Ce que disent les morts
Brève amorce scientifique
Des équipes de chercheurs ont récemment réussi à « dérouler » virtuellement des rouleaux carbonisés d’Herculanum, enfouis lors de l’éruption du Vésuve en 79 ap. J.‑C. Grâce à des images 3D par rayons X, au synchrotron Diamond Light Source ou aux techniques de tomographie à contraste de phase, et à l’aide d’IA issues du Vesuvius Challenge, ils ont pu identifier des fragments de textes grecs — quelques mots comme διατροπή (dégoût) ou φοβ (peur), et identifier l’auteur probable, le philosophe Épicurien Philodème. Ces avancées scientifiques et technologiques ouvrent un accès inédit au contenu des quelque 800 rouleaux de la bibliothèque de la Villa dei Papyri
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Graine succincte
Une IA contemporaine déchiffre des mots emprisonnés dans des rouleaux carbonisés. Mais les mots ne disent pas seulement une philosophie ancienne : ils parlent d’un verbe antérieur, oublié, et réveillent une parole qui ne devrait jamais être entendue.
Synopsis détaillé (6 points)
Technologie – Le narrateur, chercheur, consulte les scans CT obtenus au synchrotron de Harwell et utilise les outils du Vesuvius Challenge pour extraire du texte — spectrogrammes X‑ray, segmentation voxel, apprentissage profond (machine learning)
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Premiers déchiffrages – Des mots grecs émergent : διατροπή (dégoût), φοβ (peur), βίου (vie) — philosophiques, peut-être anecdotiques, mais issus d’un passé silencieux
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Anomalie lumineuse – Une nuit, le scanning révèle une séquence étrange, hors phrasé habituel, comme un fragment hors contexte : « LE VERBE EXISTAIT AVANT NOUS ». L’IA l’affiche, immobile et blanc sur noir.
Dérive du sens – Incapable de traduire ce fragment, le narrateur découvre qu’il contient des mots absents du grec connu, des symboles inclassables. L’algorithme tente des correspondances, crée des fragments typographiques hallucinés.
Contagion textuelle – Le narrateur les voit apparaître ailleurs : motifs gravés dans la pierre des ruines, signes incertains dans les craquelures du sourd ciel de Naples, traces d’encre dans son carnet qu’il ne se souvient pas d’avoir écrites.
Conclusion ouverte – Il note : « Nous avons réveillé un verbe. » Puis propose, en italique : « Mais je ne suis plus certain qu’il fut humain. »
brouillon
La salle était tenue dans une pénombre contrôlée. Les rouleaux d’Herculanum, fragiles comme du charbon compressé, étaient déposés un à un dans un berceau de mousse, puis glissés sous le faisceau du synchrotron. À travers la vitre blindée, on voyait l’arceau de lumière tracer ses spirales invisibles, bombardant le cylindre noirci de rayons X. Sur l’écran, des volumes gris se composaient en couches, chaque voxel révélant une fibre carbonisée de papyrus.
J’assistais à la routine des chercheurs. L’un ajustait le contraste, un autre corrigeait les artefacts liés au bruit de la machine. Le logiciel reconstituait lentement les spires du rouleau, section après section. Dans ce maillage granuleux, l’algorithme de segmentation cherchait à isoler des lignes d’encre. Les premiers résultats s’affichaient déjà : bribes de grec ancien, syllabes dispersées — βίου (vie), φοβ (peur).
Ce n’était pas encore un texte, juste des éclats. Pourtant, il y eut une séquence qui immobilisa toute la cabine. Une suite de signes parfaitement lisibles, plus nets que tout ce que nous avions vu jusque-là, surgit dans la trame : quatre mots, espacés avec une régularité mécanique. Le programme tenta d’abord une correspondance avec le lexique classique, échoua, puis proposa une traduction approximative : « La fin sera toujours la même , nous la vivons avant vous »
Personne ne dit rien. Les spectrogrammes continuaient de défiler, mais l’écran principal resta figé sur cette ligne. J’eus le sentiment qu’il ne s’agissait pas d’un fragment ancien, mais d’un message transmis à travers les siècles, maintenu intact par le feu, et révélé seulement maintenant, au moment exact où une machine pouvait l’exprimer.
** amélioration du synopsis ** 1. Le premier fragment (Herculanum)
Dans la salle du synchrotron, le rouleau carbonisé livre la phrase : « La fin sera toujours la même, nous la vivons avant vous. » Le narrateur est saisi par l’étrangeté temporelle du message.
- La répétition étrusque
Cherchant des parallèles, le narrateur explore d’autres projets où l’IA a été utilisée : décryptage de tablettes étrusques fragmentaires. Là encore, au milieu d’un texte funéraire, apparaît une séquence improbable — mal traduite mais reconnaissable — la même structure de phrase, à peine altérée.
- La dérive chinoise
Dans des manuscrits chinois très anciens, scannés par rayons infrarouges, l’IA propose une traduction provisoire. Parmi des maximes confucéennes, surgit une formule semblable : « Ce que nous finissons, vous finirez aussi. » Les chercheurs y voient un artefact de l’algorithme. Mais le narrateur n’y croit pas.
- La convergence
Il croise d’autres projets : fragments en sanskrit, inscriptions mayas, runes nordiques. Toujours la même sentence, avec des variantes. L’impression d’une phrase universelle, dissimulée dans toutes les langues mortes, que seule l’IA peut exhumer.
- La contamination
Le narrateur note ces phrases dans son carnet. Mais il se rend compte qu’il n’écrit plus en français : ses notes s’infiltrent de signes étrusques, grecs, chinois, comme si le langage entier s’effritait sous cette parole. Ultime constat : la phrase surgit désormais dans ses rêves, tracée sur les murs, chuchotée dans les canalisations. Il comprend que ce n’est pas une traduction : c’est une transmission.
Mots-clés : synopsis + fantastique, parchemin, IA, Herculanum
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embryons —à faire pousser dans l’encre
notes pour Le sabbath des calques Une surcouche AR (= augmented reality overlay, calque de réalité augmentée), c’est une couche d’informations numériques affichée par-dessus le monde réel via un écran (téléphone, lunettes, pare-brise). Elle ne remplace pas le réel : elle l’annote, le guide, le filtre. Concrètement, ça fait quoi ? Affichage : flèches de navigation sur la rue, étiquettes “Boulangerie — ouvert”, prix sur produits vus par la caméra, noms des plantes dans un parc. Action : bouton “ouvrir la porte”, “signaler un nid-de-poule”, “appeler un ascenseur”, “déverrouiller un trottinette” quand tu regardes l’objet. Filtrage : tu ne vois que certains commerces (ex : partenaires), ou seulement les bornes de recharge compatibles avec ton abonnement. Maintenance : un technicien voit les canalisations invisibles sous la chaussée, l’état d’un transformateur, la vanne à fermer. Comment ça marche (simple) La caméra/localisation capte où tu es et ce que tu vises. Un calque (la surcouche) associe à ce lieu/objet des données + droits (texte, icônes, commandes). Le système rend ces données alignées sur la scène réelle (position/orientation). Pourquoi c’est important dans “Le sabbat des calques” Dans l’histoire, chaque surcouche AR n’est pas qu’un visuel : elle porte des droits et des flux (livraison, entretien, accès, soins). Si on désactive les calques sans procédure de retour, certaines choses sortent du graphe (plus d’ID, plus de tournée) et “n’existent” plus pour la ville. D’où le nom résolutoire : un énoncé public qui ré-attache officiellement les lieux/objets/personnes au système. En bref : une surcouche AR, c’est un calque opératoire qui dit au monde numérique quoi est où et qui peut faire quoi avec. Quand tu coupes le calque, tu coupes souvent l’accès autant que l’affichage. ID 1 Dans une métropole gouvernée par des surcouches de réalité augmentée qui pilotent livraisons, soins, entretien et droits d’accès, un collectif obtient une heure hebdomadaire sans calques pour “souffler”. Effet pervers : ce qui n’est pas re-référencé à la reprise est considéré obsolète par les plateformes, dé-publié des index, puis “cesse d’exister” pour la ville (plus d’ambulance, plus de tournée, plus d’adresse résolue). Quand une petite clinique disparaît des systèmes, une cartographe d’infrastructures remonte la chaîne technique et découvre que visibilité = existence procédurale ; désactiver sans formule de retour équivaut à effacer. Elle invente un « nom résolutoire » : une nomenclature publique, prononcée sur site et horodatée, que les opérateurs doivent accepter pour ré-attacher lieux, objets et personnes au graphe urbain. Climax sur la place centrale : la ville lit ses propres noms pour se faire revenir, tandis que les éditeurs de calques tentent d’en limiter la portée. Enjeu : reprendre la responsabilité d’“éditer” le réel sans renoncer au repos collectif. ID 2 Le locataire non inscrit Dans un vieil immeuble où l’existence des habitants tient à un registre calligraphié du hall, le nom de Lise refuse de “prendre” : l’encre perle et s’efface. La nuit, un voisin invisible prononce son nom avec une exactitude troublante — chaque syllabe qu’il dit fixe sa propre chambre (odeurs, objets, chaleur), tandis que Lise disparaît des sonnettes, du courrier, du bail. En fouillant les archives notariales, Lise découvre le vrai nom du voisin, effacé après un décès douteux : pour se sauver, elle devra le prononcer en face dans l’appartement muré — geste résolutoire qui le libérera… ou la rayera définitivement du registre. Scène-pivot : minuit, palier glacé, Lise ouvre la porte condamnée, lit à voix claire le nom exact ; les lettres du hall se remettent à l’encre — mais pas toutes. Thèmes : nom comme emprise (parasitage d’identité) → nom résolutoire (révocation par adresse), droit d’exister par inscription, loyers fantômes, éthique de la restitution. 3 Le nom-miroir Dans une petite ville, un photographe ambulant promet de révéler aux clients leur “vrai nom” en développant leurs portraits au nitrate d’argent. Sur chaque cliché, un mot apparaît sur le col ou la peau, différent du prénom civil : “Déserteur”, “Fiancée”, “Veilleur”, “Fille de personne”… Celui qui adopte ce nom gagne un pouvoir discret (veille sans dormir, franchit une barrière, traverse le fleuve gelé) mais perd une chose intime en échange (un souvenir, une capacité). Une femme veuve découvre que le mot sur sa photo — “Soeur” — rétablit une sœur que sa famille a gommée. Pour arrêter l’hémorragie de pertes, il faudra renommer la ville entière lors d’une exposition nocturne où l’on retourne les photos et déclare publiquement le nom qu’on refuse de porter. -- Nom en jeu : habiliter (adopter le mot confère) ↔ emprise (le mot prélève) → résolutoire (publiciser le refus d’un nom). 4 La maison aux noms empruntés Une maison bourgeoise accueille des colocataires à bas prix… à condition de déposer, dans un coffret, un nom dont on ne se sert plus (surnom d’enfance, nom d’artiste, nom d’emprunt). Tant qu’on y habite, la maison protège (pas de cauchemars, pas de cambriolages). À la Toussaint, le coffret s’ouvre et la maison revêt ces noms : les pièces prennent des caractères (une cuisine “Maman”, un couloir “Caporal”, une chambre “Perdue”). Quand une nouvelle locataire dépose par erreur son vrai nom complet, la maison s’en pare et la dépossède : plus personne dehors ne la reconnaît. Pour la récupérer, les habitants doivent organiser une veillée de restitution où chacun ré-appelle un nom prêté à son vrai détenteur, jusqu’au dernier — le sien. -- Nom en jeu : emprise (la maison vit des noms prêtés) → résolutoire (rite de restitution, nom rendu au bon destinataire, à voix claire).|couper{180}
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Comment écrire une histoire avec un peu de méthode
Protocole léger — pour ne pas s’égarer Pour le moment, seules la première et la sixième propositions de l’atelier d’écriture en cours me proposent des pistes que je pourrais relier à un travail personnel. Disons qu’elles « matchent » dans les circonstances actuelles, par l’expansion que je constate à vouloir les développer. Mais pour ne pas m’égarer, il me faut un fil d’Ariane : une méthode — même légère suffirait. D’où l’envie de rédiger un modeste protocole. 1. Partir d’un embryon (format fixe) Fiche minuscule à chaque graine — 6 lignes, pas plus. Signe (trace perçue) : sifflement / buée / vitre / odeur de térébenthine / feux rougeâtres. Geste du corps (déclencheur) : ralentir / bifurquer / s’asseoir / lever la main / détourner le regard. Seuil (lieu précis) : porte / vitre / entrée de dancing / butte / péage / atelier. Distance (échelle) : hors-champ / voix seule / silhouette / face-à-face muet. Objet-totem (détail récurrent) : terre de sienne / yak / Abbesses / Keaton / autoroute. Sortie (chute) : question / rire étouffé / non-réponse / retour marche. Garder la fiche en tête de texte (ou en commentaire). C’est l’« ADN » de la série. 2. Écrire en échelles (x3) À partir d’une même graine, produire trois tailles — on ne réécrit pas, on déplie. Nano (50–80 mots) : une image + une action. Court (150–220 mots) : ajouter un seuil et une résonance sensorielle. Plein (300–450 mots) : même scène, avec bascule (ex. : vitre → café → geste non rendu). Résultat : 3 versions compatibles, pas 3 textes concurrents. 3. Invariants / variables (cohérence douce) Choisir 4 invariants pour toute la série (ex. : il ne parle pas directement ; jamais de prénom ; un seuil par scène ; une seule sensation dominante par texte). Tout le reste = variables (lieux, météo, vitesse, foule/solitude). Chaque nouveau texte repiquera 2 éléments du dictionnaire (ex. : « vitre » + « sifflement ») et ajoutera 1 élément neuf.4. Matrice des axes (pour générer vite) Quand ça sèche, combiner 4 axes (au dé, ou au hasard). Lieu : rue / intérieur sombre / hauteur / périphérie / transit. Signe : son / lumière / odeur / chaleur-froid / objet déplacé. Distance : trace / voix / silhouette / présence derrière vitre. Sortie : question sans réponse / rire / coupure / marche. Tirer 1–1–1–1 → embryon prêt en 10 secondes. 5. Numérotation claire (versioning sans peine) Nom : 2025-10-22_Porte_A1.0.md (A = parcours canonique ; B = alternance ; C = enquête). Patch : A1.1 (même scène, échelle différente), A1.2 (chute modifiée), etc. En tête de fichier : une ligne Changelog (≤ 12 mots) : « + vitre embuée ; – ponctuation coupée ».6. Couture entre versions (le lien cohérent) Passe « couture » hebdo : on n’écrit pas, on ajoute des échos croisés. Le sifflement réapparaît au dancing (à la sortie des toilettes). La terre de sienne existe en reflet rouge sur un feu arrière. Les Abbesses laissent une buée qui reviendra sur la vitre du café. Relier par capillarité, pas par explication. 7. Arches de lecture (A/B/C…) Garder les 3 ordres (A/B/C). À chaque nouvel épisode (ex. : Autoroute), décider tout de suite : A = pont entre deux nœuds (entre Question et Voix). B = coda hors séquence (ne pas toucher à l’alternance dedans/dehors). C = indice supplémentaire (C4, C5, etc.). Chaque texte rejoint au moins une arche — parfois deux. 8. Rituel (30 minutes chrono) 10 min : écrire Nano à partir d’une graine. 10 min : passer en Court (ajouter seuil + sensation). 5 min : Couture (ajouter l’écho croisé vers un ancien texte). 5 min : Classer (A/B/C), nommer (…_A1.1), noter le changelog.9. « Bible » d’une page (pour ne pas dévier) Un seul document, vivant : Règles d’or : tes 4 invariants. Dico de détails : 10 totems max. Topologie : 5 lieux maîtres (porte, vitre, dancing, butte, autoroute/atelier). Timeline fantôme : ordre canonique + derniers ajouts (à cocher après chaque session).Annexe — Fiche-embryon (copier/coller) Signe : Geste du corps : Seuil : Distance : Objet-totem : Sortie :|couper{180}
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drôle de nuit
-- Cette nuit, j’ai rêvé que j’étais un cube empilé parmi d’autres cubes. Cette promiscuité était d’autant plus difficile à vivre que je ne pouvais faire aucun mouvement ni même protester : aucun son ne sortait de ma bouche. D’ailleurs je n’avais pas de bouche. Juste une face lisse, une face avant exactement semblable aux cinq autres. Pour m’en sortir, j’ai rêvé dans mon rêve que je devenais sphérique, puis j’arrivais à m’extraire de la pile, non sans mal ; j’ai fait une chute vertigineuse. Une chute dans le noir sans fin qui durait durait durait. Pour m’évader de ce rêve-ci, je me suis encore transformé en mouche parce que je ne pouvais pas vraiment faire autre chose. J’aurais préféré quelque chose de plus noble. Mais on fait avec ce qu’on peut. En fin de compte, au moment même où j’apercevais enfin la lumière, que j’allais m’élever dans les airs au-dessus de je ne sais quel paysage, voici que je me suis fait gober par un oiseau et je suis devenu oiseau par je ne sais quelle alchimie onirique. Mais l’oiseau est mécanique, il est un produit d’une gigantesque intelligence artificielle qui désormais gouverne toute la Terre. Ses rêves sont des rêves de cubes, et me revoici à mon point de départ. La question, au réveil : seules les mouches sont-elles vivantes, non altérées encore par l’intelligence artificielle ?|couper{180}