Mes visages
Je me suis remis à peindre depuis quelques temps après une longue période d’empêchements multiples. Ce genre de période nécessaire dans une vie de peintre, une remise en question, qui porte bien son nom lorsqu’on pense à la torture. Se torturer tout seul dans son coin surtout pour des choses probablement tout à fait inutiles. Jusqu’à ce que l’inutile tout entier vous saute enfin aux yeux. Car somme toute pour en revenir à une définition pragmatique de la peinture, de l’art en général, c’est bien cette quête de l’utile qui me conduit le plus sans que je ne veuille toujours l’entendre. Il faudrait toujours faire attention vraiment à ce que l’on ne veut pas voir ni entendre, ni penser d’ailleurs.
Je me suis donc remis à peindre parce que c’était utile que je le fasse, du moins j’y trouve une utilité soudaine après coup. Dans la réalisation de ces visages surtout qui ne sont pas des portraits, qui ne représentent évidemment pas une "réalité" mais questionnent celle-ci au travers du prétexte du visage.
Ils ont l’air d’être de vrais visages à première vue. Mais un œil exercé découvrira vite la supercherie qui se situe entre maladresse et habileté.
Avoir l’air d’être vrai, c’est tout à fait une peinture qui relate la problématique de notre époque. Je suis un peintre tout à fait contemporain pour cela.
Faire du mensonge quelque chose de touchant est un petit plus que je tente d’ajouter, mon épice personnelle qui donnera bon gout à la sauce pour l’avaler. C’est très subversif mine de rien.
Le tragique est un lieu commun, parce que notre cervelle préfère se réfugier dans le connu. Ce qui constitue un véritable enfer, le seul probablement.
Reproduire le connu dans un visage c’est mettre en scène une partie de cet enfer de cette tragédie, et placer la maladresse non visible immédiatement comme une issue. C’est à dire qu’une fois celle-ci découverte elle devient un indice pour se repérer dans la cartographie générale du mensonge. Toute la difficulté est de ne pas sombrer dans l’ironie, de ne pas y aller soi, et de ne pas y emporter le spectateur, car cela serait inutile, cela n’apporterait rien de plus.
Le fil rouge est l’émotion éprouvée vis à vis de cet écart entre habileté et maladresse. Et qui remet en question ces deux piliers à partir desquels les jugements s’élèvent sans relâche.
Peut-être que je divague, mais si cela n’est pas utile dans le monde d’aujourd’hui, qu’est-ce qui peut bien l’être ?
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}
