vouloir réduire et faire l’inverse.

Mais non ce n’est pas une question d’organisation, ça tu vas l’entendre tout le temps. Tu vas trouver plein de formations qui vont t’apprendre à organiser ton temps pour faire encore plus de choses que tu n’en fais déjà ... mais ça ne changera pas la qualité que tu donnes toi à ton propre temps . Tu te souviens quand tu étais gosse que tes parents t’emmenaient en voiture pour aller chez tes grands parents, ta tante, en vacances etc comment tu n’en pouvais plus de trouver le temps long ? Tu te souviens de cette après-midi où tu as été capable d’attendre 3 heures la fille dont tu étais amoureux fou et comment ces 3 heures ont été fébriles, intenses, et l’explosion d’émotions quand tu l’as vue arriver au loin, la fille ? Tu te souviens de ce livre que tu as dévoré d’un seul trait et ton dépit quand tu es arrivé soudain à la fin ? Toutes ces expériences du temps , de ton temps à toi , tu les fais depuis longtemps déjà. Tu l’as bien compris , ton temps à toi n’est pas forcément le temps de tout le monde. Alors pour peindre tu vas te dire : je n’ai pas le temps parce que tu ne sais plus retrouver la magie de créer ton propre temps et savourer l’instant d’être seul avec ta toile, avec toi-même, avec le cosmos... l’inquiétude liée au temps, la hantise permanente de ne pas avoir le temps ; puis, pour lutter contre cette inquiétude le fantasme de l’organisation, de l’emploi du temps, des todo listes qui ne fonctionnent pas ; tu n’arrives pas à t’ôter de l’esprit qu’il s’agit de s’occuper, de passer le temps pour ne pas voir que le temps te manque, qu’il te manquera toujours ; enfantine résistance que celle qui conduit à ne rien vouloir ou pouvoir faire, comme pour s’opposer à ce que tu considères comme un mensonge du faire. Le désir de réaliser, le but, l’objectif, le challenge, ne sont pas de poids, de taille pour te faire oublier la mort. Il n’y a que l’écriture qui te procure un peu de repos, elle sert à perdre , de jour en jour, une idée d’importance, ta propre idée d’importance ; il y a donc un but, contre toute attente, l’urgence d’écrire pour se tenir prêt à toute fin. La qualité du temps ; la conjugaison des verbes, l’écriture seule te permet d’étudier cette approche ; en aveugle souvent ; mais es-tu vraiment honnête lorsque tu penses que celle-ci est même supérieure à la qualité du temps que tu étudies aussi lorsque tu fais l’amour, lorsque tu es en train de passer un agréable moment entre amis, lorsque tu avales une bouchée d’un plat succulent , donc tu étudies tout le temps, tu ne cesses jamais d’étudier le temps quelque soit son occupation et cela représente une énigme, la seule énigme à résoudre ; mais pourquoi étudier, se cantonner toujours à l’exercice, à l’étude, n’est-ce pas plutôt pour ne jamais parvenir au chef-d’œuvre, à une idée d’achèvement ? Tu te tiens hors du temps pour l’étudier c’est aussi pour cette raison que tu écris. Pour ensuite tout oublier dans la journée, pour entrer dans l’oubli sans plus y penser. Mais l’écriture t’attire, tu y passes de plus en plus de temps, tu sens que c’est une erreur, cependant tu persistes, est-elle devenue elle aussi une occupation c’est à dire pour toi un prétexte ; s’enfuir dans une occupation, se concentrer dans une activité, oublier la mort un instant ; c’est elle encore qui produit ce que tu penses n’être qu’une agitation, c’est à dire le simple fait ou la sensation d’être en vie, qui se produira toujours se reproduira jusqu’à la fin de ta vie, le fait de l’écrire change t’il quelque chose ? Tu écris pour réinventer une notion du temps et cette découverte te brouille la vue, tu es comme un gamin qui découvre la mer et qui ne veut plus sortir de l’eau. Sur la berge des personnes t’appellent que tu n’écoutes plus. En une phrase : tu te pourris la vie en ne cessant de penser à la mort, tu t’obstines à vouloir penser l’impensable, et dans quel but sinon acculer toute pensée à ce que tu crois être son but véritable, le même qu’un pansement, recouvrir, protéger une blessure, quelle blessure, tu ne t’en souviens même plus tant elle est profonde. On meurt seul, même entouré, c’est aussi cela, comme on vit seul quelque soit l’illusion que l’on s’ invente pour oublier cette réalité. Et quel est le plus gênant, de mourir ou de mourir seul ? c’est noué serré et difficile de décider de tel ou tel moment, d’un dénouement ; le fait de se répandre ainsi, de tant écrire, est-ce une recherche de dénouement ou au contraire repousser systématiquement celui-ci. La fatigue, le découragement, la déception de vouloir reprendre ces textes de 2018 six ans plus tard. Tu voulais réduire, ne retenir qu’une phrase ou deux et tu rajoutes tout à coup 1000 mots. Qu’est-ce que tu ne comprends pas, refuse de comprendre dans le mot réduire ? Quelle force s’oppose à toute tentative de vouloir te raisonner, d’être raisonnable. La peur d’un quelconque achèvement, tellement quelconque. Encore un peu d’orgueil ou de vanité sans doute et rien de plus.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}