenter dans certains lieux et dans d’autres oui. L’interruption des commentaires a commencé quand tu as fait une recherche sur ton nom sur ce moteur de recherche. Le nombre de commentaires qui te sont apparus idiots, inutiles t’a aussitôt sauté aux yeux. Rédiger un commentaire t’oblige presque aussitôt à affronter le ridicule puis a le vaincre ou à te laisser à l’a quoi bon. Quand tu te dis ça ne changera pas la face du monde, qui es tu donc pour t’autoriser ainsi à commenter, à apparaître. Le fait que ça puisse encourager l’autre tu t’en dispense désormais car d’une certaine façon c’était aussi une image trouble. cette pensée d’encourager l’autre dans une réflexivité, d’ailleurs les réseaux sociaux fonctionnent sur cette réflexivité la plupart du temps. Le fait qu’elle te gêne jusqu’à l’insupportable est corollé à tes états de fatigue, d’humeur, ou de lucidité. De la chimie. Tu préfères alors te taire devant cette réalité chimique quand tu ne peux faire autrement que de la voir comme un nez au milieu d’une figure. Parler c’est faire signe avant tout. Mais pourquoi faire signe on en revient toujours à la question. Faire signe, designer, dessiner non pour obtenir quelque chose ni pour dire tu as vu je te fais signe, je te signifie quelque chose. La fatigue de tout ça dû au poids de l’âge imagine-tu parfois, mais surtout au sentiment de ta propre insignifiance. Il y a des jours où l’insignifiance est ce refuge préférable à tout autre. Tu es capable de rester silencieux envers certaines personnes durant un laps de temps considérable. Tu n’as pas vu tes parents pendant 10 ans autrefois. Aucune parole échangée en 10 ans avec M. et aussi avec D. Cependant la conversation reprend exactement la où elle s’est arrêtée dans le temps comme si pour toi il n’y avait pas de temps. L’expression être de parole, tenir sa promesse, tu peux la comprendre bien sûr. Mais de quelle parole s’agit-t’il ce cas, la question reste en suspens. Se fier à sa propre parole, d’expérience te semble toujours suspect, tout comme se fier à n’importe quelle parole. La parole c’est du vent la plupart du temps et donc c’est l’esprit. Qui serait assez cinglé pour confondre l’esprit et soi-même. L’indomptable esprit comme disent les bouddhistes. Non il faut s’asseoir l’observer agir, parler, ne pas vouloir l’enfermer dans une clôture c’est ainsi que l’on s’en libere au mieux. Ce qui reste ensuite on l’ignore. Un silence éloquent.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}