un dieu vaniteux

Je marchais encore des jours et des jours avant de parvenir à une autre Sonora, mais mes espoirs s’étaient considérablement amoindris. J’en étais parvenu à ce point de fatigue où atteindre à n’importe quel but n’apporte qu’ une douce tristesse plus que la saine brutalité conférée par le désir sur le point de se satisfaire. Disons que j’étais pour ainsi dire mort, ou quasiment, lorsque je franchis une fois de plus au crépuscule les remparts de cette énième Sonora, sise beaucoup plus à l’est que toutes celles déjà visitées. Il n’y avait personne dans les rues, jusqu’à ce que je tombe sur ce qui devait être la place centrale, entourée de vieux bâtiments assez semblables à ceux déjà rencontrés en Alsace ou du côté de Rouen, demeures patriciennes ou de commerçants, fenêtres étroites, petits carreaux et colombages. Une grande clameur montait vers la nuit, crée par les habitants se tenant les coudes pendant qu’ils étaient en train d’effectuer une danse étrange autour de quelque chose que je ne parvenais pas encore à distinguer. Je m’approchais donc, et soudain certains des danseurs m’attrapèrent le bras et m’entraînèrent dans la danse, trois pas en avant, quatre ,en arrière. C’était comme le flux et le reflux, une marée humaine autour d’un point fixe. C’est alors par l’effet cinétique bien plus que par curiosité que je vis enfin la statue du dieu vaniteux. Il fallut peu de temps avant que je ne surprenne l’essentiel de la cérémonie, et son rituel minimal ; à chaque fois que l’immense foule s’approchait du dieu elle l’insultait et lui crachait dessus. La pierre, une pierre sombre semblable à du granit était souillée d’humeurs qui dégoulinaient sur elle, la rendait resplendissante sous l’éclat écarlate d’une lune rouge. Au bout de quelques allées et venues, emporté moi aussi par la transe, je me mis aussi à pousser force jurons et cracher sur le dieu vaniteux- car j’avais entendu son nom. Mais le ridicule de la situation m’apparut soudain assez nettement et je mis toute ma volonté à m’extraire du mouvement général. Cette nuit là je trouvais un refuge sous un escalier pour tenter de trouver le sommeil mais le spectacle auquel j’avais participé m’encombrait l’esprit. Au bout d’une heure ou deux, le silence m’extirpa de ma somnolence, les habitants avaient du partir se coucher. Je décidais de me lever et de retrouver le chemin de la grand-place. Des silhouettes se mouvaient silencieusement autour de la statue, un véhicule muni d’un gyrophare bleu était garé tout près et depuis son réservoir un long tuyau était porté avec peine par deux des ombres que j’avais peine à distinguer. En m’approchant plus près que découvris qu’il s’agissait de femmes appartenant d’après ce que j’entendis à une religion minoritaire dans la ville. Des chrétiennes, ce qui les plaçait sous ces latitudes encore plus près de terre que n’importe quelle caste d’intouchables. J’allumais une cigarette et observais durant le temps de celle-ci leur labeur qui consistait à nettoyer les exactions commises durant la fête, à redonner une allure à la statue. Puis je m’éloignais de nouveau pour chercher la sortie de la ville, retrouver les grandes étendues désertiques qui m’étaient désormais familières plus que n’importe quelle ville, réelle ou rêvée. Néanmoins, comme il faut toujours un but pour avancer, avec l’éclat froid des étoiles je tentais tant bien que mal de raviver l’espoir de parvenir à une Sonora inconnue ; une ville qui enfin peut-être me surprendrait vraiment par sa totale absence d’étonnement, de surprise. Ce fut suffisant cette nuit là pour retrouver l’espoir avec l’aube naissante. .
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}