peinture
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Carnets | mars 2023
Lundi déco.
Blocs Alignement au milieu. On pourrait écrire n'importe quoi pour commencer. On verra bien ensuite où tout cela nous emporte. Si cela marche, fin des compagnies d'aviation, fin des transports en tous genres. A part le vélo bien sur pour ne pas se mettre les fanatiques à dos. Ensuite on peut écrire une grande phrase qui sert de séparateur, et si les caractères sont si petits c'est pour économiser de la place, de l'encre, du papier. De plus personne ne lit jamais vraiment, mettons donc un point d'honneur dans l'esthétique et non un poing sur la figure de son prochain(e) Une vidéo Youtube https://youtu.be/C243DQBfjho Les 4 saisons de Vivaldi , en voici une légende. Une liste de courses Acheter du painDes pommesdu sucre en poudredes cornichonsdu beurredu gruyère Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Y a t'il un fond ? Tonneau des Danaïdes. Dans le fond il semble que le fond continue de s'enfoncer encore plus profondément qu'on l'imaginait. Citations De Gaulle disait les Français sont des veaux Les Français qui aiment la viande froide. “Les Français croient qu'ils parlent bien le français parce qu'ils ne parlent aucune langue étrangère.” Tristan Bernard “Quand quelqu'un paye un tableau 3.000 francs, c'est qu'il lui plaît. Quand il le paye 300.000 francs, c'est qu'il plaît aux autres.” Edgar Degas|couper{180}
Carnets | mars 2023
nu face à nu
repousse le mot rentre dans l'espace de la chose c'est étroit plier ranger tout ce qui sort membres tentacules pour s'accrocher mains doigts paroles et sois chose nue, une à se voir double à borgne à aveugle encore plus dont l'un dort dans le mot encore repousse ce qui clôture l'autre chose veille implore nu face à nu silex contre silex le bras se lève et retombe étincelle désirée au bout du bras comme de l'autre choc cancer feu hante le feu l'ordre crée le désordre et l'envers son endroit La chose muette et ça muet avant que vient le caillou ne se dresse arbre. étape 1 étape 2 un avant tableau 1 étape 1 étape 2 un avant tableau 2 deux carrés 20x20 avant toute idée de tableau. (acrylique sur panneau de bois )|couper{180}
Carnets | novembre 2022
Surface et profondeur
Deux façons habituelles pour moi d’appréhender la peinture, surface ou profondeur. Tenter de créer un et au lieu d’un ou. Essai sur un format 40x40 cm ce matin. Huile sans médium, mais l’utilisation excessive du blanc redonne la prépondérance à la rêverie, à l’éparpillement, à la profondeur. Échec donc pour l’instant. Attendre que ça sèche. Faire autre chose, recommencer plus tard en hissant les choses vers la surface.|couper{180}
Carnets | octobre 2022
Petite expo perso
Dernières touches, les petits formats pour l’exposition du 111 des arts à Lyon.|couper{180}
Carnets | septembre 2022
Créativité et Serendipité
Lorsque l'on parle des " créatifs", à quoi pense tu immédiatement ? Est ce que tu n'es pas en train de penser à ces personnes stressées qui boivent des litres de café, fument comme des pompiers, s'agitent dans tous les sens de façon apparemment désordonnées ? Tu les vois peut-être aussi se prélasser sur un divan pendant des heures en ayant l'impression qu'ils ne fichent rien ? Ou alors tu as des images de grandes salles open-space avec des types qui jouent au baby pendant que d'autres ont la tête dans leur écran les yeux explosés et une barbe de 3 jours ? Voilà quelques clichés concernant la créativité. Quand à la définition que donne par exemple Wikipédia : "La créativité décrit — de façon générale — la capacité d'un individu ou d'un groupe à imaginer ou construire et mettre en œuvre un concept neuf, un objet nouveau ou à découvrir une solution originale à un problème. Elle peut être plus précisément définie comme « un processus psychologique ou psycho-sociologique par lequel un individu ou un groupe d'individus témoigne [d'imagination et] d'originalité dans la manière d'associer des choses, des idées, des situations et, par la publication du résultat concret de ce processus, change, modifie ou transforme la perception, l'usage ou la matérialité auprès d'un public donné ». Elle croise notamment la créativité individuelle avec la sérendipité ; l'aptitude à utiliser des éléments trouvés alors qu'on cherchait autre chose. Opérationnellement, la créativité d'un individu ou d'un groupe est sa capacité à imaginer et produire (généralement sur commande en un court laps de temps ou dans des délais donnés), une grande quantité de solutions, d'idées ou de concepts permettant de réaliser de façon efficace puis efficiente et plus ou moins inattendue un effet ou une action donnée..." La créativité, tu l'as compris, doit avoir un but ! Et c'est là que l'on peut discuter des raisons pour lesquelles tu hésites à peindre par exemple car tu te demandes aussitôt dans quel but ? Est ce que c'est parce que ça te détend de peindre ? Est ce que tu penses que tu as du talent et que tu vas pouvoir vendre des tableaux ? Est ce que tu as parié avec toi-même que tu étais capable de réaliser des tableaux ? Est ce que tu crois que tu es un génie et qu'il faut quand même que tu offres au monde quelques preuves de celui ci ? Et du coup je peux te poser une question ? Et si la créativité était une fonction naturelle que l'on retrouve aussi bien chez l'être humain, la plante et l'animal ? Et si la créativité c'était l'art de jouer avec les circonstances de la vie ? Et si en peinture il suffisait d'oser faire confiance à sa main et à ses yeux pour être créatif ? La sérendipité toujours d’après Wikipédia : "La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue à la suite d'un concours de circonstances fortuit et très souvent dans le cadre d'une recherche concernant un autre sujet. La sérendipité est le fait de « trouver autre chose que ce que l'on cherchait », comme Christophe Colomb cherchant la route de l'Ouest vers les Indes, et découvrant un continent inconnu des Européens. Selon la définition de Sylvie Catellin, c'est « l'art de prêter attention à ce qui surprend et d'en imaginer une interprétation pertinente ». En France, le concept de sérendipité adopté dans les années 1980, prend parfois un sens très large de « rôle du hasard dans les découvertes ». Alain Peyrefitte avait fait un usage sans rapport du conte oriental Voyages et aventures des trois princes de Serendip de Louis de Mailly en 1976, dans Le Mal français. Sa généralisation a fait l'objet de remises en cause, le hasard intervenant toujours, par définition, dans une découverte ou une invention. On ne peut connaître que ce qui existe déjà, et le sentiment à la vue d'une chose nouvelle se confond aisément avec la surprise d'un événement fortuit. D'un autre côté, on ne trouve jamais que ce qu'on est préparé à voir. Parmi les nombreux exemples de découvertes et inventions liées au hasard, figurent notamment le four à micro-ondes, la pénicilline, la dynamite, le Post-it, le Téflon, l'aspartame, le Viagra, ou encore le super-amas galactique Laniakea. L'existence de la sérendipité est un argument fréquent dans le débat public pour défendre des options d'organisations interdisciplinaires contre la tendance à la spécialisation croissante des champs qui résulte de l'approfondissement des recherches. Cet argument se trouve particulièrement à propos de l'organisation de la recherche." Alors pourquoi je te parle de sérendipité. Si tu débutes en peinture tu vas trouver que ce que tu fais est souvent moche et bon à jeter à la poubelle ... parce que tu te compares à des tableaux connus. Si tu faisais abstraction de ce que tu connais tu verrais ton travail complètement différemment. Ensuite il faudra affronter le regard des autres mais maintenant, tu connais la musique, c'est pas bien grave n'est ce pas ...?|couper{180}
Carnets | juin 2022
18 juin 2022
Il y a la nécessité de s’effacer, parfois, pour éviter l’écrasement, céder le passage à d’autres. C’est une chose. Mais il y a aussi l’art de disparaître, de se tenir en retrait pour laisser les choses exister seules, sans intervention maladroite. Non pas par scrupule, mais par lucidité : savoir que notre présence ou notre absence ne changera pas grand-chose. C’est une forme de retrait, une posture qui pourrait sembler zen, vaguement bouddhiste. Du moins dans l’idée que je m’en fais, imprécise, bricolée avec les années. Et pourtant, j’ai souvent fait l’inverse. Sur certains points qui comptent. L’écriture, par exemple. La peinture, elle, c’est réglé depuis longtemps. Je sais m’effacer. Par lâcheté. Il y a aussi une autre manière d’être en retrait : en étant pleinement soi. L’écriture permet ça. Avec un risque : une seconde d’inattention et tout s’effondre. On peut croire avoir bouclé quelque chose alors qu’en réalité, tout est à reprendre. La relecture, la réécriture : c’est là que tout se joue. Là qu’on distingue le bavardage du reste. Mais il faut ce bavardage. Sans lui, impossible de saisir ce qu’on cherche à dire. Comme en peinture, il faut accepter le désordre, le laisser vivre, l’observer sans s’affoler. Il ne faut pas tout prendre trop au sérieux, au début. Y revenir plus tard. Et voir ce qui surnage sous les parasites, la confusion et la maladresse. Illustration : Giorgio Morandi Natura Morta|couper{180}
Carnets | mai 2022
Notule 46
Travail d’élève sur papier. Sortir de ses gonds c’est ce qu’on nous propose de ne surtout pas faire, et c’est justement pour cela que je n’hésite jamais. C’est spontané, limpide. Sinon la réserve l’ulcère l’encaissement, le faux fuyant pour revenir comme un boomerang… Donc comme lorsque je commence un tableau je n’hésite pas à dire merde ou bite cul, con, couille ! tout haut. Puis je recule, un mètre ou deux, une journée ou une semaine pour laisser reposer les choses, ou se dissiper l’aveuglement. C’est par ce mouvement seulement que j’ai appris une certaine bienveillance et à créer de la profondeur. Et ma foi si c’était à refaire j’emprunterais sûrement le même chemin pour parvenir au même but, même si je voulais faire autrement. Il y a une nature en toute chose, une fois qu’on la découvre l’évidence est un baume.|couper{180}
Carnets | mai 2022
Notule 42
L'impression première de désordre sur la toile ne provient que d'une relation avec un ordre appris, ingurgité péniblement. Un ordre qui serait commun mais étranger à une notion toute personnelle de ce que peut être véritablement l'ordre. Et qui est d'ailleurs à terme un fantasme. L'ordre est une idée, une injonction mentale qui se résume à vouloir contrôler, donner du sens, supprimer l'aléa, évincer le hasard tout en le faisant exister encore plus comme une entité gênante, ennemie. Mais comment peut- on vraiment nommer un désordre sans effectuer le constat de notre ignorance ? Et cette ignorance peut à la fois tenir à une incompréhension des règles sur lesquelles s'appuie une communauté et simultanément à ce refus de s'y attacher, puisque justement on, je, ne les comprend pas. Le désordre peut donc provenir d'une révolte bien sur, comme d'un doute, d'une inaptitude à faire confiance au groupe. Se démarquer par un désordre personnel et maintenir cet écart systématiquement et longtemps dans une durée exige plus que de la colère, de la tristesse, mais une ténacité qui vient d'un but dans l'avenir. Ce but on ne le connait pas d'une origine. C'est juste la certitude qu'il y en a un qui joue le rôle de combustible. Je remarque que ce blog est dans le même désordre que mon atelier et que ce désordre est toujours la porte d'entrée de chacun de mes tableaux. Cependant lorsque je veux " ranger" c'est à dire la plupart du temps éliminer le superflu, résumer, simplifier, ça ne fonctionne que sur les tableaux. Parce que j'accepte que ce soit ma façon personnelle, naturelle si je peux dire de ranger les choses à ma sauce, sans me préoccuper des autres. D'où pas mal de sueurs froides, de maux en tous genres sitôt que je dois mettre en place des expositions. Le doute revient à la charge, surtout quand je ne dors pas suffisamment comme ces derniers jours. Et si je m'étais trompé ? Et si tout cela n'était que de la merde ? Et si j'étais tout simplement une grenouille qui veut se faire aussi grosse qu'un bœuf ? C'est bien ce que je disais plus haut, sans la foi rien n'est tenable. Et il est probablement nécessaire aussi d'en douter fortement, par période, pour remettre un peu d'ordre aussi dans une confusion incessante entre attirance et répulsion. Car s'extraire de la gravité, trouver le point exact où s'effectue la sortie, l'évasion... l'antigravité demande de se tenir à une certaine distance de ces deux trous noirs tout en faisant partie intégrante de l'observation. On peut résumer les choses plus simplement. Il n'y a que la conscience, mais sans le doute, sans le désordre elle ne peut asseoir aucune certitude quant à elle-même. Tout comme l'infini s'appuie pour s'élancer plus avant sur le fini. Et quand le dialogue entre la toile et le peintre se nourrit comme par jeu de cette réalité c'est de la poésie en couleur. Une poésie personnelle qui ne se partage peut-être pas. Il faut aussi beaucoup de ténacité pour accepter le fait qu'elle puisse ne pas se partager, qu'elle puisse ne jamais se partager et continuer. La certitude qu'un tableau ne pourra jamais se partager totalement, que nul n'y trouvera ce que le peintre lui-même y a déposé et n'a pas trouvé.|couper{180}
Carnets | décembre 2021
La fulgurance de l’hésitation
Une phrase de Nicolas de Staël tourne dans ma tête depuis l’aube. Il parle de la fulgurance de l’autorité et de la fulgurance de l’hésitation, et il les met côte à côte, comme deux façons d’entrer dans la peinture. J’entends ça très simplement, dans l’atelier : le moment où la main tranche, pose une forme sans discuter, et l’autre moment, tout aussi vif, où elle recule d’un millimètre, reprend, doute, non pour ralentir mais pour viser autrement. Les deux fulgurances se ressemblent vues de près : elles font avancer. Alors je me demande ce qui, en moi, fait sauter la certitude dès qu’elle se présente. C’est presque physique : une idée se fixe, et tout de suite une autre force se lève, déplace la main, dérange l’évidence. Ce n’est pas une morale, c’est un réflexe de survie de la peinture. Si je m’installe trop vite dans “je sais”, la toile se ferme. Si je laisse un espace au doute, elle continue à respirer. Le doute n’est pas le contraire de l’autorité ; il en est une autre forme, plus latérale, plus inquiète, mais tout aussi nécessaire. Quand De Staël bascule dans le tragique, je ne crois pas que ce soit la peinture qui le tue. La peinture, chez lui, est un foyer. Ce qui brûle, c’est le bois qu’il y met : une urgence intérieure, un rapport aux autres qui ne trouvait pas d’issue tranquille, cette pente vers des amours impossibles qui finissent par dévorer l’air. Il meurt à quarante et un ans. J’essaie d’imaginer ce que ça fait d’avoir déjà tout donné à cet âge, de pousser la peinture à ce point de tension. Et je me dis aussi que l’âge n’éclaire pas toujours comme on le croit : il ne règle rien, il déplace seulement la question. Ce qui reste, peut-être, c’est la manière dont l’hésitation travaille la surface. Une toile de Staël n’est pas un décret : c’est une suite de reprises, de corrections, de décisions contredites par la suivante, un palimpseste de gestes où l’on sent encore l’ancienne couche sous la nouvelle. C’est là, dans ces reprises visibles, que je reconnais quelque chose de vivant : non pas la certitude affichée, mais la trace de ce qui a résisté, et de ce qui a fini par passer quand même. illustration dessin de Lucas|couper{180}
Carnets | décembre 2021
Ordre et désordre, bien et mal, dormir et rêver.
Le dernier trimestre s’achève et je repense à ce fil que j’ai tiré dans les ateliers : partir d’un désordre et lui faire rendre quelque chose qu’on puisse regarder sans détourner les yeux. Pas parce qu’il faut “réussir”, mais parce qu’on voit bien la différence entre une surface abandonnée et une surface qui a fini par parler. Ce que je constate, séance après séance, c’est la même crispation chez beaucoup d’adultes. Ils arrivent avec une idée arrêtée, parfois même une image nette dans la tête. Ils la tiennent comme une bouée. Alors, dès que je propose un fond sale, deux couleurs posées vite, des traces laissées exprès, je vois les épaules se lever. Il y a celui qui demande tout de suite : “On fait quoi exactement ?” Celle qui cherche un sujet au bout de trente secondes et qui soupire quand elle ne le trouve pas. D’autres restent figés devant la feuille comme si elle allait les dénoncer. Les enfants, eux, plongent. Ils font, ils ratent, ils recommencent, ils rient d’un trait de travers. Un adulte, au contraire, se met à négocier avec l’exercice pour ne pas se perdre : il veut savoir où ça va mener avant d’y aller. Or ce que je leur demande est simple et difficile : rester dans ce qui arrive. Ne pas décider trop tôt. Accepter que ça commence mal, que ça soit informe, que ça bouge. J’ai vu des élèves se libérer d’un coup quand ils lâchent l’image prévue. Une femme l’autre jour avait juré qu’elle allait “faire un paysage abstrait”. Son fond était moche, elle en avait honte. Je lui ai dit : “Continue, ne lave pas.” Elle a ajouté une tache sombre, puis une autre, elle a gratté au chiffon, et soudain elle s’est arrêtée : “Ah… là.” Elle ne savait pas dire quoi, mais elle voyait. Ce moment-là, il est fragile et il ne se commande pas. Il vient quand on tient assez longtemps sans effacer. Souvent la douleur est là, juste à côté : la peur de rater, l’impression d’être nul, l’envie de tout recouvrir au gesso. Si on s’arrête avant, on reste à ce stade. Si on traverse, quelque chose s’ouvre, même petit. Mon boulot, c’est de les faire traverser sans leur vendre un miracle. Je ne leur donne pas un plan. Je leur mets des contraintes qui limitent les échappatoires : deux couleurs, trois formats, pas de règle, pas de sujet imposé. Je tourne autour de leur panique avec des questions, rarement des réponses. Je dis : “Qu’est-ce que tu vois là ?” “Qu’est-ce que ça te propose si tu ne forces pas ?” Et parfois je ne dis rien, je laisse le temps travailler. L’humour est utile aussi : une blague au bon moment détend la main, enlève l’idée qu’il y a un examen. Peut-être que je suis exigeant, oui, mais je ne leur mets pas ça sur le front. Je préfère que l’exigence arrive par le faire : regarder encore, ne pas tricher avec l’effacement, rester un peu plus longtemps devant ce qui dérange. C’est là que le désordre cesse d’être un ennemi et devient un terrain.|couper{180}
Carnets | décembre 2021
Consignes et contraintes
Bon. Il faut qu’on mette les choses au point, et dès aujourd’hui. Vous venez ici pour peindre et vous voulez “faire de l’abstraction”, d’accord. Au fond, vous me parlez de liberté : peindre librement, peut-être faire de beaux tableaux. Je ne vais pas vous contredire. Mais la liberté, en peinture, ça se paie. Donc je vous propose l’inverse de ce que vous attendez : des consignes, des contraintes, un cadre pour vous y frotter. D’abord, vous ne peindrez qu’avec un seul œil. Tenez, j’ai apporté des bandeaux de pirate. Ensuite, seulement de la main gauche — ou de la droite si vous êtes gaucher. Les plus téméraires peuvent lever une jambe, comme un échassier : tant que vous chercherez l’équilibre, vous ne chercherez pas autre chose. Les plus de soixante-dix, asseyez-vous, on ne va pas jouer aux héros. Et puis c’est encore trop facile : vous peindrez sans toile, et sans couleur. Juste des touches obliques dans l’air pour démarrer. On verra bien ce qui sort de ça. Ah, j’allais oublier : mon carnet. Tout le monde a bien payé ? illustration : Farandole rouge Hans Hartung 1971|couper{180}
Carnets | décembre 2021
Continuer
Je vais passer un coup de gesso, ce tableau ne me plaît pas, dit-elle comme on appelle au secours. Je la regarde : tout est là sur son visage, mais ce n’est pas du désespoir, c’est une question posée sans l’être. Une main tendue vers l’effacement. L’atelier aide à répondre : le sol vert pomme, la lumière qui entre par les grandes ouvertures sur le parc, les voix, le café qu’on prépare, un gâteau qu’on te glisse, cette atmosphère de colonie douce. Même après une nuit blanche, je m’y tiens. Je secoue la tête. Non mais ça va pas. Tu crois que tu vas t’en tirer comme ça ? Il est bien parti, ton tableau. T’es bloquée, c’est tout. Je m’approche. Un glacis de bleu là, et je lui montre. Ta composition gagnerait si tu divisais la toile : fais surgir un carré, un rectangle. On ne sait pas encore si c’est un plat de fruits ou autre chose, ça viendra. En bas, tu peux poser ce bleu avec l’orange, faire une terre. Laisse le gesso dans son pot. Tout ce qu’il faut, c’est continuer. Elle hoche la tête, incrédule. D’abord le glacis, je dis. Après on verra. Je ne sais pas plus que toi ce que ça va devenir ; je sais juste qu’il ne faut pas s’arrêter là.|couper{180}