Possédé

Le corps est un espace qui, si rien ne l’irrigue, finit par devenir un espace disponible à tous les ectoplasmes errants, les démons, les djinns, les créatures gluantes et idiotes qui nous guettent sans relâche. Quand le foie ne reçoit plus assez d’oxygène, ou les reins ou la prostate, voire le cœur, tout se barre en sucette. C’est pourquoi il faut tous les jours faire quelques pas pour s’aérer. 1000 serait un minimum d’après les vieux sages chinois. Et surtout lire beaucoup, énormément, intensément. La lecture est un acte qui redonne vie au corps tout entier, qui l’aére de fond en comble tout autant qu’une bonne randonnée. Mais pratiquer les deux est excellent. Le pire serait de rester immobile le cul collé à sa chaise et de rêvasser dans le vide en regardant les mouches s’accoupler. Pourtant c’est bien ce qui m’est arrivé. Je peux dire que je suis resté assis sur cette chaise pendant trente ans pas moins. C’est une métaphore bien sur, les chaises s’usent et parfois on est bien forcé d’en changer. Durant toutes ces années pas un seul livre lu, pas une seule promenade, rien. Métro boulot dodo. Quelle chance de trouver une place assise en tous ces lieux. Mais peu à peu j’ai livré mon corps, mon esprit et peut-être même mon âme immortelle à tous les dangers. Et j’ai résisté plutôt mollement quand l’infernal et toute sa clique a commencé à m’envahir. J’ai acheté une télévision, je me suis mis à fréquenter des filles faciles, je me suis mis me resservir un second verre chaque soir, j’ai opté pour des métiers où il s’agissait de ne jamais trop réfléchir, j’étais à gauche je me suis rapproché du centre sans aucune méfiance pour soudain parvenir je ne sais comment à l’extrême, encore que je ne me souvienne plus si elle fut de droite ou de gauche. Elle était juste extreme... Et si j’ai pu m’échapper de toutes ces possessions démoniaques, m’exorciser moi-même de ce cauchemar en position assise où allongée, car parfois c’est vrai j’étais si fatigué, éreinté par toutes ces attaques invisibles que je devais m’allonger ... bref, si je suis encore là à vous raconter tout cela, c’est que j’ai eu une chance de cocu comme on dit , ou alors les anges gardiens existent. Suis-je le seul dans mon cas, je ne le pense pas. Je suis même persuadé que de plus en plus de personnes sont où seront exactement dans la même situation. possédés par tous les démons de l’enfer, et autre incubes et succubes. Comment m’en suis-je sorti ? difficile à dire. Mais risquons tout de même que c’est encore l’ennui qui m’aura permis de me lever de cette chaise. C’est grâce à l’ennui comme n’importe quelle nonne carmélite que j’ai accueilli soudain la grâce. Elle surgit brusquement à la fin d’une belle après-midi d’été. j’étais encore assis quelque part bien sur, peut-être au jardin du Luxembourg à contempler bêtement le jet d’eau du bassin central. Une femme à côté de moi s’est levée de sa chaise en fer et à abandonné un livre de Paul Ricoeur. Auteur inconnu à l’époque. J’ai ouvert le bouquin le sang a reflué dans tout mon corps, l’espace en moi a fait à peu de chose près le bruit d’un pet foireux ou d’un ballon de baudruche qui éclate. bref une flatulence. Tous les démons sont sortis à la queue leu leu dégoûtés soudain, et c’est exactement ainsi que j’ai enfin pu reprendre ma vie en main, enfin la chaise, pour m’appuyer sur les accoudoirs , me lever et finalement apprendre à me promener un livre à la main.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}