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Sans défense

La logique de la Providence me conduit à être de plus en plus nu, sans défense. Les vases communicants, ne laissent rien passer. Sauf ce qui est juste. D’une justice amusante, mi-ironique, mi-mélancolique. Comme il se doit exactement. Ce qui inspire à laisser les événements suivre leur pentes ou leurs sommets non avec indifférence, mais en préférant toujours l’absence de réaction. Parce que la plupart de ces réactions sont motivées par la peur, le gain, la perte, l’avoir en règle générale. Le fait de ne rien faire est un fait. Le dernier fait possible quand on a épuisé tous les autres. Pour autant le fait de tendre une autre joue n’entre pas dans le domaine des faits possibles, ce serait encore une défense évidemment.|couper{180}

Sans défense

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Bouffer, se nourrir

Le trou possède t’il une fin, que nous engloutissions, bouffions, dévorions tant et tant jusqu’à l’écœurement et malgré cela restions insatisfaits. Dans cette glissade du désir, la panique de rater une occasion, le vertige que ce mouvement de soi crée, voire provoque, l’idée de la faim se confond avec celle de la fin phonétiquement. L’appétit est probablement le mot inventé à cet escient, pour pointer un possible distinguo. Tant qu’on n’évoque pas la mort distinctement c’est ainsi. Son absence linguistique crée un trou noir qui aspire presque tout ce qui se tient à sa périphérie. Bouffons pour contrer l’indicible. Défense dérisoire. Bouffons pour ne pas voir, ne rien entendre, et tout ce qui peut nous glisser des mains, intangible d’un sein pâle, d’une bouche vermeille, d’une cuisse à la douceur de satin. Bouffons pour avaler tout rond toutes ces amertumes, ces déceptions, ces attentes intolérables insupportables. Bouffons et chions surtout des montagnes de merde, un Himalaya, un Everest concrétions irrespirables de nos désirs toujours insatisfaits. Puis mourrons, assistons hébétés au divers fins du monde, laissons nous emporter. Nous sommes tellement certains de revenir, de tout recommencer encore et encore dans l’infini d’un temps fantasmé, temps des horloges des banques et des usines. Bouffons et chions, pour bien montrer l’indignation de vivre ainsi sans autre choix le pense-t’on. Se nourrir quand tu découvres la patience comme résistance. La frugalité comme haut-fait chevaleresque. Mots à vivre au beau milieu du dérisoire.|couper{180}

Bouffer, se nourrir

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Se donner en spectacle

Peinture Karel Appel Se donner, n’importe comment et pourquoi pas en spectacle. Se donner pour ne plus rien avoir à protéger. Pour ne plus bâtir de murailles, de frontières, de séparation. Se donner parce qu’en fait tu ne possèdes rien d’autre de plus précieux que toi-même et que cette richesse là t’apparaît si obscène. Obscène tout ce temps, ce luxe dont tu as disposé pour faire si peu. Tu t’es donné le temps voilà. Et désormais tu sens la mort arriver et tu te dis qu’une urgence de rendre devient pressante. Alors tu te donnes en spectacle, comme ces vieux clowns que tu avais rencontrés et avec qui tu avais sympathisé instinctivement, au cirque d’hiver, dans le début des années 80. Tu faisais des recherches sur Auguste. Auguste qui se casse la figure obstinément dans la sciure. Auguste qui tombe comme on se donne sans relâche. Pour un sourire. Et que récoltons nous bien sur à la fin, un rire, un haussement d’épaule. C’est l’ultime étape sans doute de parvenir à ne plus être touché par cette indifférence. Devenir un clown cosmique dont le seul public est l’invisible. Se donner en spectacle, en pâture à l’invisible.|couper{180}

Se donner en spectacle

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Littérature et grande distribution

Dans la continuité de l’idée, déjà énoncée, d’effectuer des défis pour sortir du spectacle, Sébastien Bailly ne boude pas son entrain. Et je ne boude pas non plus mon plaisir d’y faire un tour chaque matin. https://youtube.com/playlist?list=PLoqSGjtIwNgEPfhd1Y8IpC-BIJO34ohlR|couper{180}

Littérature et grande distribution

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Les silences de Beckett

Lu hier le petit livre de Charles Juliet qui relate ses entretiens avec Samuel Beckett. C’était comme si j’étais là. Silencieux, attablé avec eux deux. Grand moment. Et toute le nervosité de Monsieur Juliet était à boire comme du petit lait. Ces questions. Merveilleux. Surtout le profil de marbre de Monsieur Beckett. Une falaise irlandaise sous les assauts des déferlantes, des embruns, imperturbable. Magnifique paysage. De là où j’étais, le trou noir de son oreille bien visible, comme l’entrée d’une caverne. Il y faisait bon, ni trop froid ni trop chaud, l’hygrométrie ajustée avec une admirable précision. Aussi m’y attardant paresseusement je pu constater l’effort renouveler pour trouver la réponse. Pas la première venue, pas la plus spontanée, pas d’esquive. Non. La seule et unique réponse possible qu’il puisse formuler. C’est quelque chose d’assister à cela. Et on apprend énormément, à la fois sur les réponses toutes faites, et sur celles que l’on est en mesure d’inventer tout seul. Monsieur Juliet évoque les longs silences de Monsieur Beckett. Vu de l’extérieur on peut tout à fait comprendre ce qu’il dit. Mais si on pénètre dans le creux de l’oreille, non. Le seul silence est la réponse quand elle surgit.|couper{180}

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Permanence du spectacle

On sort du théâtre, de la salle de cinéma, le spectacle est-il terminé pour autant. Toutes les pensées, les opinions, les jugements, souvent binaires, j’aime ou je n’aime pas, forment comme une continuité et crée un léger tremblé du monde. On ne voit pas le lien forcément. Ou on ne veut pas le voir. Mais le spectacle ainsi identifié clairement, par l’affiche le lieu, le prix du billet, n’est qu’un point non isolé d’une ligne dont on aurait peine à retrouver l’origine. C’est cette permanence du spectacle qu’on y ressent et qui nous met face à une forme d’impuissance de pouvoir en sortir. Cette conscience d’être pris dans le spectacle permanent du monde cherche une issue mais n’est pas armée pour créer des portes, elles sont déjà grandes ouvertes, des issues de secours déjà prévues par l’univers du spectacle. Reste la lueur d’un café dans la nuit, les reflets de la pluie sur les trottoirs, le bizarre et la sensation de malaise que tout cela produit. Reste l’alcool, la poésie, la littérature, la peinture, la bouffe et le sexe, autant de véhicules afin d’atteindre à l’ivresse. Rien de plus éphémère. Rien de plus décevant si on creuse l’espoir qui apporte de telles déceptions. C’est que ces ivresses là ne sont pas soutenues par une rage exacte. D’abord être certain de cette rage, qu’elle devienne pour soi indubitable. Étrangement, une fois identifiée, elle ne nécessite plus d’ivresse. Mais une attention de chaque instant. C’est l’attention à chaque pas, chaque moment, chaque objet, chaque être, une attention en soi-même , qui est le plus susceptible de désamorcer le continuum. De le faire dérayer doucement sans bruit. À cet instant l’attention devient le point qui permet de dévier, de dissoudre, toute ligne. Ne reste plus ensuite qu’à affronter l’exil.|couper{180}

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Défi et spectacle

Confusion de visages. P.Blanchon 2022 Il faut bien faire quelque chose. Produire. Et trouver un certain nombre d’astuces pour se motiver. Le défi comme source de motivation. Ne fonctionne jamais mieux que lorsqu’il est proféré publiquement. Très difficile de se lancer un défi à soi-même, sans passer par une médiation de la foule. Cela fait partie du spectacle. Puisque désormais il est à supposer qu’un défi lancé de soi-même à soi-même n’est qu’une version individualisée, une portion fractale de ce spectacle. En prendre conscience. Puis trouver la parade. Jouer avec les codes. Se lancer des défis inutiles. Des défis qui ne produisent que le simple mécanisme dissimulé sous le mot. Se donner en spectacle comme on se jette dans la gueule du loup, dans la fosse aux lions, mais on ne projette dans tout cela qu’un personnage, un fantôme, un mort. Les mâchoires muées par l’avidité claquent dans le vide, n’ont rien à se mettre sous la dent. Parvenir ainsi, par le défi à rendre étrange le défi lui-même et le spectacle qu’il produit. Cela passe la plupart du temps par le ridicule, le risible, le grotesque, le monstrueux, c’est à dire quelque chose de presque semblable au spectacle, mais dont on ne peut cependant pas ajuster correctement, irréfutablement les contours.|couper{180}

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Aimer détester

Tricheur à l’as de carreau Georges de La Tour A ceux qui , bouches d’or, encensent sans cesse l’amour car il n’ont pas de coeur, détestables. Soyons franc. Aimer et détester sont des choix nés de l’expérience, vous dites intuition, mais rien ne tombe ainsi rôti des plus hauts ciels. Aimer et détester c’est humain vraiment. Osez être humain, ne cherchez pas à mimer l’ange. Pauvre ange. A des milliers d’années lumière de notre réalité. En ces temps de chien, où tout est inversé, détestez, détestez le plus souvent possible. Il n’y a qu’ainsi que vous sentirez battre un vrai coeur. Âmes perdues dans l’indolence, bercées par des comptines sans queue ni tête.|couper{180}

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Jeu d’enfant

Le double secret René Magritte. Tout au contraire de ce qu’il veut, l’enfant dit je veux vivre. Et les adultes autour battent des mains. Comme il a bien appris sa leçon. Comme nous sommes fiers, si fiers, ne serions-nous pas enfin rémunérés de nos efforts, sauvés. Car il n’y a guère autre chose qui compte vraiment n’est-ce pas que de toujours entendre ce que l’on désire entendre. Pour ensuite bâtir des murs, accrocher des pancartes, chien gentil ou chien méchant, un *Sam suffit* écrit avec application, en belles anglaises. Tout au contraire un jeu d’enfant se dit l’enfant.|couper{180}

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Boomerang

En pleine figure, le retour. Tout rire est une brûlure, un acide. Et il faut encore se mettre à genoux, remercier pour ça. Comment ça faire autrement, vous ne savez pas de quoi vous parlez. Ah vous êtes fringuante pleine de morgue. Mais oui comme c’est frais et divertissant. Sauf que non j’ai du mal à sourire, j’ai pris le boomerang en pleine gueule, regardez, regardez les dents, regardez cette peau avec toutes ces crevasses ces rides ces imperfections, ces poils qui me sortent des oreilles du nez de partout. Oh oui je sais, vous allez pousser le bouchon, vous allez vous mettre à m’aimer, à vouloir me sauver. Je connais tout ça par cœur sur le bout des doigts. Si je n’étais pas si peureux d’en prendre un autre dans la gueule, je ne te dirais qu’une seule chose, une chose tellement désespérée, une chose qui te fera bien rire tant et tant, et t’enfuir au loin, il faut l’espérer : Retire ta culotte.|couper{180}

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Dictature

Tout est dictature, l’humain n’est que ce mot. Se dicter, dicter aux autres. Quoi, ce n’est pas ainsi. Il n’y a que les enfants qui disent c’est autre chose. Le temps qu’ils comprennent et abdiquent. Presque tous abdiquent. Et ceux qui n’abdiquent pas s’enfonceront encore dans mille erreurs. Ils finiront aussi par abdiquer. On ne peut y échapper vraiment. Ces rares, très rares qui savent choisir leur maître, leur dictature, il faut soulever une pierre, une bouse, pour les trouver. Et souvent sous la pierre, la bouse, il n’y a rien.|couper{180}

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Perdu l’avis

Perdu ton avis, tu ne l’as plus trouvé. Perdu comme un assassin tue sous le soleil quelqu’un sans même savoir pourquoi. Autrefois, hier c’était ton avis, et tu disais souvent oh à mon avis. Perdu l’avis, au dessus du fleuve des volutes bleuâtre s’élèvent. C’est comme ça.|couper{180}

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