Matière et forme

La hantise de disparaître ne disparaît jamais, elle s’accroche à des prétextes, des raisons plus ou moins fumeuses, des émotions douteuses ; ainsi, ce matin, je me mets à penser à ce blog qu’aucun de mes proches ne lit, ne lira probablement jamais et tout du moins comme je le souhaiterais- mais quel souhait ? je n’en sais rien, je prévois seulement d’avance que tout tombera de travers. Donc qu’adviendrait- t’il si je disparais et est-ce si grave que l’on ne sache jamais ce que j’y aurais déposé ; la gravité de cette préoccupation me semble ridicule, presque obscène, elle ne correspond pas à ma conduite habituelle ; j’ai toujours éprouvé cette sensation de fatalité qu’une chose faite était faite et qu’il n’y avait pas à revenir sur celle-ci, qu’ensuite cet acte et surtout ses conséquences continueraient leur cheminement sans moi, que je n’étais rien d’autre qu’un intermédiaire, un maillon lambda d’une longue chaîne, et qu’il m’était foncièrement impossible de mesurer vraiment les conséquences -bonnes ou mauvaises - du moindre de mes actes. Disons que j’ai toujours eu un doute sur les adjectifs bon et mauvais et que je n’ai construis ce doute qu’à l’appui de ma propre expérience, ce qui ne peut bien sûr pas être utilisé pour en extraire une règle ou une loi valable pour tous. Le dicton un mal pour un bien m’est resté, gravé dans la mémoire car je l’ai beaucoup entendu dans mon enfance de la bouche de ma grand-mère paternelle. En y réfléchissant aujourd’hui c’est certainement une sorte de pansement , de mantra, une prière qui ne se dit pas comme telle mais que l’on invente afin de ne pas sombrer quand on traverse des périodes difficiles et c’est un euphémisme quand j’essaie de réunir les quelques bribes de son histoire, de toutes les histoires des membres de ma famille. Alors oui dans une telle configuration, se dire qu’un mal peut devenir un bien laisse un peu d’espoir, ou permet de passer le temps, de mieux patienter en attendant des jours plus sereins. Et si , me plaçant comme mon propre lecteur je tentais d’éprouver le moindre plaisir, le moindre intérêt à me relire c’est aussi cette question qui arrive presque aussitôt que j’imagine ma mort. Entrer soudain dans la peau d’un lecteur qui ne me connaît pas, qui ne sait rien de moi, qui n’éprouve aucune compassion, aucune sorte de pitié envers ce texte qui défile comme un rouleau infini sans queue ni tête. Sans complaisance , ce genre de complaisance notamment qui permet de s’identifier au narrateur, voire à l’auteur tant la confusion est toujours présente ou possible ; que retirer d’un tel flot de mots sinon qu’il n’est qu’un flot et sans doute rien de plus. Est ce que l’on cherche à décrypter les rivières les fleuves les ruisseaux non, évidemment que non. Et par ces périodes apocalyptiques combien de rivières , de fleuves, de ruisseaux disparaîtront encore, dans une évaporation due à la sécheresse, aux canicules qui se succèderont bien après que je sois en train de bouffer les pissenlits par leurs racines. Il y a des sujets bien plus graves que la survie de ce blog, évidemment, sauf que c’est un sujet tout de même qui mobilise mon attention, mon énergie, mon temps durant une part importante mes journées. C’est peut-être alors sur ce point que je suis seulement en mesure d’agir, me redonner du temps pour créer autre chose, probablement la même si j’y réfléchis, mais sous une autre forme. Je suis aussi en train de sortir d’une sorte de fascination concernant cet atelier d’écriture, heureusement que je possède encore cette sauvagerie permanente qui me fait toujours détester à un moment ou à un autre ce que je révère très puérilement dans un premier temps. Détester d’ailleurs est désormais un mot trop fort, j’ai beaucoup vieilli pour perdre encore une énergie précieuse dans toute détestation. Non c’est plus une sorte de recul soudain, un réflexe de peintre pour le coup, qui m’entraîne vers une relecture du tableau, et alors je pèse le pour, le contre, les écailles me tombent soudain des yeux et je souris de cette puérilité tout à coup, avant de passer à autre chose. Je reste admiratif du travail produit, de l’énergie dépensée, de la richesse incroyable du contenu qui est présentée, et en même temps c’est un business, il ne faut jamais perdre cela de vue. Et puis il faut toujours revenir à l’intention, au pourquoi j’ai soudain décidé de participer à cet atelier, au debut c’était pour soutenir ce projet, et ce l’est toujours rien ne change sur ce point, mais ce n’était pas pour publier mes textes ou me distinguer, ni même, surtout pas, appartenir à une communauté d’auteurs. Disons que beaucoup de choses sont entrées en résonance avec mes préoccupations, elles sont toujours actuelles, mais participer ensuite à ce que j’ai vite tendance a nommer la comédie heurte quelque chose en moi, et je ne sais si c’est une fierté, une vanité, de l’orgueil ou simplement le fait que je sois tellement axé sur mes propres textes, ma solitude, mes propres difficultés, que je ne parvienne pas à pénétrer dans cette sphère avec un point de vue ludique, ou de divertissement voire simplement amical. Sans doute que je prends cette affaire d’écriture beaucoup trop au sérieux, ce qui n’est qu’un reliquat de religiosité mal placé ou mal digéré. Est-ce que je cherchais quelque chose que je ne possède pas déjà en me bouchant les yeux, certainement, et je ne vois qu’une affaire de forme sur laquelle je bute encore et toujours. J’ai été tenté d’abandonner le récit , l’histoire, d’explorer cette méthode, cet ensemble de protocoles, de me cantonner au langage lui-même, à ces jeux formels qui ne sont pas inintéressants bien sûr, mais qui me laissent tout de même sur ma faim. C’est assez séduisant du reste mais comme tout ce qui est séduisant il manque quelque chose, peut-être la même chose que j’ai pu relever dans la peinture quand si vite elle me séduit, derrière cet effet "flash" il manque l’émotion, le vivant. La forme et le fond toujours ce vieux débat et leurs adeptes dans chaque camp. Personnellement ce serait ni l’un ni l’autre ou l’un et l’autre. Lire un roman qui me déroule une histoire ne me satisfait qu’en partie si je détecte trop rapidement les astuces littéraires habituelles, et lire des textes qui ne seraient que purement formels comme pour expulser toute une tradition classique du récit, mettre en avant une soi disant nouveauté ou originalité ne me satisfait guère non plus. Je ne crois plus à la nouveauté ni à l’originalité, voilà pourquoi. Dans les deux cas je m’ennuie assez vite. Et c’est là justement que je suis ce lecteur sans compassion ni pitié, je referme le livre, et j’essaie d’écrire le mien, celui qui me manque justement parmi tous les livres et qui toujours m’échappe, doit m’échapper pour que je continue à courir après.

Post-scriptum

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Pour continuer

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener