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Un vin trop fort
Mey étant versé dans une peinture de cour safavide, Ispahan du XVIIe siècle. Boire un vin trop fort entouré de crétins. C’est ajouter de la gêne à la gêne, alourdir ton fardeau. Pourquoi s’obstiner. Parce que tu sais que tu es un crétin comme tous les autres. Tu le sais tellement. Tu pourrais tant le savoir à réveiller le vieil orgueil. Heureusement le vin est fort, trop fort. Tu ne finiras pas ton verre. Pas d’ivresse ainsi.|couper{180}
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Plus près des morts
Cimetière juif de Prague. Plus près des morts que des vivants. Comme pour écouter mieux la chanson des vies. Avant que d’être mort et sourd et oubli. Être près des morts et les laisser entrer, s’épanouir, dans le vaste vide ponctué de sépultures. A leur guise. Ils sont plus vivants que les vivants les morts ainsi.|couper{180}
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Encore Pavese
Si tu as beaucoup lu autrefois tout ce sera évanouit. Tout ce désir de savoir, de posséder, d’exister, d’être autre que ce que tu es. Reste comme au fond d’un tamis quelques poussières encore. Tu clignes des yeux étonné les trouvant. Comment, toi Pavese. Alors que justement tu disais que jamais tu ne sombrerais dans cette faiblesse. Attribuer des yeux à la mort. Et puis te revient une ou deux choses, tu disais pantomime ce never more. Tu en riais même pour , bravache, croire échapper au mauvais œil, au mauvais sort Et aujourd’hui. Pavese. La mort viendra et elle aura ses yeux. Accepte.|couper{180}
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Ne cherche
Ne cherche rien que d’être ici ou là, sans quitter le point des yeux. Vision périphérique agrandit ainsi de jour en jour de nuit en nuit. Veille. Ne cherche rien. Trouve ici et là, l’air l’eau, le pain et crée ton propre vin. Enivre-toi le soir, enivre-toi le jour. Ne cherche. Trouve en ton lieu l’os et sois sa moelle.|couper{180}
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Nerf
Le curare agit localement sur les nerfs. Il agit sur les centres nerveux, et quand un nerf a été séparé des centres, il n'agit pas sur lui (Cl. Bernard, Notes, 1860, p.46).Les émotions s'accompagnent, comme chacun le sait, de modifications de la circulation du sang. Elles déterminent par l'intermédiaire des nerfs vasomoteurs la dilatation ou la contraction des petites artères (Carrel,L'Homme, 1935, p.170) Le cul rare. Un poison, non dit l’ermite. S’y faire peu à peu en vieillissant. Ne surtout pas essayer de se raccrocher aux branches. Jouer les pendus. Non abandonner aussi toute agitation due aux humeurs, glaires, morves et pituite dixit Émile Cioran qui en connaissait un rayon. Se libérer élégamment de ça aussi. Mourir dans l’apaisement juste après avoir élevé et libéré une saine Colère. Puis ne plus être qu’une branche sèche, une feuille sèche, en attente, sans l’attente, du petit vent Paraclet.|couper{180}
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Procéder.
Derviche avec un lion et un tigre, peinture Moghole v. 1650 Procès, procession, processus, procéder, procédure, procédurier, presque déjà posséder, possession, la justice, la loi et la propriété. Rien que dans le vieux des mots on sent tout ça qui était déjà là bien avant nous. Qu’on naisse, vienne au monde et se coule ainsi dans les mots est à la fois merveille et effroi, quand on y pense. Quand on y pense vraiment. Le peu qui reste de soi hors le vieux des mots pour entrevoir entre habitude et étrangeté. Que l’exercice d’un art puisse s’appuyer sur un processus, un procédé, on a déjà vu bien pire. Qu’un savoir-faire vous vienne avec l’étude, avec le temps, et alors. Procédez, procédez, et surtout bouclez- la, disaient jadis des maîtres sachant quoi dire à leurs élèves. L’ardillon des mots n’était pas de la gnognote. Pardi. Alors que de nos jours tout à chacun par enflure sait tout spontanément. La détestable façon. Le bavardage omniprésent. Du rien par tombereau, par palettes. La marchandisation, remplit la nuit tous les rayons des supérettes par magie, non, mais par de pauvres hères comme vous et moi à la solde, et tous les mauvais papiers de billevesées par des folliculaires azimutés. Des inepties à gogo. Un assommage quotidien et renouvelé. En règle. Deux procédés donc. Un processus à vide lié à la lie de consommer pour se remplir, bassesse totale d’exister ainsi. Un autre pour perdre la pensée, le jugement, le commentaire et être. Être sans autre. Tu procèdes ainsi par processus, procédé, t’y abandonnant, t’y perdant. Combien de temps, nul ne le sait. le procédé est un cercueil plus ou moins bien capitonné. Qu’on te plante un pieu à la place du cœur si dans mille ans tu te relèves d’entre les morts. Un souhait ardent. Tu auras procédé ainsi jusqu’au bout du bout. Tu seras enfin libre et voilà tout.|couper{180}
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La mort comme seule autorité
C’est drôle, ça a l’air vivant mais juste par autorité. Et si on remonte le fleuve en amont on ne verra que ruines, que terres noires et cendres. C’est que la source ne se laisse pas retrouver d’une façon aisée, sans vaincre l’empêchement des sens on ne peut y accéder. Puis enfin on la trouve, c’est un corps déposé au haut d’un arbre, mort lui aussi. C’est d’ici que coule dans la vallée l’autorité. Sans ce paquet d’ossements , aucune fleur n’a la force de s’ouvrir. Aucun chien ne jappe de joie, aucun oiseau ne s’en remet aux vents. Aucun homme ne jouit de la liberté de se mentir.|couper{180}
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Autorité
L’autorité dans le domaine de l’écriture. Agaçante si elle n’est pas précédée d’un pouvoir. Pouvoir qui n’est lié qu’à la reconnaissance par autrui d’un fait : celui d’augmenter une connaissance, suite à un examen favorable des oiseaux. C’est pourquoi les chamans sont revêtus d’une autorité naturelle. Certains écrivains également. Et bien sûr tous les poètes. Puis arrive un moment dans la vie où cette autorité n’a plus besoin de médiation. Où le chaman, l’écrivain, le poète se confond en celle-ci totalement, y disparaissant. Le risque est présent lorsqu’il n’y disparaît pas totalement. Lorsqu’il cherche encore à s’accrocher à quelque chose qui n’est qu’une illusion. Peut-être cette illusion de vouloir encore vivre quand on est mort. C’est le flou d’une visée télé métrique, vite oublié lorsque la mise au point est réalisée. Revenir au flou tant que le doute sur cette précision perdure.|couper{180}
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Compressions
Cesar compression. Ce dont on se souvient, le peu, des livres, des personnes, des événements. Compresser le peu, l’approcher du rien. S’exercer à la compression. #Quelques livres. (extrait) Don Quichotte en vrac : image de Picasso, roman de Cervantes, triste figure chevaleresque, Dulcinée de Tobosco, inaccessible étoile, Tarkovsky, l’image d’un homme qui abat une forêt pour se frayer un chemin vers une étoile, Sancho Pansa, Rossinante et moulins à vent. Espagne. Prison. Un peu semblable à la prison où Sade écrit. Deux tomes dont on ne lit généralement qu’un seul, le premier. Faut-il donc toujours se sentir en prison pour écrire des chef d’œuvres. Le piège de penser que l’enfermement est le signe avant-coureur d’un génie à venir. L’Odyssée : plusieurs lectures contradictoires. J’ai adoré enfant, adoré adulte, détesté ensuite passant le cap de la cinquantaine. L’homme moderne, la ruse, l’arrogance, et cette amitié louche avec Athena qui vient toujours à sa rescousse. Histoire écrite par un aveugle. Construite forcément à partir du ressentiment éprouvé de n’y voir goutte. Les Rougon-Maquart , une mythologie valant bien celle d’Homère. Sous une pellicule de naturalisme. La comédie Humaine. Découverte après coup que ce qui fait rire à une époque ne le fait plus du tout à une autre. Que le rire est aussi ce qui caractérise sans doute le mieux les époques, sauf qu’on est empêché d’y avoir accès pleinement. On ne peut que supputer l’humour d’une époque. Une tombe au cimetière du Père Lachaise, croisée des dizaines de fois, perdue au milieu des autres. La Tora. Beaucoup trop de commentaires. Mais utile pour en finir à terme avec l’illusion de penser. La bible, beaucoup trop de commandements dans la première partie, et bien trop de billevesées dans la seconde. Outil pour gouverner les foules aveugles. Outil efficace. Efficace aussi pour en finir avec la pensée, mais trop de méandres sous couvert de simplicité. Fait croire à des choses cachées qui ne sont en fait qu’une longue suite d’évidences. Le bol et le bâton. Suite de textes traditionnels bouddhistes recueillies par un maître zen. Fait sourire, mais pas que. Vide beaucoup d’illusions concernant l’illumination, l’éveil. Plus vraiment nutritif une fois passé la cinquantaine. L’herbe du diable et la petite fumée. Vaut de longues et fastidieuses études de psychologie, sans le résultat désastreux habituel obtenu. Permet de mieux saisir l’espace, le lieu d’une humilité digne de ce nom. Permet aussi de saisir comment la fiction permet d’appréhender au plus près certaines vérités. N’inspire que très peu pour user des drogues. Apparition du concept de Grille de lecture. Parlez moi d’amour. Recueil de nouvelles. Désarçonne, puis éblouit. Ainsi donc la langue parlée est aussi écriture. Savoir écouter. Relations de couple. Le gouffre de l’insatisfaction chronique. Le refuge dans la médiocrité de vivre. Y reconstruire la beauté. Au delà des apparences. Une bonne chose de découvrir que le monde n’est qu’apparences. Une mauvaise de chercher à vouloir trouver ce que dissimule ces apparences si on n’est pas de taille à l’encaisser. On ne pose pas une question si on n’est pas prêt à écouter la réponse. […]|couper{180}
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Paragraphes sans titre.
La torture de Prométhée , peinture de Salvator Rosa (1646–1648). Entre les pensées l’espace est-il si vide, si effrayant. Et penser panserait-il les plaies laissées vives, les marques des monstres croisés, entre aperçus, au fond du rien. Que de tels monstres vivent en ce néant, qui sont-ils, d’où viennent-ils, que veulent-ils. Et s’ils n’étaient créés que par les pensées. Par la peur la rage de se trouver toujours anéantis. Murailles. Murs et cloisons qu’on élève. Issus des odeurs de ciment et de chaux. Ingratitude souveraine. Et s’ils n’étaient que flous reflets. Rejetons affolés de la peur, des effrois, prisonniers emmurés, fantômes et autres spectres, victimes d’une incarcération plus ou moins volontaire. Sauter une ligne, laisser un blanc, mais conserver l’idée du bloc, dépourvu d’alinéa. Et surtout ensuite chercher l’option pour tout justifier. Que le paragraphe s’aligne en lui-même. Surtout pas de lui-même. Qu’il crée ainsi un semblant de cohérence avec le précédent et le suivant. Vienne le jour, la nuit où rien ne sera plus innocent. Tout surgit soudain par bouffés, par flots, et on s’enfonce dans le sol, en quête de racines amies. On voudrait la consolation tout en sachant qu’on ne saura la mériter. Qu’on la conspuera. Paradoxe de vivre ainsi sa mort comme on écrit un paragraphe au sein du blanc, du vide. Une île. Force et fragilité des îles. D’île en île, naviguer, au travers la brume, on peut les deviner. Masses de mots qui surgissent. Leur imprécision vue d’ici est presque un baume. De ce lieu dans l’entre-deux. Calme irréel, inédit. Comme à mi distance entre ordre et chaos. Œil du cyclone. L’air d’Odin Le Borgne. Naviguer ainsi, errer, d’île en île, toujours animé par le désir et la crainte du naufrage. Infecte toute puissance. Merveilleuse illusion d’omniscience. Le naufrage désiré, le pire ne serait-il pas de s’installer dans une de ces îles. S’enrouler progressivement dans le cocon tissé d’une invisible araignée, l’évidence, dissimulée dans cette quiétude visée. Visée par qui, par quoi, et dans quel but sinon la tuer. Sans relâche et fausse trêve en finir avec elle. Des paragraphes à l’aspect tranquille, qui filent à la vitesse des balles, dans un silence, une indifférence, étourdissant. Le meurtre du monstre enfin comme un soulagement. Courte durée, écoute-le glapir. Le cœur se serre de le savoir d’avance et d’effectuer le geste. Cœur d’artichaut, larmes de crocodile. L’inéluctable meurtre qui rend inéluctable le texte. Et l’humain dans sa défaite , de se nourrir, se repaître de son humanité, garde-manger inépuisable. Vautour et demi-dieu, mêlée de plumes et d’os. Pourtant la plage est là, agréable tout ce sable fin. De le fouler au pied procure du plaisir. Incontestable plaisir. On ne sait qui marche ici dans le bruit des ressacs. C’est un être sans nom, sans titre, il n’est ni plus ni moins plus qu’une suite de paragraphes , un simple texte écrit par n’importe qui.|couper{180}
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L’histoire de la pomme de terre
Excellent, à recommander ! Un jour un type fera un roman en racontant comment il épluche une pomme de terre. Intéressant non. Que ceux qui ne trouvent pas l’idée séduisante retournent sur Netflix, au bistrot, aux putes, ou n’importe où, ailleurs qu’ici. À ceux qui te disent qu’une bonne histoire a toujours un début, un milieu, une fin — réponds qu’une bonne histoire est une pomme de terre, et que c’est toi qui l’épluches. Qu’est-ce que le début, le milieu et la fin d’une pomme de terre ? Un jour viendra qu’un type saura faire un bouquin de ça. « OUTILS DU ROMAN (LE CREATIVE WRITING À L’AMÉRICAINE) « Tiers livre éditions, traduction de François Bon d’après les dires de Malt Olbren J’ai reçu le bouquin il y a deux jours et ça fait déjà deux fois que je le relis. Un condensé d’illuminations. Et si proche de tout ce que je comprends de la peinture. Des anti commandements d’écrire valant comme autant d’anti commandements de peindre. J’imagine qu’un boulanger se mettant à écrire sur le pain ne ferait pas un autre genre de livre. Ou un plombier, ou , excusez d’y revenir, une péripatéticienne. Autant de métiers autant de voies apparemment diverses et variées. Mais une seule qui vaille. Toujours la même. Celle d’aller au plus près du réel fouiner dans notre propre vide. C’est tentant de s’y mettre. Écrire le roman d’un épluchage de pomme de terre. Très. En tous cas Malt Olbren et François Bon, cela fait au moins deux personnes intéressées par l’idée. Qu’il y en ait une troisième alléluia ! Ce qui ne signifie pas qu’intéressé soit synonyme de faire, évidemment. Autre idée : un roman sur ce type qui ne parvient pas à écrire son roman intitulé « éplucher une putain de pomme de terre ».|couper{180}
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Se réveiller trop tôt
Lorsque le désœuvrement bascule, s’approche d’une jouissance, d’ailleurs assez proche de la jouissance de la solitude, le corps est le garant d’un équilibre à retrouver. Se réveiller trop tôt, vers les trois heures du matin, pour jouir de ce désœuvrement est un signe avant coureur du déséquilibre qui s’est installé. Ruser avec la jouissance demande encore un nouvel abandon. Traîner une heure, deux, puis retourner à reculons, l’air de rien, vers le lit. Se dire qu’au point où on est parvenu, dormir ou pas n’a pas d’importance, être animal. On peut même pour se rassurer de la surprise, écouter un podcast avec seulement un écouteur dans l’oreille qui ne s’appuie pas sur l’oreiller. Qu’on ôtera d’un geste automatique dans le nouveau sommeil une fois proche du lieu qui nous emportera vers l’ailleurs.Alors le travail véritable commence, celui des rêves. Que de tableaux, que de textes admirables de sobriété, de mystère, tous basés sur le réel cette fois. Rêver du réel voilà un rêve digne de ce nom. Et les œuvres réalisées durant cette période, mettons entre cinq et neuf heures du matin, suffiront si on s’entraîne à s’en souvenir, pour reprendre confiance les jours de doute ou d’empêchement.|couper{180}