Notule 63

Que veux tu faire dans la vie ?

Combien de réunions de famille finissent ainsi en eau de boudin suite à cette question posée par un oncle, une tante, un cousin germain, maure, voire même espagnol ?

C’est la question qui tue.

Elle possède la propriété magique de réduire en poudre tous les bons moments précédents et même ceux à venir, bref : tous les moments que nous fumes ou serions susceptibles de partager avec la personne qui nous la pose. Cette question possède pour propriété majeure d’exalter l’angoisse et personnellement de me renvoyer à une solitude ontologique.

Mais que dire lorsque c’est un monsieur en costume cravate au crâne dégarni qui nous la pose lors du fameux entretien d’orientation qui s’effectue à la fin du collège ? Est-ce qu’à 14 ou 15 ans nous pouvons répondre sans hurler, calmement à cette question ?

Que veux tu faire dans la vie ? Quelles études tout d’abord ? Comment ? Tu n’as jamais mis les pieds au CIO le fameux centre d’information et d’orientation... Et j’ai une question jeune homme, te masturbes-tu tous les jours ou presque, une à deux fois par semaine, ou moins que ça ? D’ailleurs connais tu seulement ce mot là ?

Possible que l’on soit traumatisé à jamais à la fois par cette impossibilité de se projeter dans l’avenir que par cette question qui réactualise systématiquement cette faille.

Possible que cette question nous ramène comme entre deux gendarmes à la réalité commune alors que nous étions lovés dans l’éternité et la solitude d’un présent, tout entier perdu dans sa jouissance. Et que soudain la culpabilité nous tombe dessus avec la question, cette torture.

Possible que le jouir du moment en pâtit à mort.

Possible que l’implémentation du temps comme la nécessité de l’accorder à un travail, à une fonction dans la collectivité ajoute encore cet effroi, celui là même qui, sans tout cela, serait probablement difficile à nommer.

Possible que tout ramène à cet unique effroi dissimulé tout au fond de cette cohorte de poupées russes stressées :

La certitude certaine que tout doive irrémédiablement s’achever un de ces quatre.

Donc en attendant que tu crèves que veux tu faire de la vie ? voilà comment on peut entendre la question , c’est à dire de façon tellement inappropriée à la fois de la part de l’émetteur que du récepteur.

Pour autant certains ne semblent pas connaitre cette angoisse.

Ils répondent du tac au tac.

Et je n’ai jamais su, suite à cette observation s’ils étaient de parfaits imbéciles, téléguidés par un lavage de cerveau social ou familial,

ou bien si c’était moi l’andouille prisonnier de mes doutes perpétuels sur à peu près tout et rien.

Même encore aujourd’hui que je suis plus près de la fin il m’arrive de me reposer tout seul cette question.

Qu’est ce que je veux faire du reste de ma vie ?

Mais désormais je sais que c’est juste une manière de se masturber, peut-être plus paresseuse, peut-être plus désespérée aussi que toutes les autres déjà expérimentées.

Oui quand tout va trop bien, quand ça ronronne, ça ne peut pas aller, ça n’est pas possible et il convient donc réveiller une difficulté d’être, une peur de l’achèvement et surtout de repeindre ce vieux fantasme d’être un Phoenix increvable.

Que veux tu faire dans la vie ?

C’est le petit verre de rhum qu’on avale au fond des tranchées et qui nous abruti avant de partir à l’assaut des chimères, et de remplir sa bouche de terre.

Que veux tu faire dans la vie ? Qui doit on tuer massacrer violer pour parvenir à y répondre sans rire comme un dément ?

Post-scriptum

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Pour continuer

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener