Rester dans l’entre-deux.
L’arrivée à la frontière polonaise
D’un coté la raison, de l’autre ce que je dois bien appeler la mystique, l’imagination, la poésie, l’intuition, la peinture, ou ce que l’on voudra et qui ne sera qu’un mot. C’est à dire quelque chose de déraisonnable à priori pour la plupart d’entre nous.
Comment vivre ainsi, coincé entre ces deux mots ?
Comprenez que je ne dénigre pas la raison, je lui trouve une utilité, mais je ne peux pas plus dénigrer l’intuition. En résumé il s’agit de trouver une position médiane entre cerveau gauche et droit. De parvenir à les unifier, d’établir une relation harmonieuse entre les deux.
Aussi lorsque j’évoque le doute comme une nécessité c’est qu’il m’aide régulièrement à revenir au centre, à la confluence de ce que j’ai appris plus ou moins à considérer comme deux opposés.
Et pourquoi la raison est-elle opposée à l’intuition ? A part le fait que la raison veuille toujours avoir raison ?
Admettons alors que la raison puisse se considérer telle qu’elle est vraiment comme un processus se basant sur l’action et la réaction, dans une durée définie, avec un objectif clair, alors et c’est sans doute de la répétition qu’elle note que presque rien ne peut la gêner vraiment pour atteindre à ce but. D’où ce malaise indéfinissable qui monte régulièrement en moi face à la certitude affichée par mes contemporains qu’il suffit de faire un plan et de le suivre à la lettre pour parvenir à quoique ce soit.
Si je répète l’expérience et qu’elle donne toujours le même résultat est-ce dû à ce que j’appelle la raison ou bien n’est-ce dû qu’à moi qui ne voit l’expérience que dans le même cadre que je ne cesse de reproduire pour obtenir strictement que la même chose toujours. Je pourrais me demander s’il ne s’agit pas bêtement d’un programme de la même nature que ceux réalisés avec des 0 et des 1, en langage informatique.
Car l’objectif si clairement inscrit soit-il sur le papier est t’il une intention véritable ? Ou bien n’est t’il toujours que le clone que nous impose la relation triangulaire de tout désir.
Je veux ceci parce qu’un autre le possède et qui lui-même le désire par ricochet tout simplement.
Trouver sa véritable intention ce ne peut pas être de s’arrêter à ces désirs dupliqués. La structure même de cette phrase me saute aux yeux à priori comme une faute, une lourdeur, cependant qu’en même temps je lui trouve une étrange justesse syntaxique.
S’il y a de l’être ça ne peut pas s’arrêter au désir. Voilà ce que je comprends de ma propre maladresse linguistique.
Cela nécessite un parcours, et surtout de comprendre qui l’on est vraiment, à savoir ce que l’on veut dans la vie sans que cette volonté ne prenne racine dans le désir commun comme une simple obéissance, ce que j’appelle un aveuglement.
Savoir qui l’on est vraiment, parfois j’en rirais tellement cela me semble ridicule, nombriliste, comme si moi je pouvais être quelqu’un de différent des autres. Que je puisse soudain me démarquer de la masse par la découverte stupéfiante de ma propre différence.
J’ai souvent botté en touche à cause de ça exactement. Parce que je n’ai pas tant le cœur à vouloir à tout prix être différent. Je voudrais juste que l’on me laisse tranquille, intérieurement, ne pas être gêné par les clichés incessants, les mots d’ordre perpétuels avec lesquels je ne cesse de composer depuis toujours.
Ce que je veux n’a rien à voir avec ce qui est nécessaire pour entrer dans la danse, Ce que je veux n’a rien à voir avec un passeport, avec lequel j’aurais l’autorisation de passer une frontière vers le commun.
Mais voilà qu’est ce que je veux vraiment ? La plupart du temps j’arrive à peine à détecter ce que je ne veux pas, ce que je ne veux plus.
Donc il faudrait que je me fasse à cette idée qui représente le cœur même de toute impuissance, que je ne veuille rien car je ne suis pas parvenu à savoir vraiment qui je suis. Que je n’en possède qu’une très vague idée, ou mieux certitude.
Ce que je suis je ne l’apprends jamais que par la réaction à ce que je ne veux pas. Ce qui semble terriblement rationnel et qui justement me coupe de tout le potentiel qui peut me parvenir depuis l’inconnu, depuis l’étrangeté que m’offre comme un défi l’inconnu.
Il n’y a que par la peinture que je parviens à trouver plus ou moins une position qui ne me semble pas totalement factice. Lorsque je peins je suis dans l’entre-deux. J’accorde autant de poids à la raison qu’à l’intuition, je les tiens en joue du bout du pinceau.
La peinture une fois tous les désirs épuisés, comme autant de clichés traversés à quoi donc me servirait-elle ?
A célébrer le fait d’être en vie, célébrer la vie car au fond de tout je ne vois que cela comme intention qui vaille encore la peine de m’y accrocher.
Et peut-être que je me trompe encore, peut-être ne suis-je pas si peintre que je veux bien me le dire, me le répéter. Peut-être puis-je trouver d’autres façons de célébrer cette vie qu’en réalisant des tableaux, en donnant des cours.
Hier soir par exemple je me suis dit que peindre était tellement dérisoire au regard des évènements actuels. Et si j’allais proposer mes services à une association, et si j’allais me proposer comme chauffeur pour traverser l’Europe et aider. Ou encore proposer d’héberger quelques Ukrainiens à la maison, nous avons un peu de place.
Et puis j’ai pensé au prix de l’essence, j’ai pensé que cela m’obligerait à interrompre mes cours durant quelques jours j’ai pensé aux factures aussi qui elles ne s’arrêtent jamais. J’ai tellement pensé au final que je n’ai rien fait.
Exactement le résumé d’une vie vécue entièrement ou presque en imagination.
Une vie dans l’entre-deux.
Ce qui relie soudain cette notion d’intention à un autre élément essentiel : Le choix.
Choisir parmi tant d’émotions de sensations, de sentiments que l’on comprend souvent contradictoires parce qu’on veut justement leur trouver des raisons.
C’est sans doute à ce moment là qu’il faudrait s’en remettre à nos intuitions pour entrer en conformité avec l’intention, et faire sans y penser ce que l’on sent juste de faire.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}