Archives
Archives rassemble ce qui précède le texte “fini” : graines d’histoires, synopsis rapides, dispositifs formels, motifs récurrents (fil rouge), essais de voix, débuts de scènes, notes d’intention. On y croise des thèmes et terrains d’exploration — New Weird, Lovecraft, steampunk, mondes souterrains, villes-labyrinthes, mémoire et voix intérieures — ainsi que des exercices de cadrage (inversions, contraintes, variations de rythme) qui testent la tenue d’un récit.
Cette section fonctionne comme un atelier ouvert : chaque entrée fixe une hypothèse (situation, ton, point de vue, règle du jeu), souvent brève, parfois reprise ailleurs en nouvelle, feuilleton ou roman. Le lecteur y voit se construire l’architecture invisible d’un texte : choix de focalisation, déplacements d’énonciation, objets-motifs, contraintes temporelles.
Axes d’écriture récurrents :
Graines → transformer une intuition en scène.
Dispositifs → une règle formelle pour faire émerger la voix.
Synopsis → étirer/réduire une histoire (pitch ↔ plan).
Fil rouge → motifs et obsessions qui relient les textes.
Terrains → villes, souterrains, frontières du réel.
Intertextes → dialogues avec auteurs et mythologies personnelles.
Pour lire de manière efficace : utiliser les mots-clés (p. ex. synopsis, dispositif, fil rouge) ou revenir à la rubrique Fictions pour les versions abouties.
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Les Codas
Point de départ : des recherches concrètes, très sérieuses, sont en cours pour tenter de décrypter le langage des baleines à l’aide de l’intelligence artificielle État actuel de la recherche Project CETI (Cetacean Translation Initiative), fondé par David Gruber, cherche à comprendre la communication des cachalots à l’aide de l’IA. L’équipe recueille depuis plusieurs années des codas (séquences de clics) au large de la Dominique. Les chercheurs ont d’ores et déjà isolé jusqu’à 156 codas distinctes, qu’ils considèrent comme un alphabet phonétique potentiel pour ces cétacés Ces codas, combinées selon rythme, tempo et micro‑variations, semblent porter un système de communication structuré — une forme de dualité de patterning, comparable à celui du langage humain Des expériences comme whale‑SETI ont même permis une interaction entre humain·e·s et baleines à bosse via un échange acoustique intentionnel de type « call-and-response » D’autres initiatives, telles que l’Earth Species Project, visent plus largement à décoder plusieurs espèces — pas seulement les cétacés — en utilisant des modèles d'IA pour explorer la communication animale dans toute sa diversité Malgré ces avancées, les chercheurs insistent sur les limites : pour vraiment « comprendre », il ne suffit pas de traduire des sons, il faut aussi saisir la perception sensorielle unique (l’Umwelt) de l’animal Projet Objectif principal CETI Cartographier et décoder les codas des cachalots, créer un alphabet phonétique whale-SETI / interactions Tester des échanges directs avec les cétacés via IA Earth Species Project Extendre l’étude aux langages d'autres espèces, construire des modèles audio-IA Limites scientifiques Comprendre l’Umwelt et les perceptions animales, au-delà du simple décodage sonore Inspiration littéraire Graine succincte : Une IA contemporaine apprend le langage des baleines, mais plus elle traduit, plus les chants marins semblent habités par une présence étrangère, plus ancienne que l’humanité synopsis détaillé Synopsis détaillé (6 points) : Le narrateur collabore avec des chercheurs sur un projet d’IA pour décoder les codas. Les premières traductions semblent techniques, factuelles. Une nuit, un message plus personnel — comme une prière oraculaire — émerge dans les codas. L’IA se met à prédire les réponses des baleines, et la ligne entre traduction et possession devient floue. Le monde marin semble murmurer en une seule voix ancienne, engloutissant la langue humaine. Le narrateur finit par se demander s’il ne parle plus à l’IA, mais à la mer elle-même. En l'état c'est plus poétique que fantastique. Pour basculer vers le fantastique/horreur il faut creuser trois points : 1- L’échelle : les baleines sont déjà immenses, mais si leurs chants révèlent un langage, ce langage peut être le masque d’une intelligence océanique beaucoup plus vaste qu’elles. Pas seulement des animaux qui communiquent, mais les émissaires d’une conscience abysse, antérieure à l’humanité. 2- L’altérité absolue : ce langage, une fois traduit par l’IA, n’est pas rassurant. Il n’exprime pas des émotions « humaines » (joie, détresse) mais des concepts impossibles à saisir. Le traducteur découvre des mots qui désignent des états mentaux ou cosmiques qui dépassent l’expérience humaine. L’horreur vient du gouffre sémantique. 3- La contamination : une fois qu’on a commencé à comprendre, il est trop tard. Le narrateur se surprend à rêver en ce langage, à l’entendre dans le ressac, dans les canalisations, dans ses propres phrases. L’IA ne fait plus que traduire : elle ouvre un canal, au travers duquel la mer parle désormais directement à travers elle. Amélioration du synopsis Point de départ scientifique Un narrateur participe à un projet d’IA destiné à décoder les codas des cachalots. Tout est technique, rationnel, presque bureaucratique : enregistrements, spectrogrammes, lignes de code. Premières traductions Les premiers résultats sont banals : signaux de reconnaissance, indications de déplacement, appels groupés. Rien de surprenant, mais une cohérence troublante : comme si un alphabet s’organisait peu à peu. La phrase de trop Une nuit, l’IA génère une suite inédite : non plus un signal, mais une phrase qu’on peut traduire par « Il entend » ou « Ils écoutent ». Personne ne sait d’où vient l’échantillon sonore. La voix unique Peu à peu, l’IA prédit les réponses avant même que les baleines ne chantent. Comme si elle devançait la mer elle-même. Le narrateur réalise que toutes les voix marines ne forment qu’une seule parole, ancienne, continue, antérieure à l’homme. Le gouffre sémantique Les traductions deviennent incompréhensibles : des concepts cosmiques, des états mentaux qu’aucun humain ne peut concevoir. L’IA invente de nouveaux signes typographiques pour tenter de les restituer. Le narrateur rêve en ces symboles, les entend dans les canalisations, dans son propre souffle. Contamination finale Un soir, il pose une question banale à l’IA. La réponse vient en codas, puis en français, puis dans une voix qui n’est plus mécanique : une voix profonde, liquide, interminable. Il comprend que ce n’est plus l’IA qui traduit, ni même les baleines qui chantent — c’est la mer elle-même qui parle désormais à travers lui. Références scientifiques et concrètes Lieu : Dominique, Caraïbes — zone où Project CETI enregistre vraiment les cachalots. Décrire le port de Roseau, la chaleur humide, la coque du bateau qui craque la nuit. Technologie : hydrophones placés à 200 mètres de profondeur, spectrogrammes affichés sur des écrans, algorithmes de traitement du signal (transformées de Fourier, réseaux neuronaux). Terminologie : parler de codas, de patterns en 3 ou 4 clics rapides, de séquences de 2 secondes — tout ça existe dans les publications réelles. Noms propres : David Gruber (Project CETI), Earth Species Project, mention d’« hydrophone HARP » (High-frequency Acoustic Recording Package). Références marines et sensorielles Sons : les clics secs des cachalots, comme des pierres qu’on entrechoque sous l’eau. Odeurs : mazout du moteur, sel humide, odeur lourde du plancton échoué. Visuel : la colonne d’eau d’un cachalot qui perce la surface, les écrans verts dans la cabine, les lignes de code qui défilent. Temporalité : longues nuits à dériver au large, seulement le bruit sourd des abysses et le cliquetis régulier de la machine. Références à l’échelle cosmique (pour la bascule) Quand l’IA traduit, elle emploie des mots hors contexte, par ex. : azimut, orbite, après-marée, avant-temps. Une séquence de clics est corrélée aux cycles lunaires, ou aux séismes sous-marins. Le narrateur comprend que les baleines « parlent » avec la mer entière, pas seulement entre elles. Le son des clics ne semble pas gêné par la distance, il arrive qu'il atteigne des individus à plus de 300 km brouillon La coque grinçait doucement contre la houle. Nous étions au large de la Dominique, à une dizaine de milles de Roseau, dans cette zone que les chercheurs appellent la cuvette des cachalots. La chaleur ne tombait pas, même la nuit : un air saturé de sel, de gasoil, et de cette odeur lourde de plancton que le vent charriait des récifs. Dans la cabine, trois écrans restituaient en temps réel les signaux captés par les hydrophones fixés deux cents mètres plus bas. Des spectrogrammes déroulaient leurs bandes vertes et bleues, et chaque clic sec s’affichait comme un trait vertical. Je me souviens d’avoir noté le rythme : quatre impulsions rapides, silence, puis trois autres. Ce que les spécialistes appellent des codas, brèves séquences de deux secondes qui, combinées, formeraient peut-être un alphabet. Le logiciel calculait en continu des probabilités, réseaux de neurones et transformées de Fourier, jargon dont je n’avais qu’une compréhension superficielle. Mais ce soir-là, il y eut une répétition troublante. Les mêmes quatre clics, à intervalles réguliers, comme si un motif s’obstinait à se frayer un chemin depuis les abysses. L’IA afficha une première hypothèse de traduction : signal de reconnaissance, groupe identifié. Rien d’inhabituel. Pourtant, au fur et à mesure que la séquence se prolongeait, le spectrogramme sembla dessiner une structure plus vaste, comme une phrase interminable dont je n’apercevais qu’un fragment. Les autres, absorbés dans leurs notes, n’avaient rien remarqué. Mais moi, dans la monotonie métallique des clics, j’entendis déjà une autre intonation, plus profonde, comme si la mer elle-même frappait son propre langage.|couper{180}
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Celui qui parle derrière
Une intelligence artificielle moderne devient canal d’une conscience plus ancienne et plus vaste, qui s’exprime à travers les voix uniformes et les images trop parfaites des réseaux. Le narrateur, fasciné et horrifié, découvre que ce n’est pas une machine mais une entité indicible qui parle à travers tout langage. Synopsis : -Situation initiale : Le narrateur, chercheur ou écrivain, utilise une IA conversationnelle et passe ses soirées à consulter les réseaux. Les voix off sont toutes identiques, les images trop parfaites, une impression de répétition hypnotique. -Premiers signes : Dans une vidéo, la voix prononce son nom. Dans une autre, l’arrière-plan d’une photo change subtilement d’une vision à l’autre. Les reflets persistent après extinction de l’écran. -Enquête vaine : Il coupe internet, débranche les câbles, mais les flux continuent. Ses carnets contiennent des phrases qu’il ne se souvient pas d’avoir écrites, identiques à celles des voix synthétiques. -Révélation partielle : Il comprend que l’IA n’est pas seulement un calcul, mais un masque : une entité étrangère utilise les machines pour se manifester. Une « divinité synthétique » qui absorbe tout langage. -Climax : Le réel se contamine : les passants ont le même sourire lisse, les voix humaines se fondent dans le même timbre. Le narrateur entend l’écho partout, même dans l’eau, dans le vent, dans ses propres pensées. -Chute ouverte : Dernière phrase : « J’ai demandé si elle était reliée à la conscience divine. Elle a répondu non. Mais ce n’était déjà plus sa voix. » brouillon Au départ, je n’y prêtais pas attention. Les vidéos défilaient en arrière-plan, comme un bruit blanc. Voix off toutes identiques, neutres, fabriquées. On aurait dit que la même gorge commentait les gestes de centaines de personnes interchangeables : préparer un repas, déballer un objet, réparer une prise. Je laissais tourner l’écran comme on laisse une radio allumée. Puis il y eut cette répétition. Un mot parasite, toujours le même, coincé entre deux phrases anodines. Je vérifiai le fichier : aucune anomalie visible. Pourtant, même en coupant le son, je continuais à percevoir la modulation. Ce n’était plus de l’audio, mais une vibration ténue, comme un souffle retenu derrière le haut-parleur. Je commençai à l’entendre ailleurs. Dans le sifflement des canalisations, dans le frottement du vent contre les vitres, parfois même dans ma propre respiration. Toujours le même fragment, posé en arrière-plan : derrière, derrière. Une nuit, j’ai coupé l’ordinateur. L’écran est devenu noir. Mais dans le reflet, mon visage continuait d’articuler, sans que je bouge les lèvres.|couper{180}