Paragraphes sans titre.

La torture de Prométhée , peinture de Salvator Rosa (1646–1648).

Entre les pensées l’espace est-il si vide, si effrayant. Et penser panserait-il les plaies laissées vives, les marques des monstres croisés, entre aperçus, au fond du rien. Que de tels monstres vivent en ce néant, qui sont-ils, d’où viennent-ils, que veulent-ils. Et s’ils n’étaient créés que par les pensées. Par la peur la rage de se trouver toujours anéantis. Murailles. Murs et cloisons qu’on élève. Issus des odeurs de ciment et de chaux. Ingratitude souveraine. Et s’ils n’étaient que flous reflets. Rejetons affolés de la peur, des effrois, prisonniers emmurés, fantômes et autres spectres, victimes d’une incarcération plus ou moins volontaire.

Sauter une ligne, laisser un blanc, mais conserver l’idée du bloc, dépourvu d’alinéa. Et surtout ensuite chercher l’option pour tout justifier. Que le paragraphe s’aligne en lui-même. Surtout pas de lui-même. Qu’il crée ainsi un semblant de cohérence avec le précédent et le suivant. Vienne le jour, la nuit où rien ne sera plus innocent. Tout surgit soudain par bouffés, par flots, et on s’enfonce dans le sol, en quête de racines amies. On voudrait la consolation tout en sachant qu’on ne saura la mériter. Qu’on la conspuera. Paradoxe de vivre ainsi sa mort comme on écrit un paragraphe au sein du blanc, du vide. Une île. Force et fragilité des îles.

D’île en île, naviguer, au travers la brume, on peut les deviner. Masses de mots qui surgissent. Leur imprécision vue d’ici est presque un baume. De ce lieu dans l’entre-deux. Calme irréel, inédit. Comme à mi distance entre ordre et chaos. Œil du cyclone. L’air d’Odin Le Borgne. Naviguer ainsi, errer, d’île en île, toujours animé par le désir et la crainte du naufrage. Infecte toute puissance. Merveilleuse illusion d’omniscience.

Le naufrage désiré, le pire ne serait-il pas de s’installer dans une de ces îles. S’enrouler progressivement dans le cocon tissé d’une invisible araignée, l’évidence, dissimulée dans cette quiétude visée. Visée par qui, par quoi, et dans quel but sinon la tuer. Sans relâche et fausse trêve en finir avec elle. Des paragraphes à l’aspect tranquille, qui filent à la vitesse des balles, dans un silence, une indifférence, étourdissant.

Le meurtre du monstre enfin comme un soulagement. Courte durée, écoute-le glapir. Le cœur se serre de le savoir d’avance et d’effectuer le geste. Cœur d’artichaut, larmes de crocodile. L’inéluctable meurtre qui rend inéluctable le texte. Et l’humain dans sa défaite , de se nourrir, se repaître de son humanité, garde-manger inépuisable. Vautour et demi-dieu, mêlée de plumes et d’os.

Pourtant la plage est là, agréable tout ce sable fin. De le fouler au pied procure du plaisir. Incontestable plaisir. On ne sait qui marche ici dans le bruit des ressacs. C’est un être sans nom, sans titre, il n’est ni plus ni moins plus qu’une suite de paragraphes , un simple texte écrit par n’importe qui.

Post-scriptum

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Pour continuer

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener