Réussir

Le combat d’Hercule avec le lion de Némée, Pierre Paul Rubens

Quel sens donner au mot réussite ? Que ce soit dans la rédaction de ces petits textes que j’écris quotidiennement comme aux tableaux qui s’empilent dans l’atelier.

Au présent, de quelle réussite s’agit-il ? sinon d’un prise de conscience de la conscience sur ce qu’elle est.

Et qui chaque jour tente d’élargir son horizon, de rejoindre, en vain, l’infini.

La réussite est donc en grande partie la prise de conscience d’un échec qui étrangement apporte une légèreté.

Une fois que tous les buts illusoires que l’on s’est fixés tombent.

L’éblouissement est là.

Un aveuglement qui permet de considérer la nécessité.

La double nécessité à la fois de cet aveuglement comme l’infini des possibilités de voir

ce qui doit aussitôt s’évanouir.

Des étoiles filantes.

Et toujours entre la matière et l’esprit l’importance de cette relation établie, cette quintessence qui s’évapore au dessus du creuset.

L’esprit et la matière ne sont plus que cendres quand la relation advient.

L’expérience de la peinture est identique à celle de l’écriture.

Il n’y a que l’expérience d’une régularité de l’instant qui s’appuie sur des prétextes pour se survivre.

Une forme de l’amour qui ne cesse de tendre dans l’instant vers l’infini tout en sachant qu’elle ne peut jamais l’atteindre.

Elle semble parfois entrer en résonnance et éblouir, illusion d’un sens, d’une logique, d’une raison s’échappant de sa geôle d’incohérence.

Ulysse encore une fois face aux sirènes.

Ce n’est plus tant la curiosité cependant qui m’anime. Une autre vibration s’installe dans le présent de l’écriture dans le présent de la peinture.

Une vibration personnelle qui ne se soucie plus de rien d’autre que de vibrer plus haut plus loin plus profondément pour estimer les limites de son propre néant. Pour entrer en compassion avec ces limitations après les avoir tant répudiées.

J’arrive assez bien à proposer un cadre dans la pratique de la peinture, à mes élèves notamment. Je ne cesse de leur évoquer l’importance capitale du cadre, sans lequel aucune liberté ne peut agir vraiment.

Alors que j’explore quant à moi sans relâche le hors cadre.

Lorsque je peins je ne pense pas à présenter mon travail. Je suis présent au travail. C’est le seul cadre si l’on veut. Etre présent.

A l’intérieur de celui-ci la liberté s’agite comme une jument sauvage que je tente de dompter parfois, d’autrefois non.

Cette notion de maitrise, de contrôle de l’Energie que je nomme liberté, ou vie, ou être, me semble tour à tour ubuesque, passionnante, éreintante, enthousiasmante ou décevante.

Ce n’est pas très important, toutes ces impressions, ces sensations, ces idées ces pensées qui me traversent librement, sauvagement.

Ce qui est important c’est de rester présent à tout cela et de le restituer comme je le peux sur la toile.

Ce qui l’enrichit si je puis dire de multiples couches souvent invisibles aux yeux d’autrui.

Palimpsestes.

Le fait de recouvrir les traces voilà une piste à creuser. Pourquoi vouloir les recouvrir ? Encore cette notion d’achèvement mal comprise, mal digérée probablement.

Le traumatisme laissé dans l’instant perpétuel du faire qui, si l’on peut saisir le commencement facilement, donne toujours du fil à retordre vers la fin.

Parce que l’on sent intimement cette illusion de toute fin.

Parce qu’imposer une fin, se l’imposer à soi pour commencer, ressemble à un acte de haute trahison. Une injustice comme la première que rencontre l’enfant.

Et du coup s’élancer vers le renouvellement, vers le principe, vers le recommencement.

Il faut tout inventer, ses outils, ses raisons, sa folie, et même sa propre idée de la réussite.

Post-scriptum

haut

Pour continuer

import

Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

import

technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

import

La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener