Notule 93

Rater un tableau ne demande pas beaucoup de réflexion. On sent que c’est raté, cela tient plus d’une sensation, d’une émotion. C’est l’impersonnel qui semble en décider comme s’il s’agissait d’un réflexe pour lutter contre quelque chose d’aussi flou que lui. C’est l’appréhension du semblable pas tout à fait semblable qui déclenche le jugement à l’emporte pièce.

Mais quelle est cette entité qui juge à notre place si l’on peut dire ? Peut-être est-ce le regard d’un public que l’on s’invente tout seul et qui nous dépossède de notre point de vue de singleton. Le vertige que nous éprouvons devant l’échec ne provient t’il pas plutôt d’une solitude du moi relégué à une marge ?

Un écart qui nous place devant le fait accompli. Un écart qui nous isole, nous extrait et nous écartèle. Et cette étrangeté classée aussitôt dans le débile, accompagnée d’une culpabilité vis à vis de la chose personnelle quand justement celle-ci prend beaucoup trop ses aises avec l’autre, publique ; fantasmée. Et l’impuissance dans laquelle elle nous relègue à répétition, comme est répété le son d’un tambour chamanique, d’où la douleur, la colère, la violence, la tristesse et les deuils qui naturellement, presque toujours en découlent et qui semblent être les ingrédients d’un rituel comment autant d’étapes à franchir pour s’élever.

Toute cette souffrance ne tient pas, il faut autre chose sans doute pour tenir dans la durée, autre chose que le désir clair d’un effacement double. Il faut des illusions encore, il faut des rêves, et beaucoup de ténacité à croire dans ces rêves. Et soudain, et tout à coup et en même temps, il faut de toutes évidences de la persévérance pour rien, enfin !

Ce que retient le public de ceux qui ont été transmutés dans l’athanor d’une postérité, d’une notoriété c’est souvent cette persévérance, cette souffrance par laquelle on pense qu’il faille absolument passer. C’est plus à partir d’un résidu de décomposition que se porte l’attention ou la croyance, et c’est ainsi aussi que l’essentiel échappe au regard commun.

Et tout est probablement très bien ainsi. Car il s’agit de marcher en crabe entre le moi et l’autre, le public comme entre le profane et le sacré, entre des concepts tellement usés, au final, et ce perpétuellement pour se frayer un chemin vers la mer, vers l’espace infini de la toile.

Comment peut-on rater la mer à moins de ne pas vouloir la voir.

Comment peut-on rater un tableau à moins de ne pas vouloir le réussir, de refuser obstinément cette réussite convenue.

Et cette question lancinante toujours de se demander qui accepte l’échec qui refuse la réussite ?

Et le désir pris en étau dans l’entre deux penserait-on ?

Mais non.

C’est un présent ce désir, un désir de présent

et pas grand chose de plus à bien y réfléchir.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener