Résister à l’oppression

Bien sur il y a l’oppression extérieure. Mais l’intérieure vaut tout autant parfois et qui fortuitement nécessite plus qu’un pet long et sonore pour retrouver ses aises.
La nature est bien faite mais lorsque c’est la caboche qui oppresse avec ses torrents de mots d’ordre qui dévalent comme des éboulis sur le pauvre hère que nous sommes, que faire ?
Rien, absolument rien, c’est devenu ma devise.
Hier encore je fus assailli par mon insignifiance. J’ai bien tenté de résister un peu, machinalement en triant des vieilleries. En fuyant les pensées moroses, en fumant cigarette sur cigarette et en buvant plusieurs pots de café. De façon à ce que mon corps ainsi traité me réveille de cette désagréable sensation d’inutilité crasse. Ou que tout bonnement je puisse avoir mal pour de bon sans doute.
Et enfin je ne suis parvenu qu’à avoir un peu mal à la gorge et une diarrhée carabinée. Peanuts donc par rapport à l’agonie que j’avais secrètement espérée tout au fond de ce remugle d’illusion qui me pousse encore et encore à toujours vouloir détourner l’attention de cette cochonnerie de cervelle sur ma petite personne.
Mais mourir n’est pas donné à tout le monde. Et même lorsqu’on s’illusionne au moment même de passer l’arme à gauche d’avoir le contrôle sur quoi que ce soit, et au bout du compte enfin sur sa propre finitude, il faut le dire : c’est encore une illusion. Dans de nombreux cas de figure on ne veut pas mourir on veut seulement ne plus vivre cette vie là. Ce qui est une nuance tout de même à prendre en considération.
J’ai croisé tellement de gens de l’au-delà au visage marri de s’être gourré de mort que je devrais bien pourtant en tirer une leçon.
Mais l’âne qui braie pour avoir du foin est têtu.
Comme il y a maintenant plus de trente ans lorsque j’ai voulu résister à ce sentiment plombant de l’ennui, je suis resté le cul sur ma chaise j’ai posé crayon, gomme, pinceaux et toutes mes ambitions de cette journée, un dimanche que dès potron-minet fut taxé de maussade par cette petite voix au fond de moi.
J’ai dit stop trop c’est trop je l’ai dit tout haut dans mon atelier. Et boum je me suis assis.
Je suis devenu résistant au faire. Ce faire que je ne cesse jamais de me seriner du matin au soir. Et sitôt que je me tais est relayé de bouche en bouche tout autour. Les vases communiquant du faire, ce dimanche précisément m’auront à ce point agacé, énervé, torturé, vidé, et de bonne heure, que j’ai jugé bon de prendre le taureau par les cornes.
Rester assis, pas bouger. Et observer tout ce bordel incessant d’humeur de glaire, de pituite, inhérent à ce foisonnement d’informations chaotiques provenant de mon propre vide.
Ce dimanche je l’ai passé assis sur ma chaise à voyager dans les annales akashiques de ma propre débine.
Et bien c’est étonnant de trouver de la beauté même là. J’en suis resté baba.
Et du coup je me suis dit que tous ces ukrainiens qui courraient dans tous les sens en ce moment sous les bombardements devaient vivre à peu de chose près la même chose que moi dans mon atelier. Ou alors c’est l’inverse. Oui l’inverse c’est tout de même mieux. N’exagérons pas non plus quand même.
C’est la même résistance mais n’omettons pas la proportion.
Car quand le faire se pointe on a toujours deux solutions : faire ou ne pas faire.
Et on ne sait jamais où se niche le courage dans tout ça. Je veux dire le vrai courage, celui qui nous met hors de nous, celui qui nous met étrangement en joie.
On nous les montre joyeux les soldats et les civils ukrainiens et on en est souvent étonné.
Et bien c’est parfaitement vrai qu’on peut être joyeux au fond du pire. Je n’ai pas fait de selfie car je trouve ça ridicule.
Mais le cœur y est à n’en pas douter. Ce qui est un peu fou.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}