réflexions sur l’art

Ici, l’art n’est pas un objet figé mais un lieu de pensée en mouvement. Peinture, écriture, regard : tout devient matière à interrogation, parfois ludique, parfois grave. Ces réflexions empruntent autant à la philosophie qu’au souvenir de gestes, à l’anecdote d’atelier, à la mélancolie ironique. Peindre, c’est parfois rater ; dire, c’est souvent déformer ; l’œuvre est résidu de tentatives accumulées. L’artiste-écrivain avance en hésitant, creusant les mots comme la toile. Il ne cherche pas à expliquer l’art, mais à habiter ce qui se dérobe dans l’acte de créer. Chaque texte trace un sentier incertain, où l’intensité prime sur la clarté, où la seule vérité possible est celle de l’élan.

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Carnets | mai 2025

06 mai 2025

Est-ce un je ou un jeu. île est peau cible qu’il soit possible d’écrire de la soie de soi ça va de soi. C’est-à-dire : revenir à une fiente ou fente, à cette fissure par laquelle sort la merde et l’être dans la lettre, à la lettre, littéralement. Et on ment pas mal pour parvenir à cette vérité-là. Tu prends la langue au mot. Tu la fends phonétiquement, tu l’écorches ou l’écorces, afin qu’elle dise ce qu’elle ne voulait pas dire, ce que tu ne voulais plus entendre, recouverte qu’elle fut par les bruits parasites du monde. L’île devient une peau à viser, une chair à révéler, la cible mouvante du sujet. Et tout tourne autour du possible. Non pas ce qui est permis — mais ce qui peut percer, ce qui peut s’écrire depuis la faille. “ça va de soi”, “soie de soi” Tu files un jeu, mais pas gratuit. Tu dis que l’écriture, si elle est tissée, c’est à partir de cette matière personnelle, fine, fragile — de cette soie de soi qu’on recueille en tremblant, en grattant la peau du mot. Revenir à une fiente ou fente. Tu ne choisis pas : tu superposes l’abject et l’origine. La fiente : résidu, rejet, merde sacrée. La fente : lieu d’émergence, de déchirure, de naissance. Tu revendiques que l’écriture sort par là — par la fissure, pas par la règle. “la merde et l’être dans la lettre” Une ligne qui pourrait appartenir à Artaud, à Luca, à Tarkos. Tu lies les trois : le corps (merde) le sujet (être) le langage (lettre) Et tu les plonges ensemble dans le liquide sémantique, où tout flotte, pue, brille.|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | mars 2025

15 mars 2025

La langue me tient chaud. La langue est mon amie. Sans elle, je ne suis pas grand-chose, une silhouette à contre-jour, une respiration sur le carreau d’une fenêtre, une rature. Avant, il y a la tempête, l’ouragan, tout ce qui souffle et arrache. Après, quand la bouche se tait, la langue reste là, tapie au chaud, dernier recoin de chaleur, dernier refuge. Ma langue, mon foyer. Ses mots, une famille en exil, et la ponctuation, cette manie d’inscrire des limites : poser un point, une virgule, un soupir. Tandis que le verbe verbe, la phrase phrase, et le café fume sur la cuisinière. Le feu crépite quelque part dans l’être, sous les tommettes tièdes, entre les murs vert bouteille. Une porte grince, une latte branle au grenier, la maison s’ajuste à la nuit. Dans la boîte aux lettres, une enveloppe. À l’intérieur, peut-être une menace, une facture, une lettre d’amour – les trois à la fois, pourquoi pas. Tout ce qui me traverse, tout ce qui me définit, mes élans, mes peurs, mes écœurements, mon dégoût de certains mots, tout cela vient de ma langue. Et de nulle autre part. La langue est un pont immense entre rien et rien, et quand on y pense, ça devrait faire quelque chose. Parfois, je dis que je n’ai rien à dire. Parce que rien ne vient, rien de décisif, rien d’immédiat. J’ai peur des mots qui surgissent comme des alarmes : tout à coup, soudain, brusquement. Je crains le mot vite, vite, vite. La peur devient colère, mais pas une colère qui explose, qui renverse la table, qui cogne le mur du poing. Une autre colère. Une qui se replie, qui ferme soigneusement la porte derrière elle, qui se terre dans l’obscur. Elle serre les dents jusqu’à les briser. Ma colère, d’ailleurs, est édentée. Ce n’est la faute de personne. Pas même de ce dentiste qui, jugeant plus rentable l’extraction que le soin, m’arrache les dents l’une après l’autre. Ce n’est pas personnel, c’est un modèle économique. Ma colère paie rubis sur l’ongle. Puis elle repart, s’enroule autour du foie, glisse dans les poumons, s’installe dans la rate. Elle entend encore la voix du dentiste : Va te cacher, mocheté. Dans mon monde, on ne t’offre même pas un détartrage gratuit. "Désir de fusion besoin de solitude". Lecture de ce brin de phrase dans un article sur Katherine Mansfield dans Poézibo. Ce qui stoppe instantanément la lecture. Où en suis-je de ce vieux serpent de mer —ce fameux désir de fusion ? Je me palpe, me soupèse, m'évalue. Aucun enthousiasme, aucune hystérie, rien. La fusion s'est envolée. Ne reste que le besoin de solitude. Mais élevé à un point de fusion, une incandescence encore rarement atteinte. Hier soir, sous la pluie, j'ai quitté l'atelier des peintres roussillonnais pour me rendre à une invitation. Exposition Exil à Saint-Donas. Comme une dette à rembourser, puisque tant de gens viennent à mes expos, me dis-je il faut bien que de temps en temps je rendre la monnaie de la pièce. En même temps l'Exil ce n'est pas rien. Donc un peu des deux, de l'intérêt à deux têtes. Et bien je ne suis resté que quelques minutes à peine. Le temps de faire le tour des oeuvres exposées , du bon travail c'est à noter. Puis avant même que l'on ne débouche la première bouteille du vernissage je me suis eclipsé sur la pointe des pieds. J'ai croisé M. qui fumait sous le préau. Tu t'en vas déjà. J'ai dit oui. Elle m'a laissé entendre que si elle le pouvait elle aussi rentrerait. J'ai dit aller j'y vais. Pour ne pas avoir à engager la conversation plus avant. J'ai fini je crois que chercher des prétextes pour nourrir mon vice de vouloir être seul. Suis rentré, ébloui encore par la manière dont cette journée à filé. Je n'ai pas même eu la moindre douleur dentaire. J'attribue naïvement ça au somnifère dont je me bourre pour dormir en ce moment. Il faut que je prenne rendez-vous chez le dentiste. Avant-hier je n'en menais pas large. Tout chamane stoïque que je veux encore m'assurer d'être la douleur m'arrachait la moitié du crâne. Peint quatre petits tableaux format A4 sur papier avec les élèves. En fait sans y avoir trop pensé j'ai lancé un travail sur la couleur, ses mélange, le fait de ne pas s'occuper d'autre chose que de la constitution d'une palette personnelle. De modifier l'évidence. De se défendre d'utiliser la couleur sortant d'un tube par exemple, mais toujours la modifier légèrement. Partir ainsi seulement de la couleur qu'on dépose sur le papier, comme un musicien part peut-être d'une suite de notes qu'il augmente ou diminue. Suis parvenu à avaler un peu de riz puis repris un hypnotique pour aller m'enfoncer dans la lecture de Les cercueils en zinc de Svetlana Alexievitch. Mais impression d'avoir déjà lu mille fois ces pages et de n'y découvrir rien de nouveau. Je me suis endormi. Illustration : Mark Rothko Orange and Yellow 1960-61 Musique : Zaz, La vie en rose|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | janvier 2025

30 janvier 2025

Frank Stella, le minimalisme des années 60 La vitre, légèrement trouble, laisse deviner l'intérieur d'une pièce exiguë. Dans ce cadre étroit, un homme est assis devant la lueur bleutée d'un écran d'ordinateur. Sa silhouette massive occupe presque tout l'espace. Le haut du crâne, dégarni, capte parfois un reflet de la lumière extérieure. Immobile, il fixe l'écran. Seule sa poitrine se soulève au rythme d'une respiration lente, presque imperceptible. Puis ses mains s'animent soudain sur le clavier, comme répondant à une impulsion invisible. Un bruit, peut-être, ou un mouvement dans la rue, détourne brièvement son attention. Son visage pâle se tourne vers la fenêtre. Les traits sont creusés, le regard absent - celui d'un homme qui a traversé trop de nuits blanches. L'instant d'après, déjà, il replonge dans la lumière artificielle de son écran. À l'aube, une lampe s'éteint, ne laissant que la lueur bleutée de l'écran. À travers la vitre sale, ce point de lueur artificiel troue l'obscurité. Dans le ciel, les cris des martinets s'élevent.. Un train au loin s'annonçe en gare, sa rumeur portée par le vent jusqu'aux abords du village. L'horloge de la place de l'église sonne sept heures, puis les derniers relents de la nuit sont balayés par le fracas de la benne à ordures. À midi, les bruits s'atténuent. Par les fenêtres ouvertes s'échappent des tintements de vaisselle, des bribes de radio, des échos de télévision. Une mère appelle ses enfants pour le repas, sa voix résonne dans l'air immobile. Un chien traverse la grand-rue déserte, son ombre ramassée sous lui glisse sur le sol, mais il file sans s'y attarder, disparaît dans une impasse. Le vent apporte l'annonce lointaine du retard du train de Marseille, quinze minutes. Une odeur de poisson frit monte de la rue, envahit la pièce. La luminosité faiblit. Les derniers cris des martinets disparaissent derrière la silhouette des toits de tuile. Pétarade de la moto d'un voisin qui rentre du travail. Quelqu'un à une fenêtre secoue une nappe ou un drap puis referme celle-ci. Bruit caractéristique d'un rideau électrique qui tombe doucement devant la devanture d'un commerce. Une odeur sucrée monte des jardins alentours, celle des fruits oubliés sur leurs branches, de l'humus des terres retournées. Tout à l'heure, les réverbères s'allumeront l'un après l'autre et ce sera la nuit. Dormi deux heures. Mille guerres. Sensation de fatigue. Paupières lourdes. Moral dans les chaussettes. Le café percole audible depuis l'étage. S. est déjà réveillée. L'odeur du café parvient au nez. Presque déjà le goût. Amer. Le café percole doucement bas dans la cuisine. S. est déjà réveillée, elle a déjà mis trois machines en route et se prépare à allumer le transistor sur la table de la cuisine. Voilà une chose importante, j'aime la simplicité. Dire le plus de choses en le moins de mots possibles.|couper{180}

peintres réflexions sur l’art

Carnets | janvier 2023

17 janvier 2023-2

Ainsi, pour que l'illusion soit complète, qu'elle se referme sur elle-même comme un cercle, il serait nécessaire de désigner deux points distincts mentalement, disons A et B, deux points choisis parmi une infinité. Tu le fais chaque jour, plusieurs fois par jour, la plupart du temps en prenant un crayon. Tu traces une ligne pour dessiner, mais depuis quel point de départ, quelle origine ? Tu peux dire n'importe quel point de départ fera bien l'affaire. Mais c'est botter en touche. Ce n'est pas cette origine-là qui importe mais celle qui t'a conduit, au travers de milliers et de milliers de possibles, à cet instant présent, à t'asseoir, à prendre ce crayon et à tracer cette ligne. Que matérialise pour toi véritablement une telle ligne qui s'élance d'un point à un autre, qui avec toi se déplace dans l'espace et le temps sur le lieu de la feuille ? Et si tu te mettais à y songer vraiment, si tu imaginais que cette ligne contient tout ce que tu as vécu depuis ta propre origine jusqu'à présent, est-ce que ça changerait quelque chose à l'action de dessiner ? Probable, voire certain, que c'est justement à ce genre de connerie qu'il ne faut pas penser pour dessiner. Donc quand tu te déplaces, tu sais peut-être d'où tu pars mais la plupart du temps tu te fiches de l'arrivée. Ou tu ne veux pas y penser pour pouvoir ainsi continuer à dessiner. Tu te déplaces sur la feuille de papier comme dans ta vie. Tu sais qu'il n'y a en fin de compte qu'une seule arrivée réelle et qu'il ne sert à rien de t'y intéresser de trop près, de peur d'être tétanisé par la peur ou par l'espoir - la joie ? La confiance ? - et au final de te retrouver dans une impossibilité de faire quoi que ce soit. D'une certaine façon, tu pourrais te ranger dans le mouvement de l'art pauvre, celui qui s'intéresse plus spécifiquement à l'origine des matériaux, à une origine tout court pour lutter contre l'obsession des buts qui ne sont que des ersatz. Sauf que toi, tu veux peindre des tableaux, tu es anachronique et tu te bouches les oreilles quand on te parle de Marcel Duchamp. Il faut aussi se foutre de Marcel Duchamp comme de Dieu.|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | janvier 2025

21 janvier 2025

Photo de Geri Forsaith sur Unsplash Nouvelle proposition d’écriture reçue hier. Lue en diagonale. Pas visionné encore la vidéo. Le mot qui me vient par rapport à ma participation : décousu. Ce qui renvoie à effiloché, termes empruntés au vocabulaire de la couture. Le rapiècement n’est pas loin. Et toujours se tenir à ce rocher comme une moule : je n’écris jamais que des brouillons, l’œuvre sera pour plus tard. C’est pathétique à mon âge. Cette rébellion qui ne me quitte pas depuis mes premières tâches d’encre violette, mes tous premiers pâtés, mes débordements dans la marge. Que sais-je du point-virgule qui ne soit pas seulement un théâtre ? Pas grand-chose. Ça ressemble à une parole de Normand : pt’ête ben que oui, pt’ête ben que non. Plus longue la pause que la virgule, pas autant que le point. Marque la séparation entre deux propositions indépendantes. Hier donc, j’ai reçu une proposition d’écriture ; bien content que ce ne soit pas une énième publicité ; tout en épluchant des carottes. Il était d’ailleurs temps : elles commencent à devenir molles. Je suis revenu sur le bouquin de Tiago Forte. L’histoire de la chorégraphe qui, lorsqu’elle commence un nouveau projet, inscrit le nom du projet en caractères gras et noirs sur une étiquette, puis la colle sur une boîte. Voilà une phrase difficile à dire d’un jet. La longueur des phrases est une préoccupation : longues ou courtes, avec ou sans ponctuation ? Et s’il y en a, s’il en faut, laquelle ? Virgule, parenthèses, tirets en tout genre… Il faut que je le dise : je n’en sais rien. Je n’ai jamais vraiment voulu le savoir. Pas plus que la patate chaude. Mais à un moment — et c’est peut-être le bon désormais — il faut quand même s’y intéresser ; ça peut même créer un semblant de motivation. La prise de notes est un poème. Du moins cela peut s’en approcher. Ce que l’on conserve comme substantifique moelle d’une lecture, d’une conversation, d’une balade au bord du Rhône, d’une nuit de sommeil, d’un repas, d’une partie de jambes en l’air… Se contraindre à tendre vers un essentiel, à cerner une sensation, un embryon d’idée. C’est aussi à cela que ce petit carnet de L. doit lui servir : pour compresser au maximum toute l’information qu’il juge importante dans une journée. Ensuite il s’en sert pour écrire ses longues lettres à ses tantes. Et la combinaison des deux certainement n’est pas innocente : c’est de l’écriture ; ce n’est pas que de la correspondance ; pas seulement de la chronique ; c’est du boulot. Les longues phrases de L., en voit-il le bout quand il les commence ? Peut-être à la fois la peur et le désir de parvenir au bout ; une phrase est une vie miniature ; on écrit sa phrase comme on respire — ou bien l’inverse. Donc ces textes quotidiens, les miens, sont une sorte de mélange entre une volonté de laconisme et le refus du laconisme. La question est de savoir si je suis du genre saproxilique ou lacédémonien. Le chemin le plus court prenant souvent l’aspect rebutant d’une autoroute, possible que je préfère le papier qui — si l’on réfléchit bien — se rapproche assez bien du bois mort, de la putrescibilité : quelque chose proche d’un essentiel, de ce qui reste du rêve d’une graine voulant atteindre le ciel ; de la stupeur de celle-ci voyant autant d’encre versée sur elle en fin de partie. Donc j’en étais à cette chorégraphe, à son étiquette, à sa boîte. Elle fourre tout ce qui peut avoir le moindre lien avec son projet. Pêle-mêle : des photos, des audios, des textes… absolument tout. Et aussi sur deux fiches bristol sur lesquelles elle résume en une phrase le pourquoi de son projet. Deux fiches parce qu’on peut avoir des motivations personnelles et altruistes. L’erreur serait donc d’avoir trente-six boîtes pour se faire croire qu’on a trente-six projets et dans aucune les deux fiches bristol qu’on verrait peu à peu s’enfoncer comme des graines dans le terreau de la matière accumulée.|couper{180}

Autofiction et Introspection réflexions sur l’art Technologies et Postmodernité

fictions

Exposition

Il avait dit ça d’un ton léger, sans lever les yeux, tout en traçant de l’index un cercle humide sur la table, condensation laissée par son verre. Le rond était presque parfait. « Tu ne trouves pas que tu prends des risques à t’exposer comme ça ? » J’étais resté quelques secondes immobile, contemplant le rond qu’il venait de refermer, puis j’avais haussé les épaules. Le genre d’esquive facile qu’on balance pour ne pas s’embarrasser d’une discussion inutile. « Pfff, t’inquiète pas. » Un sourire vague, qui voulait dire : on va passer à autre chose. Mais rien n’avait suivi. Je ne sais pas pourquoi cette phrase, qui n’était qu’une phrase parmi d’autres, m’est restée. Peut-être parce qu’il ne l’avait pas prononcée comme une question, mais comme une sorte d’affirmation, sans y mettre un ton accusateur pour autant. Ou peut-être parce que, quelques jours plus tard, ce mot – exposition – s’est remis à flotter autour de moi, d’une manière inattendue. Ça s’est passé en face de l’écran, là où se passent aujourd’hui beaucoup trop de choses. Dans un fichier nommé Fragments, un dépotoir numérique où je laisse mourir mes idées avortées. Des morceaux de phrases, des bouts de récits, des notes pour plus tard. Le tout sans ordre, évidemment. Laisser s’accumuler des choses sans jamais les trier, c’est une habitude. Alors j’ai laissé une machine faire ce que je ne voulais pas faire. Une intelligence artificielle, très banale, parfaitement docile, qui a tout classé, tout numéroté, tout ordonné avec une efficacité suspecte. Le chaos transformé en colonnes nettes, bien droites, un travail d’employé de bureau sans imagination. Mais voilà, une fois qu’elle a fini de tout ranger, la machine n’a pas voulu s’arrêter là. Ou plutôt, je ne l’ai pas arrêtée. Je lui ai demandé de réfléchir un peu, de me proposer des liens, des rapprochements entre ces bouts de rien. Et c’est là que ça a commencé à dériver. Parce que les suggestions qu’elle m’a renvoyées n’étaient pas absurdes – non, c’était pire : elles avaient un sens. Un sens que je n’avais pas prévu, pas construit, mais un sens quand même. Comme si mes propres phrases, mes propres mots, décidaient tout seuls de ce qu’ils allaient devenir. Comme si je n’étais qu’un spectateur. C’est à ce moment-là que le mot exposition a commencé à m’obséder. Et la machine, dans sa manière froide et efficace, a tout décliné pour moi. Exposition, disait-elle, c’est d’abord révéler quelque chose. Offrir au regard ce qui était caché. Montrer ce qu’on n’aurait peut-être pas dû montrer. Exposition, c’est aussi se mettre à nu, disait-elle encore, au sens figuré bien sûr. Se livrer. Accepter les coups, les jugements, les malentendus. Exposition, poursuivait-elle, c’est un seuil. Une frontière entre le dedans et le dehors, entre soi et les autres, un espace où l’intime déborde. Et enfin, exposition, c’est une perte. Ce qui est exposé ne nous appartient plus. Les mots, une fois donnés, deviennent autre chose. Je suis resté là, devant l’écran, à regarder ces phrases s’afficher. Tout cela, au fond, n’était que des évidences. Mais des évidences qui insistaient, qui tournaient, qui s’entêtaient. Et cette phrase de F. continuait de flotter, en arrière-plan. Ce soir-là, à table, il avait dit ça comme ça, sans pression, sans insistance. Mais maintenant que j’y repense, c’était peut-être une vraie mise en garde. Pas un reproche, pas un conseil. Une observation, simplement. Et moi, avec ce petit sourire suffisant, j’avais tout balayé d’un revers. Mais maintenant, la phrase est là. Je rejoue la scène. Je me vois, assis en face de lui, incapable de la comprendre à ce moment-là. F. avait raison, bien sûr : je m’expose. Tout le monde s’expose, finalement. Mais ce n’est pas le problème. Le problème, c’est ce qu’on devient, après. Je relis ce que la machine a agencé. Ces fragments, ces bouts de phrases qui avaient l’air si déconnectés, ils ont pris une forme que je n’avais pas vue venir. Quelque chose d’autre s’est créé, sans moi. Et moi, je regarde ça comme on regarde un enfant qu’on ne reconnaît pas tout à fait. C’est ça, l’exposition. On écrit, on montre, et après, ça ne nous appartient plus. Quand F. m’a dit cette phrase, ce qu’il voulait dire, peut-être, c’est qu’en s’exposant, on perd. Mais aujourd’hui, je crois que ce n’est pas vrai. On ne perd rien. On transforme. Je ferme l’ordinateur. Ça m’a échappé. C’est très bien que ça m’échappe.|couper{180}

fictions brèves nouvelle réflexions sur l’art

Lectures

Se faire résumer par une machine

Lecture à chaud par le modèle 4o de ChatGpt — du texte écrit le 24 décembre 2024 ( entrée du carnet 2024-décembre-le 24)|couper{180}

Auteurs littéraires réflexions sur l’art

Lectures

La médecine à l’époque Edo au Japon

Dans le cadre de mes explorations littéraires et documentaires, j’ai découvert un article intéressant sur la médecine Kampo, une pratique issue de la période Edo au Japon. Cette découverte m’a incité à approfondir le sujet, non seulement pour en comprendre les bases historiques, mais aussi pour explorer comment cette approche s’inscrit dans une réflexion plus large sur la tradition et la modernité|couper{180}

idées réflexions sur l’art Théorie et critique littéraire

Carnets | décembre 2024

07 décembre 2024

Il y a un hiatus, entre ce que j'éprouve face au réel et ce que je suis en mesure, ou non, d'en dire. Quand je veux en dire quelque chose c'est rarement ce que je veux dire qui est dit. Cela peut s'en approcher. Je peux avoir l'impression d'avoir dit quelque chose qui colle à la réalité. Puis quand je relis ensuite non, pas du tout. C'est un oignon avec de nombreuses peaux, et parfois il n'y a même pas de germe.|couper{180}

Autofiction et Introspection réflexions sur l’art

Carnets | décembre 2024

05 décembre 2024

Hier aprés-midi. Sur la route.Hier, j'hésite. Un ou une aprés-midi. Je ne savais plus mon genre. Et ma conjugaison. Plus trés sûr de rien. Plus sûr du tout. Ce qui me rappelle quelque chose. Chose. Un personnage. Le petit Chose de Daudet. Non. Chose qui croît au phallus de la mère. Chose comme dans Le Meurtrion. Il fait beau et voilà que tout à coup je pense à ce Chose ou cette Chose. Tout s'entrechoque. La langue. Et me voici face aux éoliennes. Du côté de Fay-le-clos. Je suis monté pour redescendre. Pas que ça m'enchante. C'est le boulot. Mais les arbres ne sont pas encore nus. Le soleil tape sur les feuilles jaunes. Le premier mot qui vient c'est l'or. Puis du métal en fusion. Une chose en fusion. Ce qui fut utile. Car à Saint-Donat, tout était glacé. J'ai dû voir au moins six personnes. Leur tête disparaissait. Leur tête était interchangeable. Un Cerbere divisé. s'essayant à l'autonomie. Individualisé. Mais tu gardes quoi comme enfer. Essouflé au bout de trois marches gravies de ce grand escalier. Observé une mouche qui montait.Observé la même qui descendait. Entre un panneau de bois frappé de soleil et la vitre dont le verre ( le mot m'échappe pour dire sa nature de verre qui rend le monde flou) Peut-être bien "dépoli". La mouche donc monte et descend. Le même trajet durant un bon quart d'heure. Et mes globes oculaires la même chose. On commence à devenir chose par l'oeil si ça se trouve. C'est à partir de là que le hiatus démarre. Dire ensuite ce que l'oeil voit si possible or voilà la plupart du temps, justement, c'est impossible. Et donc tout le jeu ( passionnant mais fatiguant, éreintant, exténuant) consiste à se rapprocher de ça en s'éloignant de papa, maman, la bonne et moi. C'est à peu près ainsi que le démoniaque se manifeste. Bouh ! Comment vas-tu vieille chose me dit-il. Pas très bien. Pas très bien. L'écart m'a eu. Pas encore jusqu'à la corde. Je m'y aggripe. Sacré Je, si je ne t'avais pas. Mon petit fil à la patte, mon lambeau de chair qui pend entre la gencive et la dent. Breloque.|couper{180}

Autofiction et Introspection réflexions sur l’art

Carnets | décembre 2024

04 décembre 2024

"Ne pouvoir vivre sans représenter notre vie mais ne trouver dans aucun discours constitué l’exacte résonance de l’expérience que nous faisons du « réel » de cette vie : voilà la contradiction qui nous écartèle." ( lu dans l'introduction de "La langue et ses monstres" de Christian Prigent|couper{180}

Auteurs littéraires Espaces lieux réflexions sur l’art

Lectures

Autour de la chose

Ce texte est sans doute autre chose qu'une chronique littéraire, autre chose qu'un simple compte rendu de lecture. C'est autre chose, mais je ne sais pas vraiment où la ranger. Alors dans la catégorie "lecture" puisqu'il pourrait bien s'agit de ça finalement.|couper{180}

réflexions sur l’art