Rabelais et le printemps

Rabelais dessiné par MatisseRabelais dessiné par Matisse

On a tous son Rabelais, et c’est drôle de constater que c’est chasse gardée souvent et depuis bien longtemps. C’est dire à quel point dans l’imagination de la langue il tient sa place, même si on ne l’a que très peu lu. Parfois d’autant plus est l’importance qu’on ne l’aurait pas lu. La difficulté je m’en souviens était de vouloir le lire mentalement à l’école. Il aura fallu beaucoup d’années pour retraverser cet imaginaire conditionné, se rendre au texte et le prononcer de vive voix. Au début on bute un peu sur les expressions, la graphie des mots, les conjugaisons, mais à l’oreille peu à peu un souvenir nous vient, on se sent de plus à plus à l’aise de le dire tout haut.

Ce n’est pas innocent que le vieux françois revienne. Dans tout ce qui se délite de nos jours on cherche sans doute un appui solide et quoi de plus solide que la langue avec laquelle on pense ou s’exprime, qui crée notre corps et nos mouvements.

Je suis émerveillé par le travail de François Bon, son projet vidéaste d’aller sur les lieux et lire à haute voix des passages entiers de Pantagruel, Gargantua et tout le tutti. Que Rabelais nous revienne comme il a dû venir à ses contemporains par l’oreille j’imagine est vraiment un soufflet opportun à la parole gelée qui nous submerge. Ce printemps avec les premières vidéos de François refleurit la langue mais pas seulement, on peut l’apercevoir sur les fruitiers, nombreux ici en Isère, dans les cris tombant du ciel, le retour des hirondelles. Et je me dis qu’au lieu d’avoir chacun son Rabelais, faire comme cet autre François bien généreux, le partager aux quatre vents.

voici le lien pour suivre cette formidable aventure ( bien sûr c’est payant et c’est bien normal- mais à différents niveaux de bourse, allez voir )

https://youtu.be/fxG8VywwAeU

François Bon parle de l’édition Bouquin, du Tout Rabelais, et wouah ! qu’est ce qu’on en apprend ou plutôt comprend !

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener