décembre

Carnets | décembre

10 décembre 2018

Parmi la toile, le pinceau, la peinture et le peintre, quel élément pourrait le mieux évoquer l'idée du cheval sauvage qu'il faut dresser pour pouvoir le monter et le diriger ? Faut-il l'épuiser ou, au contraire, le juguler ? Cette question sert de métaphore à la pulsion, ces forces qui résident au plus profond de chacun et que la famille, l'école, la religion, puis plus tard l'entreprise et enfin le gouvernement tentent, sinon de contrôler, du moins de juguler pour préserver le « savoir-vivre », évitant ainsi les conflits violents et permettant la pérennité de l'espèce, du modèle économique et politique. L'histoire montre cependant que cette approche est imparfaite. Les sociétés tendent à marginaliser les phénomènes périphériques gênants, comme l'exclusion des forgerons des villages ou la persécution des druides, sorcières, et divers groupes religieux ou sociaux. Le premier niveau d'évolution d'une personne ou d'une société concerne la gestion des pulsions pour maintenir un équilibre écologique global. L'opposition entre « épuiser » et « juguler » prend ici tout son sens, utilisant la stratégie des vases communicants pour créer des zones d'expression variées, espérant une coexistence pacifique. Néanmoins, la remise en question de ces systèmes peut conduire à l'exclusion ou à la marginalisation de ceux qui les critiquent. Lorsque les individus ou les pratiques considérés comme marginaux deviennent majoritaires, cela signale l'échec des institutions traditionnelles, annonçant potentiellement la fin d'un monde. En revenant à la métaphore de la pulsion et du cheval, le conditionnement apparaît comme un moyen de gérer les réactions anarchiques des pulsions. Dans le dressage équestre, cela se traduit par des approches de renforcement positif ou négatif, reflétant davantage la perspective du dresseur que celle du cheval, qui interprète ces méthodes en termes de confort ou d'inconfort. Les chevaux, capables de lire le langage corporel de leur dresseur, illustrent que la compréhension et la réaction aux intentions sont possibles au-delà des commandes explicites. Cette idée s'étend à la perception publique des contradictions dans le discours des leaders, soulignant les limites du conditionnement. En peinture, après avoir traversé les conditionnements de l'apprentissage académique et confronté à la réalité du marché de l'art, le peintre est face à un choix : suivre sa propre voie ou se conformer aux attentes extérieures. Ce moment de décision peut amener à une pulsion créative renouvelée, invitant à écouter les voix intérieures et extérieures, fusionnant les inspirations de la terre et du ciel sur la toile.|couper{180}

Carnets | décembre

9 décembre_2 2018

J’aime parfois m’arrêter sur un mot de notre langue, si précise et si belle, pour y penser. Aujourd’hui, le mot « admirer » a mis son clignotant et se gare non loin de chez moi ; j’en profite. Superbe carrosserie, un peu désuète, car désormais on « kiffe » plus qu’on n’admire. Alors, admirer va-t-il disparaître, emporté par le corbillard d’une soi-disant « modernité » ? L’extinction d’un mot, c’est toujours un peu triste, mais en même temps, cette fin correspond aussi à de nouveaux usages, à de nouvelles mentalités. Comme dirait Bob : « The times are changing » ; sacré Bob… Je ne me souviens pas d’une seule femme qui m'ait dit : « Comme je t’admire », autrement que sur un ton coquin ou ironique. Par contre, je sais que bien des amis le pensent, mais ne le diront jamais, et c’est tant mieux, car c’est très gênant de se sentir admiré. C’est comme si on s’était trompé d’eau de toilette, ça laisse une trace olfactive plutôt désagréable. Enfin, je parle pour moi, évidemment, vous, je ne sais pas. Si je prends un dictionnaire quelconque pour revenir à l’origine de ce mot, j’entends parler de considération, bien souvent. Celle-ci s’effectuant avec enthousiasme, voire de l’émerveillement, et participerait plus du domaine de l’émotion que du ciboulot. On « éprouve » de l’admiration dans un premier temps, comme on éprouve de la considération, de l’enthousiasme, et de l’émerveillement. C’est éprouvé par A+B, mais c’est un couple exceptionnel. Alors, que dire de ce sentiment qui revient sans cesse, lorsque laissant aller ma playlist YouTube en boucle, je retombe sans cesse sur ces jeunes gens de moins de 30 ans, qui, armés d’un pragmatisme à toute épreuve et d’une créativité redoutable, cherchent à me vendre des formations de tout acabit que j’achèterais certainement, si je n’étais pas aussi certain d’être dubitatif. Dubitatif, quant au fait que cela puisse m’apporter quelque chose, bien sûr. Et pourtant, je vous l’avoue, je suis très souvent tenté, tellement c’est bien amené chez certains. Je ne citerai pas de nom, mais je suis sûr qu’ils se reconnaîtront. Il y a là un art de la vente, de la persuasion, qui, pour être inné, ne manque pas d’avoir été énormément travaillé en long, en large, et sur les côtés. Eux savent la valeur du mot « admirer » ; ils en ont fait leur carburant, leur schnouf, leur coco. Ils ont puisé chez leurs aînés des stratagèmes et des stratégies qu’on ne trouve guère dans les écoles de commerce, fussent-elles « hautes » et reconnues. L’art de la persuasion et de la vente ne s’apprend pas à l’école, et les jeunes loups du marketing digital dont je parle le savent très bien. Ceux qu’ils admirent leur ont enseigné que c’est l’échec qui forme le plus à l’art de vendre. Que c’est l’organisation du temps au quotidien qui fait fructifier le contenu comme un capital qu’on engrange pour l’avenir. De plus, certains parmi eux flirtent avec le génie, lorsque, ayant compris précocement les faiblesses humaines, ils réduisent le cercle de leurs clients afin d’en extraire la substantifique moelle : la durée, la fidélité. À les écouter en boucle, on jurerait des amis, et les amis véritables, de tout temps, ne peuvent se compter, à la rigueur, que sur les doigts d’une seule main. Ah, la rigueur, c’est ce dont ils ne manquent pas, et de toupet non plus. Une nouvelle manière de vendre, c’est de devenir ami avec son client. Lui offrir du contenu, et ça, le con tenu, surtout bien propre, ça n’a pas de prix. On se rappellera peut-être que l’enthousiasme, chez les anciens, était considéré comme un délire sacré, inspiré par le divin, ou je ne sais quoi d’autre d’extraordinaire… alors, tout bien considéré, ne laissons rien en chemin, ne lâchons rien, comme il est dit dans « Top Chef ». Je ne peux m’empêcher d’éprouver de l’enthousiasme, et donc forcément de l’admiration, alors que je ne « kiffe » que du bout des lèvres. Car le contenu, je veux bien, j’en produis moi-même en ce moment beaucoup, sans doute même trop. Et si le contenu peut en cacher un autre, tant pis pour vous, je vous aurais averti. Pour conclure, il est donc possible d’admirer sans aimer et d’aimer sans admirer, c’est sûr, certain, évident. D’ailleurs, le véritable amour, ça ne nous regarde pas, nous, comme dirait Céline, des caniches et des étoiles, « on kiffe ».|couper{180}

Carnets | décembre

8 décembre 2018

texte original Il y a une différence majeure entre croire que nous sommes à un certain niveau et y être véritablement. La peinture n’échappe pas à cette règle. Pour comprendre ce qui ne fonctionne pas dans un niveau d’évolution ,il faut passer aux niveaux supérieurs sans quoi impossible d’avoir le recul nécessaire. Puis à l’occasion d’un regard jeté sur le chemin parcouru, s’arrêter pour apprécier honnêtement mais aussi à l’appui des nouvelles connaissances que nous avons acquises, le fil imperceptible qui relie l’ensemble afin de suivre la trace, le fil conducteur. Sans cela nous pataugeons et tournons en rond comme un hamster dans une cage. Ces derniers jours, j’ai envie de ranger, de classer, de jeter, d’alléger. Faire le tri entre l’important, le nécessaire qui peut faire levier et l’inutile qui m’entrave, me scotche, me lie, m’ennuie. Dans des cartons je retrouve une kyrielle de travaux de jeunesse et je les regarde d’un nouvel œil en tentant de lutter contre l’attendrissement de la nostalgie et la pulsion d’ouvrir un grand sac poubelle. En retrouvant cette feuille de papier journal tâchée de couleur j’ai un doute avant de la froisser, la déchirer, l’évacuer. J e vais juste prendre le temps d’en reparler un peu, comme on parle à un ami sans fausse pudeur, sans artifice. Voilà : Je peignais dans des chambres de hasard, sans confort, et seule la flamme de mes désirs et de mes ambitions , autant dire la flamme des illusions, me réchauffait et me nourrissait tout en même temps. J’étais dans le niveau le plus bas de l’échelle dont je parle plus haut. Le niveau où l’on se préoccupe encore beaucoup trop de l’environnement, de ce qu’on va manger, du comment on va payer la chambre et acheter ses titres de transport. Pour pallier les exigences requises par ce premier niveau, je travaillais comme archiviste dans une boite d’architecture. Un sous-sol poussiéreux où, s’entassaient tous les dossiers des projets réalisés ou pas, les études de plan, les calques de tout acabit, et les litiges réglés ou pas. Je ne rechignais pas à la tâche, mais celle-ci était si facile, je disposais de longues périodes durant lesquelles je lisais tout ce que je pouvais trouver chez les bouquinistes, et à la bibliothèque de quartier. Je me souviens encore avoir lu « les vies » de Plutarque dans une vieille édition, mais comme ma spécialité est de digresser, je ne vais pas étaler ici la liste tout aussi hétéroclite que gargantuesque des nourritures livresques que je dévorais d’une façon que je considère aujourd’hui .. aussi désordonnée que désespérée. Cependant voyez, je considérais que ma tache était facile, je m’étais installé dans une jolie routine qui me procurait de quoi assouvir ma soif d’apprendre, ma passion de la lecture. Je ne gagnais pas grand chose évidemment et les fins de mois étaient toujours tendues à partir du 15. Ce n’est plus trop original de nos jours, c’est même devenu banal. En fait ce qui ne serait pas banal c’est qu’il en fusse autrement. Pour lutter contre la routine et l’ennui j’avais élevé la rêverie à la hauteur d’un sacerdoce et il m’était assez facile de supporter cette existence en me projetant dans un avenir dans lequel,inéluctablement je serai peintre, écrivain, photographe, chanteur, érudit, philosophe, et bien sur « riche ». La rêverie et l’espoir ne sont pas des phénomènes palpables. Ce ne sont que des rustines virtuelles que l’on tente de coller sur l’effroyable. Sans organisation, sans plan d’action, sans accepter de se fixer des objectifs autres qu’hypothétiques, non seulement je n’étais pas libre mais en plus je faisais fausse route et j’allais me retrouver enchaîné plus encore par la suite. Cette suite je ne vous la raconterai pas encore. Pas aujourd’hui, peut-être même jamais, ce n’est pas bien important. La seule chose qui me paraît importante ici c’est que pour voir il faut fermer les yeux. Revenir à la racine de soi et considérer le mental comme un périphérique. Une souris, un clavier, un écran mais pas l’ordinateur. Ce n’est pas le mental qui peut faire changer de niveau. Changer c’est lâcher prise et ce terme est tellement galvaudé désormais, récupéré par des charlatans de tout acabit que je ne vais pas ajouter encore à la misère du monde. Hier encore j’évoquais Ulysse attaché à son mat, dans « le chant des Sirènes » J’adorais ce héros depuis l’enfance dans ce qu’il avait d’ingénieux et d’arrogant vis à vis des Dieux et des démons cependant qu’il n’est plus aujourd’hui qu’un homme comme tant d’hommes prisonnier d’une fausse idée de la liberté. Alors finalement cette feuille de papier froissée et tachée de couleurs que personne n’a jamais vue, cachée au fond d’un carton, devrais je la jeter ou bien la garder ? Texte revisité le 05/03/2024La Quête de l'Authenticité dans la Création La frontière entre se percevoir à un niveau de compétence et y être effectivement est souvent floue, et cela est particulièrement vrai dans le domaine de la peinture. Reconnaître cette distinction est crucial pour toute évolution personnelle ou artistique. Il est essentiel de transcender nos niveaux actuels pour obtenir la perspective nécessaire à une véritable compréhension de notre parcours. Sans cette élévation, nous nous retrouvons à errer sans but, semblables à un hamster dans sa roue, incapables de saisir le fil conducteur de notre évolution. Le Tri Nécessaire : Entre l'Essentiel et l'Accessoire Ces derniers temps, j'ai été pris d'une envie irrépressible de faire le tri dans ma vie : ranger, classer, jeter, et surtout alléger mon existence des superflus qui m'entravent. Ce processus de sélection, distinguant l'important de l'inutile, est devenu pour moi un levier essentiel de progression. En fouillant parmi mes souvenirs et travaux passés, je suis confronté à la dualité entre la nostalgie et la volonté de renouveau. Chaque objet, chaque œuvre retrouvée m'invite à un dialogue intérieur, où je pèse le poids du passé contre la lumière des connaissances acquises. Une Flamme dans l'Adversité Mon parcours a été marqué par des périodes de doute et de solitude, où seul le feu de mes ambitions semblait me réchauffer. Occupant des chambres éphémères, je luttai quotidiennement contre les préoccupations matérielles, tout en cherchant à nourrir ma passion pour l'art. Cet environnement précaire était le théâtre de mes premières expériences créatives, des moments où la nécessité de survie côtoyait étroitement l'impulsion créatrice. De l'Archivage à la Quête de Savoir Ma quête de savoir m'a mené à embrasser un travail d'archiviste dans une entreprise d'architecture, un emploi qui, malgré sa monotonie apparente, m'offrait d'immenses plages de liberté intellectuelle. Entre les piles de dossiers et les plans éparpillés, je trouvais refuge dans la lecture, dévorant avec une frénésie désordonnée tout ouvrage à ma portée. Cette période de ma vie était une lutte constante contre l'ennui, une quête insatiable de connaissance qui forgeait, jour après jour, la base de ma future identité créative. Rêverie et Réalité Je m'évadais dans des rêveries, m'imaginant successivement peintre, écrivain, photographe, voire philosophe. Ces fantasmes étaient des échappatoires face à une réalité souvent précaire, mais ils étaient dépourvus de plans d'action concrets. Ce n'est qu'en acceptant de fermer les yeux, de me détourner de ces illusions, que j'ai commencé à entrevoir la voie vers un changement véritable. Vers une Libération Créative Aujourd'hui, je me questionne encore sur le devenir de ces œuvres de jeunesse, symboles d'un passé révolu mais témoins de ma quête incessante d'authenticité. Dois-je les conserver comme reliques de mon évolution, ou les laisser partir pour mieux me libérer ? Cette interrogation symbolise le dilemme permanent entre attachement au passé et désir de renouveau, un équilibre fragile que tout créateur doit apprendre à naviguer.|couper{180}

Carnets | décembre

07 décembre 2018

L'étude des sirènes, ces créatures fascinantes de la mythologie, révèle une évolution captivante de leur représentation à travers les âges. Initialement décrites par les Grecs anciens comme des êtres dotés d'une tête et parfois d'un buste de femme sur un corps d'oiseau, ces figures mythologiques s'éloignent considérablement de l'image contemporaine popularisée par les studios Disney, qui les présente comme des créatures mi-femmes, mi-poissons, et dotées d'un caractère agréable. Cette transformation est notable dans des œuvres telles que la Lorelei de Heinrich Heine et la célèbre Petite Sirène de Copenhague. Cette divergence soulève la question de savoir si les sirènes, initialement perçues comme des êtres bienveillants, ont été réinterprétées en créatures malveillantes sous l'influence de périodes plus moralistes, peut-être en raison de la notion taboue d'inceste associée aux Néréides, proches parentes des sirènes dans la mythologie. La langue anglaise distingue ces interprétations avec deux termes : « siren » pour la sirène antique et « mermaid » pour la version plus moderne. Historiquement, les sirènes, présentes dans les récits depuis l'antiquité jusqu'à Homère, étaient des musiciennes comparables aux Muses, un rôle bien éloigné de celui des séductrices dangereuses de l'Odyssée. Le lieu précis de résidence des sirènes reste incertain, bien que certaines théories suggèrent une localisation entre Sorrente et Capri ou près du détroit de Messine, des régions où elles étaient vénérées et craintes pour leur chant envoûtant, capable de détourner l'attention des marins et d'apaiser les vents. Les sirènes partagent également des liens de parenté avec d'autres créatures mythologiques, comme les Harpies, représentant une autre facette de la mythologie grecque où la capture et l'attraction vers un destin funeste prédominent. Ces êtres, serviteurs de Héra, illustrent une autre dimension de la perception des femmes dans la mythologie comme sources de malveillance. Le récit d'Ulysse, qui échappe au chant des sirènes grâce à la ruse et non à l'art, soulève des questions sur la nature de la connaissance et la quête humaine pour comprendre l'inconnu. Ce passage a été interprété de diverses manières, y compris à travers le prisme de la psychanalyse, suggérant une exploration de l'identité et de la personnalité. En conclusion, les sirènes, avec leur riche héritage mythologique et leur capacité à inspirer l'art et la littérature, nous invitent à réfléchir sur les thèmes de la séduction, du danger, et du mystère de l'inconnu. Elles nous rappellent que notre quête de compréhension peut nous conduire à des révélations surprenantes, où la frontière entre la réalité et le mythe s'estompe, nous offrant un aperçu de la complexité de l'existence humaine et de notre relation avec le monde naturel et surnaturel|couper{180}