Créer et vendre
Chaque jour je reçois plusieurs emails me proposant des formations pour promouvoir mon travail, des opportunités tout à fait extraordinaires pour participer à des master class afin de mieux tirer partie des réseaux sociaux, et évidemment aussi pour lutter contre les mille et un travers que je peux avoir en tant qu’artiste- la plupart du temps entendez looser- et parmi tout ceux-ci : ma relation avec l’argent.
Autrefois on disait le sexe ce n’est pas sale désormais on dit la même chose pour l’argent.
Et souvent lorsque je pense à la relation que j’ai moi-même crée entre l’argent et l’art je me dis qu’il doit y avoir un os dans le pâté.
Pourquoi est-ce que je ne mets pas tout en œuvre afin de vendre mes tableaux ?
Ce n’est pas faute d’avoir essayé mais à chaque fois j’ai l’impression de me mettre tout seul des bâtons dans les roues.
Par exemple je ne fais pas grand chose pour développer mon site internet, je crois que je suis totalement bloqué depuis que j’ai imaginé lui ajouter un "shop" comme on dit désormais. J’ai du placer quelques images et prix, et puis pffft comme je voyais que j’y parvenais, j’ai lâché l’affaire.
La principale raison pour laquelle j’ai ajouté une extension Woo commerce à ce site était de pouvoir proposer un lien cliquable sur les différents sociaux sur lesquels je sévis. Récupérer des adresses de courriel pour me créer une liste de diffusion et à partir de celle ci essayer de rentabiliser tout ce temps que j’y passe . D’ailleurs mon épouse ne manque pas de me rappeler :
Pendant tout ce temps tu ne peins pas.
Mon épouse se fiche comme de l’an 40 des réseaux sociaux, des listes de diffusion, comme des artistes looser 2.0, ça ne l’intéresse pas, je crois même que ça l’effraie d’autant plus qu’elle me voit passer tout le temps que j’y mets pour un résultat qu’elle juge insignifiant.
Tu ferais mieux de peindre !
Et comme c’est mon épouse je lui donne en grande partie raison.
Mais c’est malgré tout "plus fort que moi" j’y retourne, j’écris mes petits textes sur ce blog, je publie des photographies de mes travaux, j’élucubre, je devise, je fais mon philosophe, mon philologue, et je dois dire que tout cela finit par ressembler à une addiction dont j’aurais un mal de chien à me passer désormais.
Peut-être à cause de cette solitude essentielle dans laquelle je réside face à mon travail de peintre.
Je ne me plains pas de cette solitude pour autant, j’ai compris depuis longtemps à quel point elle m’est nécessaire. Et aussi cette sorte d’enfermement que l’écriture demande.
Il y a belle lurette que j’ai compris que ceux que l’on appelle les proches peuvent être ceux dont on se sent le plus éloigné parfois.
Monsieur écrit sa vie et se gargarise ajoute mon épouse sur un ton ne cachant pas l’ironie.
Et bien sur je me dis mais oui comme elle a raison !
C’est le secret du bonheur en couple que je vous livre tout de go. Toujours laisser l’autre avoir raison. Tout en n’en pensant pas moins et tenir son cap.
Disons que publier sur les réseaux sociaux, sur internet c’est mon bol d’air.
Est-ce qu’un bol d’air doit rapporter du pognon ? Probablement que certains parviennent à faire de l’argent même avec l’air désormais, mais bon ils sont certainement plus obsédés que je ne le suis sur le sujet.
L’argent ne m’a jamais intéressé vraiment en tant que tel, il n’a toujours été qu’un outil pour être tranquille et un sujet d’inquiétude lorsqu’il manque.
L’image de Picsou se vautrant sur un tas d’or provoque toujours cette sensation de grotesque. De plus je ne suis jamais parvenu non plus à être envieux. Peut-être que si cela avait été le cas j’aurais pu me servir de l’envie comme moteur. Mais j’étais obsédé par tellement d’autres choses que pas un seul instant l’idée m’est venue à l’esprit.
Sauf en fin de mois et encore, depuis que je suis marié, lorsque la cohorte des créanciers de toute nature me dépouille directement par prélèvements en entrainant mon compte courant ( le terme est bien choisie ) vers le rouge.
A ces moments là oui je l’avoue il m’arrive de me dire : Comment cela doit être bien de n’avoir pas à compter. Et d’être agacé sitôt que j’aperçois un spot publicitaire me vantant les avantages de la dernière bagnole accompagnée de la superbe rousse ou blonde ou brune qui va généralement avec.
Parfois on va même jouer au loto... pour dire à quoi on en est réduit à rêver mon épouse et moi-même... Et dans le laps de temps où nous attendons ensemble le moment du tirage nous nous mettons à délirer sur tout ce que nous pourrions faire de tout cet argent.
Généralement elle a beaucoup plus d’idées que moi sur la manière dont nous pourrions dilapider ces sommes fantastiques.
En ce qui me concerne je n’ai pas envie d’une nouvelle maison, d’une nouvelle bagnole, de nouvelles godasses, de tout ce qui serait nouveau d’ailleurs.
Rien de tout cela ne m’attire de façon excessive. Ce qui signifie et c’est une bonne nouvelle, que ma vie telle qu’elle est me satisfait globalement.
Bien sur l’idée de n’avoir plus à compter est séduisante de prime abord.
Viens mon amour, partons dans les iles, allons donc au restaurant au lieu de polluer la cambuse de toutes ces odeurs de graillon, Bien sur ...ce serait formidable n’est ce pas.
Mais dangereux aussi à mon avis. Serais je dans le même état d’esprit pour peindre ? Serais je dans la même sorte d’urgence ? Cette urgence à laquelle le pauvre type que je suis s’accroche pour ne pas quitter cette terre sans laisser quelque chose derrière lui, mise à part sa bêtise et son orgueil inouï ? Cette urgence d’exister, à survivre tout simplement.
Les femmes ne sont pas toutes bêtes j’ai remarqué et elles se fichent la plupart du temps de ce type de préoccupation. Elles sont beaucoup plus pragmatiques.
Sans doute parce qu’elles ont une relation privilégiée avec la vie puisqu’elles la donnent savent t’elles aussi la fragilité des choses, ce qui les inclinent à jouir bien plus franchement du moment présent.
Et tant mieux si dans le moment présent elles peuvent dépenser de l’argent comme elles le veulent, sans compter. L’argent pour elles est une Energie qui doit ressembler à une sorte de bain de jouvence.
En ce qui me concerne je prends des douches. C’est plus rapide, et ça ne fripe pas la peau des doigts.
De plus c’est certainement plus économique.
Je crois que le pire pour un looser s’est de s’apercevoir que ce qu’il appelait jusque là son intelligence est en fait la pire des conneries du point de vue des autres.
C’est explorer la négation dans toute sa splendeur. Et pour être looser jusqu’au bout trouver toutes les circonstances atténuantes à l’autre, lui accorder tout le crédit possible pour renforcer plus encore ce point de vue. Je crois que j’ai toujours pratiquer comme ça dans ma vie.
Comme si je n’avais choisi toujours d’être instruit sur mes défauts, mon impuissance que par la bouche de mes proches. Comme si finalement ces proches faisaient office de conscience dont je suis presque totalement dépourvu, baignant comme je ne cesse jamais de le faire dans l’inconscience permanente.
Cependant personne n’est parvenu à me changer. Je suis toujours le même contre vent et marée.
Je résiste en donnant raison absolument à tout à chacun mais en continuant malgré tout mon petit bonhomme de chemin.
Mais revenons à l’argent, à ce point de vue sur l’argent. Et aussi à ce confort de n’en pas posséder qui me place perpétuellement dans une sensation de survie.
Survivre plutôt que vivre cela pourrait être la devise.
Parce que le verbe vivre lorsque j’examine froidement ce qu’il représente pour la plupart des personnes que je connais cela ne représente pas grand chose pour moi. Je veux dire que je ne me sens pas capable de vivre comme eux surtout. Je me sens d’une vulnérabilité inouïe face à l’idée de vivre "pour rien" c’est à dire en suivant simplement le mouvement, sans y penser.
Bien sur personne n’avouera qu’il vit "pour rien". Tout à chacun se donnera si on lui demande de bonnes raisons, comme par exemple élever ses enfants, être présent et ponctuel dans son job, payer rubis sur l’ongle ses dettes, aller voter à chaque fois que l’on y est convié etc etc.
Vivre normalement quoi sans emmerder personne de préférence et en attendant la même chose en retour évidemment.
Je crois qu’en plus d’être un looser je dois aussi cumuler le rôle d’emmerdeur contre ma volonté.
Le seul fait de douter est déjà une provocation, presque une insulte à la normalité désormais.
Je me rappelle d’une phrase que Kafka écrivait dans son journal et qui disait que chaque jour une phrase devait pointer sur une des failles qu’il éprouvait entre le monde et lui-même. Et il ajoutait que le monde aurait toujours raison que c’était le monde qui devait inexorablement gagner bien plus que lui Franz Kafka.
Elle m’a toujours paru tellement juste cette phrase sans que je ne prenne le temps d’analyser vraiment son pourquoi. D’une façon intuitive je sais pertinemment qu’il faut que le monde ait raison, qu’il a toujours raison face à l’individu seul, cette anomalie de notre époque moderne.
Alors ce point de vue confortable de s’imaginer artiste, ou looser convaincu d’une façon encore orgueilleuse, ce point de vue ne peut évidemment pas tenir devant le monde.
Il faut vous décomplexer du porte monnaie mon bon ami !
Au mieux il sera ridicule, au pire la plupart resteront indifférents à ce point de vue.
Sauf peut-être quelques adolescents effrayés justement par leur entrée dans l’âge adulte, parce qu’ils pressentent déjà du monde, ou des adultes attardés comme vous et moi.
Parfois aussi la vérité est dure à dire mais je suis tout à fait semblable à ce Picsou nageant dans son pognon jusqu’à plus soif.
Sauf que ce n’est pas de l’or dans lequel je m’ébroue, mais une accumulation de richesses incalculable dont non seulement je ne sais que faire mais dont en outre je me sens tout à fait capable de tuer pour qu’on ne m’en ôte pas la plus infime partie.
Ce qui me conduit au bout du compte à penser que si je mets si peu d’entrain à vendre mon travail c’est que je ne veux surtout pas le vendre. Il peut parfois m’arriver de le céder avec difficultés contre un chèque , parce que je veux bien de temps en temps jouer le jeu, vivre comme on dit. Mais au fond de moi je ne peux plus me leurrer : cette transaction créer des ravages fantastiques, un peu comme si on m’amputait d’une part d’âme ...
Tu écris encore tes bêtises me dit mon épouse en passant devant mon bureau en pleine nuit, tu ferais mieux d’aller dormir.
Et elle a encore raison bien sur.
Pour continuer
Carnets | Purgatoire
Écriture et dépendance
La dive bouteille de Rabelais. Reçu hier un e-mail bizarre, mais qu'est-ce qui ne l'est pas dans ces mondes virtuels. Le compagnon d'une abonnée me demandant fort poliment d'ailleurs de bien vouloir faire le nécessaire pour qu'elle ne reçoive plus mes billets dans sa boîte à lettres. Elle n'irait pas très bien, et toute source d'excitation devant être évitée. notamment tout ce qui touche aux ateliers d'écriture, l'en préserver. Du coup cela me fait réfléchir ce matin sur les dépendances, car on peut tout autant évoquer celles-ci pour la plupart des activités produites en état de transe, et dont le but premier serait l'évasion dans une satisfaction rapide, souvent désolante. personnellement je serais assez tenté de placer l'écriture au meme degré que l'alcool, le tabac, la masturbation, la pratique compulsive du sexe, celle-ci valant tout autant que la marche effrénée sans oublier la lecture. Pour avoir pratiqué le plus assidûment tout cela jusqu'au dégoût de soi et des autres il me semble honnête de déclarer que je suis parmi tous les hommes l'un des plus à même d'en parler sans passion excessive, d'une façon mesurée. Maintenant si c'est une chose de comprendre la dépendance, c'est autre chose d'en faire quelque chose d'utile. Le terme dépendance indique qu'on perd le discernement en même temps qu'une idée de liberté. Mais de quel discernement, de quelle liberté est-il question. Il me semble qu'on entre en dépendance comme jadis les chevaliers de la table ronde entraient dans une quête du Graal. C'est une initiation ni plus ni moins. Sur la route on y rencontrera autant de sorciers, de mages, de dragons que dans les vieux contes ; le happy-end n'est pas si souvent happy que ça il vaut mieux le savoir ; on y perd beaucoup plus qu'on y gagne selon les critères du siècle en matière de gain et de perte évidemment. car sous l'idée de toute dépendance se dissimule un combat inégal la plupart du temps, à proportion de l'orgueil, de l'obstination de celle ou celui qui s'y engage puis s'y livre corps et âme. Il faut parfois aller jusqu'à l'âme pour bien comprendre, pour sentir toute l'ineptie qui fonde cette quête absurde, vue de l'extérieur. Cette dépendance n'est qu'un instrument, un véhicule destiné à conduire vers l'espoir d'épuisement du désir autant que celui-ci est perpétuellement insatisfait, et de plus, approcherait-on ne serait-ce qu'un peu de la peur d'être satisfait, que l'on s'en détournerait aussitôt en s'engouffrant, par la répétition d'un processus , repris quasi systématiquement depuis sa propre origine, c'est à dire par la réinstallation des éléments d'un rituel. C'est à dire aussi par une négation du temps profane. s'imposer en douce un temps sacré. Encore que sacré et profane sont des termes ronflants désormais, mais j'imagine que ce sont les plus proches de l'idée que je désire développer. Ce n'est sans doute ni l'écriture, ni les livres, pas plus que la bouteille, le tabac, le phallus ou la vulve les responsables des dépendances dans lesquelles on s'engage, mais simplement cette volonté de s'engager quand toute autre volonté nous aura abandonné. De s'engager dans l'inconnu par fatigue de ce que l'on croit toujours connaître ou re connaître et dont la meilleure définition s'approche de celle de l'ennui. La dépendance et l'ennui, crées par la prétention, l'orgueil, en tant que maladies, nous auront entraîné à circonscrire le monde ou la réalité dans une collection d'objets de désirs dont il ne reste plus que ruines. A ce titre la ruine symbolise néanmoins une présence indéfinissable. L'indéfinissable surgit de façon propice au moment même où la ruine devient évidente, ou l'absence se retrouve soudain en pleine lumière dépourvue d'écrin. Épuiser la dépendance, épuiser la manie, épuiser l'obsession, la prétention, l'orgueil, l'ineptie, la bêtise, n'est donc pas si fou que cela puisse paraître de prime abord. C'est fastidieux, c'est surtout en cela que beaucoup y renonceront. C'est à dire que pour chasser un type d'ennui il faudra le remplacer par de nombreux autres jusqu'au moment où l'on comprendra que tous les ennuis n'ont qu'une seule et même source, un désir insatiable dont on ne peut tirer aucun plaisir véritable- au sens bien sûr du mot plaisir de l'époque et qui se confond avec jouissance et, avec cette torsion évidemment, que sont l'intérêt et le profit. La dépendance en fin de course n'est-elle pas contre toute attente un acte de résistance inédit. Toute une geste au sens de ces vieux récits d'autrefois qui lutte contre une définition obsolète du plaisir -Le fameux dragon- liée à l'hypocrisie de nos sociétés déshumanisées. Je fais semblant de me le demander.|couper{180}
Carnets | Purgatoire
Peinture et poésie
Je m’aperçois que je lis de plus en plus de poésie depuis que j’ai créé ce blogue WordPress. Je ne vais pas citer les noms, car beaucoup ont du talent. Enfin pas maintenant, pas aujourd’hui, parce que j’essaie de ne pas perdre le fil de ce que je veux dire. Je voulais juste dire qu’on apprend beaucoup sur la peinture en lisant de la poésie. On sent tout de suite ce qui sonne juste et, hélas, parfois aussi les petits couacs. Encore que le couac peut être éminemment poétique s’il est placé au bon moment, au bon endroit… exactement comme une touche de jaune ou de rouge vif ! Il y a, dans tout ce que je lis, plusieurs catégories que j’affectionne. La première est la poésie écrite avec les mots les plus simples. Une poésie qu’un enfant pourrait lire et comprendre. La seconde, mais qui peut se confondre avec la première, est la poésie à trous… je marche et, soudain, slurp, mon pied s’enfonce, puis le corps tout entier : c’est un trou. Ce n’est pas du tout désagréable… il faut accepter le trou comme la découverte d’une vulnérabilité inédite. Une troisième ? Les oracles et Sibylles, là où je sais immédiatement qu’il n’y a rien à comprendre, mais se laisser porter par le sens sonore des mots, souvent bien plus efficaces, les fulgurances. De Staël disait qu’il y avait deux sortes de fulgurances en peinture : celle de l’autorité et celle de l’hésitation… je suis tout à fait d’accord, et ça vaut pour la poésie également. En lisant de la poésie, j’ai le sentiment parfois aussi de m’améliorer en maths, ce qui est une conséquence inouïe vu mon épaisseur dans le domaine. Transmettre une sensation avec peu de choses, presque rien, c’est d’une élégance… celle qui m’échappe, évidemment ! Tout comme mes crises de sobriété en peinture, en général, finissent mal. C’est juste une note en passant : j’ai voyagé depuis tôt le matin pour aller décrocher mon expo dans le Jura… donc je n’ai pas vraiment eu ma dose de mots. Et puis ce n’est pas mon heure non plus ; en fait, c’est une drôle de journée, un voyage blanc. Pourtant, je suis persuadé que j’ai regardé le paysage, le poids du blanc, avec une acuité et une vacuité réunies, et ceci est certainement le fruit de mes lectures poétiques. Emmitouflé de poésie : un beau voyage !|couper{180}
Carnets | Purgatoire
Aspirer à la quiétude
Aspirer à la quiétude est souvent le meilleur chemin pour entrer dans l’agitation. Parce que l’agitation est le socle, ce socle qui nous échappe autant qu’on désire lui échapper. Voir l’agitation, se mêler totalement à celle-ci, demande autre chose que du courage ou de la folie. Cependant, il faut souvent tenter ces deux voies avant de saisir qu’elles ne fonctionnent pas. Voir l’agitation demande d’être humble, de perdre cette notion d’importance de soi à laquelle on s’accroche sans arrêt. Si je n’ai pas d’importance, si je ne suis pas grand-chose, si je ne suis presque rien, je peux pénétrer dans l’agitation comme une souris dans un immense palais et ainsi l’observer tout entier à ma guise, de la cave au grenier. La difficulté n’est pas l’agitation, la difficulté est de devenir une petite souris, surtout lorsqu’on imagine être un lion.|couper{180}