Qu’est ce que l’oubli ?

Hier soir je me suis endormi en me centrant sur mon cœur, j’ai remonté de longs couloirs, des corridors, des artères et des venelles en m’abandonnant au lacis de cette géographie étrange, en étant certain pour une fois d’arriver quelque part. C’est dans cette quête que le sommeil m’a pris, et au matin je n’ai que de très vagues souvenirs, des impressions tout au plus.
Je ne suis pas fatigué pour une fois. Au contraire. C’est comme si j’avais refait le plein d’énergie. En étant attentif je pourrais mettre cette sensation confortable sur le dos d’une bonne nuit de sommeil mais mon instinct me dit qu’il y a autre chose.
Comme si j’avais assisté à une réunion et que de nombreuses âmes m’avaient visité heureuses que j’ai décidé d’accomplir un bout de chemin en me laissant guider par mon cœur.
Et ce qui est étrange c’est qu’au moment où je m’installe à mon bureau, que j’ouvre ce traitement de textes, les mots me viennent spontanément tout comme les souvenirs qui les accompagnent. Comme si l’écriture était un portail par lequel je parviens à dissoudre l’oubli.
En même temps je n’ai pas encore accès à tout, je sens bien que l’on ne me propose que certains accès au fur et à mesure de ma progression dans le texte. Et que la patience, l’écoute sont requises sans être malgré tout obligatoire.
C’est dans cette marge de manœuvre entre réalité et fiction, humour et gravité que je comprends posséder un véritable libre arbitre.
Je pourrais parfois penser que les phrases me sont dictées mais si elles le sont ce ne peut être que par une version de moi-même qui en sait sans doute bien plus long que moi je n’en sais.
Je ne sais dans quel espace temps se situe cette part à l’œuvre dont j’ai parfois la sensation de n’être qu’un instrument.
Je le sais et je ne le sais pas dans un même temps. Dans l’instant.
Il n’y a que lorsque je pense à une continuité, à un développement linéaire du récit que j’oublie quelque chose, et cet oubli est nécessaire. Comme si rien ne pouvait s’effectuer sans lui.
Parfois je me dis que la poésie correspondrait mieux à cette orgie de textes que je ne cesse d’écrire.
Peut-être est-ce le but dont le moyen est cet écoulement premier d’ encre, comme un gâchis dont se servent les maçons pour ériger de simples demeures.
Lorsque j’écris je suis en phase avec un instant immense et ce que je nomme l’oubli n’est qu’un des nombreux personnages du roman, il possède une fonction spécifique comme chacun des personnages de celui-ci. Il n’est juste qu’un mot un nom , mais sa nature n’est pas celle de l’absence, tout au contraire, c’est bien plus un excès de présence qu’il me faut apprendre à comprendre, à équilibrer comme on équilibre un instrument de musique en l’accordant.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}