Transe
rire de Gargantua
Il y a le mur, la frontière, l’obstacle et le passage.
Une paroi plus ou moins poreuse selon l’individu et qui s’élève entre une réalité quotidienne et ce que nous nommons l’au-delà, le surnaturel, la fameuse séparation arbitraire entre l’ ici et l’ailleurs
Pour traverser la paroi il est possible d’utiliser un état cognitif particulier que l’on appelle la transe. La transe est cet état dont nous sommes la plupart du temps inconscients et qui peut revenir à plusieurs moments de la journée. Il est pourtant possible d’y prêter une attention -peut-être doit-on sacrifier un peu de ce temps si précieux pour cela- afin de se mettre en état de mieux repérer les moments où nous sommes en transe. Il est possible d’induire la transe seul. La transe est souvent associée au chamanisme, mais elle le précède en tant qu’état partagé par tous les êtres vivants. Il serait nécessaire de développer la fonction de ce que nous nommons le rêve, d’en comprendre l’utilité, la nécessité pour tout organisme et qui semble être une façon de traiter la masse d’informations dont le flux est ininterrompu. Par l’entremise du rêve ou de la transe il est possible qu’une partie de nous-même - qu’on nomme inconsciente, à mon avis parfois à tort, de trier, de réorganiser différemment les informations reçues, de leur trouver des sens inédits. Ce tri fournirait alors de nouveaux assemblages d’images ou de sens à notre partie ( soi-disant) consciente. Mais cela n’échappera à personne que la séparation entre conscient et inconscient est tout aussi arbitraire qu’entre les termes d’ici et d’ailleurs. Surtout à notre époque et les progrès de la physique des particules. Car nous savons aujourd’hui que nous pouvons être ici et ailleurs dans un même temps- qui d’ailleurs n’existerait pas ailleurs que dans notre imagination.
Certaines personnes sont plus souvent que d’autres en état de transe car celle-ci leur sert de protection, de médiation. Leur sensibilité exacerbée détecte des informations parallèles à tout échange dit normal. Il serait de mise de considérer ces personnes comme déficientes dans nos sociétés actuelles où la normalité est devenue un standard. Une norme standard ayant autant de réalité que l’heure universelle.
Il est rassurant de nommer artiste une personne dont la majeure partie de l’ existence se déroule dans la transe. Il le sera un peu moins de le nommer sorcier, chamane ou carrément cinglé. Il y a donc des cases toutes prêtes pour accueillir la singularité, elles sont de plus en plus nombreuses, ce qui n’est pas bon signe. Une démultiplication des boites de rangement relève à l’instar de ce blog, par son excès de catégories, un chaos, une confusion qu’on ne cherche plus à arrêter. En cela ce blog n’est peut-être rien d’autre qu’un miroir du chaos ambiant.
Admettons qu’autrefois la singularité fut mieux accueillie ; disons avant que le rationalisme prenne les commandes de notre civilisation. Était-ce si différent d’aujourd’hui ? la probabilité d’être singulier n’était-elle pas déjà prise en compte par la forge, la sorcellerie, l’aristocratie, les serfs, la bouffonnerie. Il me semble que ce classement des singularités était plus réduit ; , les mailles du tamis plus larges et peut-être que cela permettait de jeter à la marge moins de scories. Si l’on prend par exemple la catégorie des sorciers et magiciens, il ne s’agit que d’un terme générique regroupant de nombreux rôles, le chamane était évidemment sorcier et magicien mais aussi guérisseur, apothicaire, poète, peintre, voyageur etc. Quand on aperçoit désormais tous les mots pour caractériser un marginal, on s’aperçoit qu’il faut ingurgiter autant de traités d’anatomie, de chimie, que de psychologie, psychiatrie pour se rassurer d’un diagnostic à poser sur son cas. On se retrouve donc face à l’embarras du choix propre à nos sociétés malades de l’idée d’abondance.
comment entrer de plain-pied en état de transe, je ne crois pas qu’il faille lire des livres , regarder des vidéos, chercher un maître pour cela. Il suffit d’être attentif à ce qui se produit tout au long d’une seule journée simplement en soi. Car si l’on parvient à repérer les moments spéciaux où notre conscience est altérée, on sera sur une bonne piste pour travailler sur ceux-ci, et même avec régularité et patience, les developper.
Écrire est probablement un état de conscience chamanique, au moins dans la spontanéité d’un premier jet. ( D’un premier "je") Écrire ainsi est une transe, un voyage. Il semble que dans le candomblé du Brésil on est chevauché par quelque chose, quelqu’un- esprit, daemon, ancêtre, défunt, de la même façon et peu importe de vouloir vraiment découvrir le nom de cette entité, de vouloir s’en effrayer comme s’en rassurer. On n’est plus tout à fait soi-même durant un laps de temps, l’écriture rend autre. Et toute la difficulté est l’acceptation sans doute d’être en même temps autre et soi.
Vue de cette manière la transe est dangereuse bien sûr quand on la pratique seul, quand on n’est pas averti. La difficulté principale est de se voir passer par différents états dans une durée assez brève. ( parce que la durée possède encore une signification dont on ne se sera pas délivrée.) La notion d’identité est ébranlée. Il faut souvent un moment pour s’en remettre ensuite.
Ma façon d’aborder le problème est d’écrire plusieurs textes les uns à la suite des autres sans qu’ils n’aient de relation entre eux de prime abord. C’est à dire essayer de doser le flux au travers de plusieurs contenants plutôt qu’un. Il me semble que cela ouvre des perspectives inédites, ( pour moi ) que l’on peut observer à l’intérieur même de ce flux.
Car une question se représente sans cesse en rapport avec le début et la fin. L’incessant n’est pas saucissonable. Le fait de multiplier les textes est peut-être une sorte de caricature d’un "saucisson âge" un écho renvoyé ainsi jusqu’à l’insupportable, un choc provoquant l’éveil, c.est à dire un rire sain et espoir un peu fou, communicable.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}