Une femme chante

https://youtu.be/siXXWoH89dk

Une femme chante là, dans ce bar de Porto où j’échoue ce soir. Je viens d’arriver par le train de nuit, ma solitude est infinie. J’ai faim de chaleur humaine et de fado. Pauvre et affamé à un point tel que la seule destination possible ne pouvait être que Porto.

Porto et ses façades noires, ses murs lépreux, son pont de fer qui enjambe le Douro, son fado et le son des guitares. Et furtivement depuis la gare, je cherche du regard dans la position des corps qui vacillent la silhouette de mon ami imaginaire, Fernando Pessoa que je vois trop et ne rencontre pas.

Je suis un marin débarqué, qui marche un peu en crabe pour contrecarré le roulis le tangage de la vie ce bateau, cette épave. C’est une nuit d’hiver en plein mois de juin et j’ai froid, la sueur des voyages et des fugues colle à mon tricot de corps sous la chemise. Je me sens pauvre et sale.

Je pousse la porte et là une femme chante au fond de la salle voilée par la fumée des cigarettes. Un homme l’accompagne une guitare sur les genoux, qu’il gratte et caresse d’un geste violent ou doux.

Oh ce chant, ce chant si beau et triste qui pénètre mon cœur, un chant aiguisé à la meule des douleurs, un poignard de malheur. Qui me glace et me brûle le cœur. Il me faut du vin jeune de ce vin piquant qui réveille le bonheur sitôt que la langue l’effleure.

Une femme chante là dans ce bar de Porto, tout à l’heure je serai ivre, Obrigado la vie, boa vida noturna Une femme chante là et sa voix me traverse et m’irrigue, emportant soudain toutes mes vieilles fatigues

J’étais vieux j’avais mille ans et me voici à nouveau frais comme un gardon d’avoir pleuré tellement avec elle dans ce chant.

J’ai envie de l’aimer cette femme de la serrer dans mes bras comme jamais je n’ai serré dans mes bras aucune femme, juste la serrer comme on serre un oiseau dans sa main au début tout doucement pour ne pas l’effrayer puis avec rage et peur pour s’en débarrasser.

Une autre bouteille de Vino Verde et quelques aguardiente après, j’ai de l’eau plein les yeux qui coule sur mes joues, le sol. Je suis beurre qui fond à la chaleur brutale du fado, qui fond à la chaleur d’une voix gutturale qui rassemble toutes les clameurs, les pleurs, les combats, tous ces combats que l’on a cru utiles et ne sont plus rien.

Totalement bourré j’ai retroussé mes manches j’ai chaud , ah ça y est je suis jeune ! je monte sur la table et claque du talon comme le font les étalons , les gigolos endimanchés à l’heure sucrée des thés.

Une femme chante là, elle n’est ni jeune ni vieille mais dieu comme elle est belle.

J’ai allumé une cigarette pour oublier toute les odeurs passées, celles qui soudain vous montent comme ça au nez , toutes les odeurs rêvées , celles que j’ai un jour ou l’autre oubliées, toutes les odeurs du monde,

et j’ai exhalé, comme tout le monde ici, la fumée, pour m’éloigner doucement d’elle.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener